L'ex-directeur de la Sûreté générale (SG), Abbas Ibrahim, qui a quitté ses fonctions en début de mois après avoir atteint l'âge de la retraite, a plaidé pour un Etat laïc au Liban et annoncé qu'il ne rejoindra aucun camp politique, malgré sa volonté de se lancer sur la scène politique.
Critiquant, lors d'une interview publiée jeudi par le quotidien Asharq al-Awsat, la multitude des services de sécurité dans le pays, dont la direction est répartie entre les différentes communautés religieuses, M. Ibrahim a appelé à "abandonner le confessionnalisme et à se diriger vers un Etat laïc". "Les chiites ont la main sur un service sécuritaire (la SG), les sunnites aussi (les Forces de sécurité intérieure), quant aux chrétiens ils en ont deux pour faire l'équilibre (la Sécurité de l'Etat, dirigée par un grec-catholique, et l'armée dirigée par un général de confession maronite)", a-t-il rappelé.
"Performance destructrice"
Le général Ibrahim a par ailleurs dénoncé le fait qu'il n'y a "en règle générale aucune planification" au Liban, mais plutôt un système "d'action et de réaction qui prévaut en politique". "Cette mentalité, si elle perdure, sera mauvaise" pour le pays, a-t-il mis en garde, critiquant la "performance destructrice des politiciens".
Concernant son intention, évoquée lors d'un discours à la fin de son mandat, de se lancer en politique après ses fonctions à la tête de la SG, il a déclaré qu'il "ne rejoindra aucun groupe politique". "J'ai toujours été indépendant", a-t-il affirmé.
Pressenti par certains comme un remplaçant potentiel à Nabih Berry à la tête du Législatif dans l'avenir, Abbas Ibrahim n'a jamais caché sa volonté de se lancer en politique. Il avait d’ailleurs affirmé à des journalistes que le ministère des Affaires étrangères figurait dans son viseur. Il fait toutefois partie des responsables poursuivis par la justice libanaise dans l'enquête sur la double explosion meurtrière du 4 août 2020 au port de Beyrouth, mais il a toujours refusé de se présenter devant le juge Tarek Bitar, en charge de l'instruction.
Abbas Ibrahim est parti à la retraite le 1er mars 2023, après presque 12 ans passés à la tête de la SG. Après des remous, son mandat n'a pas été prorogé, contrairement à ce qui avait été pressenti par certains observateurs et ce, malgré le soutien affiché du Hezbollah à une telle prorogation. Cet officier de confession chiite originaire du Liban-Sud s'était pourtant imposé comme un médiateur efficace tant sur la scène locale qu'internationale. Abbas Ibrahim a finalement été remplacé par le général Élias Baïssari qui assure la direction par intérim de la SG en principe jusqu'à la formation d'un nouveau gouvernement, sous un nouveau président de la République, le gouvernement actuel d'expédition des affaires courantes n'étant pas habilité à nommer un nouveau directeur du service de sécurité.
Cellules terroristes "dormantes"
Interrogé sur la fin de son mandat, l'ancien directeur de la SG a révélé avoir fait part, il y a cinq mois, de son refus de rester à la tête de cet organisme, avant d'accepter une prorogation "temporaire" face à l'impossibilité de désigner un nouveau directeur. Concernant les rebondissements qui sont intervenus à quelques jours de la fin de son mandat, Abbas Ibrahim a accusé le Premier ministre sortant Nagib Mikati d'avoir "sifflé la fin de la partie". Nagib Mikati "a déclaré qu'il allait s'appuyer sur la loi concernant ce dossier, d'une manière qui a semé la confusion, malgré le fait que des experts juridiques avaient trouvé des solutions légales pour la prorogation", a estimé le directeur de la SG.
Abordant la crise des passeports dans le pays, le général Ibrahim a rejeté toute responsabilité, estimant que ce dossier "relève des autorités". "Le gouvernement et le gouverneur de la BDL se sont renvoyé la balle. Nous avions besoin de 15 millions de dollars", a-t-il dit. Depuis le début de la crise économique il y a environ trois ans, les demandes de passeports ont augmenté, entraînant une pénurie de documents de voyage. Face à cette ruée sans précédent sur les passeports, les délais d'attente pouvaient parfois s'étirer sur un an ou plus.
Commentant enfin la situation sécuritaire du pays, le général Ibrahim s'est dit inquiet face à la paupérisation galopante. "La situation sécuritaire est bonne. Mais la situation sociale pourrait mener à des heurts dans la rue entre citoyens et forces de sécurité", a-t-il mis en garde. "Il y a des cellules terroristes dormantes au Liban, qui sont pour la plupart sous surveillance", a-t-il encore révélé.
commentaires (6)
Monsieur Ibrahim. Vous ne pouvez pas choisir ce qui vous arrange de la laïcité. Soit vous demandez un État laïc donc abandon du confessionalisme politique ET ABANDON DES TRIBUNAUX RELIGIEUX AVEC OBLIGATION DE MARIAGE CIVIL seul reconnu par un État laïc. Sinon, tout ce que vous dite n’est que de la clarinette et arrêtez de vous bomber le torse je vous prie, un peu d’humilité
Lecteur excédé par la censure
11 h 41, le 10 mars 2023