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Nos Lecteurs ont la Parole

Les trois hommes-clés qui ont établi l’État d’Israël

L’idée de créer un État juif en Palestine a émergé à la fin du XIXe siècle, grâce au mouvement sioniste initié par des juifs nationalistes. Cependant, cette idée a suscité une controverse dès le départ et a nécessité la mobilisation de plusieurs acteurs importants, tels que Theodor Herzl, Chaim Weizmann et David Ben Gourion, qui ont joué des rôles décisifs dans sa réalisation. Ils ont réussi à surmonter plusieurs difficultés, notamment le refus d’une grande partie des juifs laïcs ou religieux, et ont finalement établi leur État dans un environnement hostile, bénéficiant du soutien de pays puissants qui avaient un intérêt à l’existence d’un État juif dans cette région. Mais les conflits avec les populations locales palestiniennes n’ont pas cessé depuis la création de l’État d’Israël en 1948, et la situation reste tendue à ce jour.

À la fin du XIXe siècle, le mouvement sioniste prend de l’ampleur sous la direction de Theodor Herzl (1860-1904), un journaliste nationaliste laïc et écrivain austro-hongrois. Theodor Herzl était à Paris pendant l’affaire Dreyfus en 1894, un événement qui a divisé la France en deux clans, l’un libéral et l’autre nationaliste et antisémite. Choqué par la forte présence de l’antisémitisme en France, pourtant considérée comme le pays du siècle des Lumières et de la Révolution française, Herzl en a conclu qu’il n’y avait plus de lieu sûr pour les juifs et que la création d’un État juif était devenue inévitable. C’est lui qui, en 1897, a organisé et présidé le 1er Congrès sioniste à Bâle qui a abouti à la décision de créer une patrie pour le peuple juif.

Après la mort prématurée de Herzl, Chaim Weizmann (1874-1952), chimiste et homme d’État biélorusse, prend la relève en tant que président de l’Organisation sioniste mondiale. En 1904, il résidait en Angleterre où il avait inventé un procédé accélérant la fabrication de l’acétone, essentielle à la production d’explosifs pour les Alliés durant la Première Guerre mondiale. Cela allait lui permettre de rencontrer des hommes de pouvoir, dont Arthur Balfour, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, grâce à qui la fameuse déclaration Balfour allait être signée en 1917, affirmant le soutien du Royaume-Uni à l’établissement d’un foyer national pour le peuple juif en Palestine.

Le mouvement sioniste allait suivre une politique de double jeu en semant volontairement la confusion entre l’idée d’un État juif et celle d’un foyer national pour le peuple juif, comme expressément mentionné dans la déclaration Balfour, et cela dans le but d’obtenir progressivement un État juif en Palestine, malgré le fait que la majorité des terres étaient détenues par les Palestiniens. Cette stratégie a conduit Weizmann à conclure un accord de coopération judéo-arabe avec l’émir Fayçal ben Hussein en 1919, visant à créer un foyer national juif en Palestine. Après de nombreuses années de lutte pour la reconnaissance internationale, Israël était finalement devenu un État indépendant en 1948, avec Weizmann comme premier président d’Israël.

Weizmann poursuivait trois objectifs dans la création d’un État pour les juifs : la reconnaissance et le soutien des grandes puissances à son projet ; le raffermissement du sentiment juif et de la conscience nationale du peuple juif ; l’implantation des juifs en Palestine.

La déclaration Balfour a ouvert la voie à Weizmann pour l’obtention de la reconnaissance et du soutien des grandes puissances pour son projet d’un État juif en Palestine qui arrangeait les intérêts des Alliés dans la région, notamment les Anglais qui cherchaient, en priorité, à protéger le canal de Suez et la route des Indes.

Weizmann a bénéficié du soutien des juifs résidant en Europe de l’Est qui représentaient environ 70 % de la population juive mondiale, sachant que dans cette région du monde, l’antisémitisme était très répandu, avec des pogroms contre les juifs depuis 1881. Cependant, Weizmann s’est heurté à une forte opposition de la part des religieux juifs qui considéraient que la création d’un État allait à l’encontre de la croyance religieuse juive. Les laïcs occidentaux ont également refusé l’idée d’un État juif de peur d’être accusés de double allégeance et de recréer à nouveau une sorte de grand ghetto.

Weizmann a alors chargé des personnalités influentes dans chaque pays, comme Louis Brandeis aux États-Unis, d’élargir l’appui à son projet. Il a aussi œuvré à obtenir un soutien plus large en Europe, en particulier en Angleterre. La déclaration Balfour de 1917 a, de son côté, contribué à affaiblir la réticence des juifs à l’égard de la double appartenance, et la montée de l’antisémitisme en Occident a également aidé à légitimer le projet sioniste. Enfin, les horreurs de l’Holocauste sous le régime nazi ont encore renforcé cette légitimité.

Le Fonds national Juif a été utilisé pour acheter des terres en Palestine afin de permettre aux juifs de s’y installer. Les terres étaient louées aux réfugiés juifs qui bénéficiaient de nombreux avantages afin d’organiser leur vie sur place. La première vague d’immigration juive a commencé en 1882 avec l’arrivée de 50 000 juifs fuyant les pogroms de la Russie tsariste. Ils ont construit Tel-Aviv, fondé des kibboutz ainsi qu’une base pour accueillir de nouveaux immigrants. Les migrations suivantes ont été irrégulières, et cela en fonction de l’attitude des Britanniques, mandataires de la Palestine. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les conséquences de l’Holocauste ont accéléré l’immigration en Palestine qui a alors atteint son pic. Les juifs y ont bénéficié de services de santé, d’éducation et d’emplois.

La troisième personne qui a joué un rôle crucial dans la réalisation de l’État d’Israël est David Ben Gourion (1886-1973). Cet homme politique et militaire israélien, né en Pologne en 1886, a mené, dans cet objectif, une triple action diplomatique, politique et militaire. Il est considéré comme l’un des pères fondateurs de l’État d’Israël et son rôle est primordial dans l’histoire de ce pays. Il a fondé le Parti travailliste israélien de gauche et a également dirigé la Haganah, l’organisation paramilitaire sioniste en Palestine. En 1948, il a participé à la guerre contre les pays arabes qui a conduit à la création de l’État d’Israël. Toutefois, cette guerre a également provoqué l’exode forcé de nombreux Palestiniens vers les pays voisins, en raison des massacres commis par des organisations paramilitaires sionistes, telles que l’Irgoun. Ben Gourion a œuvré à l’adoption du plan de partage de la Palestine visant à diviser le territoire en deux États distincts, l’un juif et l’autre arabe, plan qui a été adopté le 29 novembre 1947. Le 14 mai 1948, en tant que président du Conseil national juif, il a proclamé officiellement la naissance de l’État d’Israël.

Les fondateurs d’Israël ont falsifié plusieurs faits historiques en propageant l’idée selon laquelle la Palestine était la « terre promise » de Dieu aux juifs. En réalité, selon la croyance juive, ce retour devait se faire par le biais du Messie, après le pardon de Dieu. De plus, les fondateurs ont également affirmé que la Palestine était une « terre sans peuple », alors que la réalité était tout autre : en 1918, les juifs ne représentaient que 10 % de la population de Palestine, mais en 1946, leur nombre est passé à 31 %, grâce surtout à l’immigration. Les Palestiniens ont également été accusés d’avoir vendu leurs terres aux juifs, mais les chiffres montrent que cela est erroné. En effet, en 1947, les juifs étaient propriétaires de 6 % des terres de Palestine, dont 5 % seulement avaient été vendus par des Palestiniens et des ressortissants arabes aux juifs. Le plan de partage de la Palestine par l’ONU a offert 49 % des terres à l’État juif qui est finalement devenu propriétaire de 55 % des terres de la Palestine.

Les Palestiniens ont mené une révolte en 1936-1939 pour revendiquer la création d’un État arabe indépendant et pour la fin de l’immigration juive sioniste, mais cette révolte a été avortée par les Anglais, aidés par les juifs qui ont ramassé les armes des Palestiniens et chassé leur leader. En effet, en 1948, les juifs étaient arrivés en Palestine bien armés et entraînés par les Anglais. Le fait que leurs organisations paramilitaires aient combattu avec les Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale a facilité leur victoire contre les Palestiniens désarmés.

L’État d’Israël est, de ce fait, le fruit d’une série d’événements historiques et de la foi d’un groupe de pionniers qui ont réussi à convaincre un grand nombre de juifs de l’intérêt de la création d’un État en Palestine, et cela malgré leurs convictions religieuses et au détriment de leur intégration dans les sociétés où ils vivaient. Ils ont été aidés par l’antisémitisme et par l’Holocauste commis par les nazis, ainsi que par les intérêts des grandes puissances. Malheureusement, la création de l’État d’Israël s’est faite au prix de la violation des droits les plus élémentaires du peuple palestinien, qui a subi un exode massif de ses terres et qui vit aujourd’hui dans des conditions lamentables dans les pays voisins.

Georges Élias BOUSTANI

Architecte D.P.L.G.

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L’idée de créer un État juif en Palestine a émergé à la fin du XIXe siècle, grâce au mouvement sioniste initié par des juifs nationalistes. Cependant, cette idée a suscité une controverse dès le départ et a nécessité la mobilisation de plusieurs acteurs importants, tels que Theodor Herzl, Chaim Weizmann et David Ben Gourion, qui ont joué des rôles décisifs dans sa...

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