Le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah a haussé le ton jeudi contre les États-Unis et Israël, mettant en garde contre un chaos au Liban, qui a connu récemment des tensions sécuritaires sur fond de crise économique et politique. Dans un discours retransmis en direct à l'occasion de la commémoration des "martyrs de la Résistance", le leader chiite a menacé Washington en des termes clairs : Tout chaos au Liban mènera à un chaos dans toute la région.
Sur le plan politique, et alors que le Liban est sans président depuis le 31 octobre dernier, et après une réunion de puissances occidentales et arabes à Paris le 6 février, le secrétaire général du Hezbollah a de nouveau appelé à une "entente intérieure" pour aboutir à l'élection d'un nouveau chef de l'État. Il a dans ce contexte affirmé qu'il n'y avait "rien de nouveau" sur ce plan.
Menace de recourir aux armes
"Si les Américains planifient d’instaurer le chaos pour aboutir à l’effondrement du Liban, je leur dis : Vous allez tout perdre au Liban. Nous utiliserons nos armes là où cela vous fera mal, même si cela aboutira à une guerre contre Israël. Vous devriez vous attendre à un chaos dans toute la région. Ceux qui pensent que nous resterons les bras croisés se trompent", a martelé Hassan Nasrallah, rappelant qu'il était prêt à utiliser ses armes en cas d'échec des négociations sur la frontière maritime avec Israël.
Il a commenté dans ce cadre certaines informations de presse selon lesquelles Israël a commencé à exporter du gaz depuis le champ offshore de Karish. "J’ai lu récemment qu’Israël a commencé à exporter du gaz depuis le champ de Karish. Si nous nous rendons compte qu'il y a des tergiversations au sujet de l'exploitation du gaz et du pétrole offshore dans nos champs, nous n'accepterons pas que l'ennemi extraie ces ressources de Karish", a prévenu Hassan Nasrallah. "Je mets en garde contre les tergiversations. Il faut une décision courageuse de la part du gouvernement actuel et du prochain gouvernement", a-t-il ajouté.
Le Liban avait conclu en octobre 2022 un accord historique avec Israël sur la délimitation de leur frontière maritime commune, après des années de médiation américaine. En vertu de cet accord, le champ gazier offshore de Karish se situe entièrement dans les eaux israéliennes en Méditerranée orientale. Le Liban pour sa part aura tous les droits d'exploration et d'exploitation du champ de Cana, situé plus au Nord-Est, dont une partie dans les eaux territoriales israéliennes. Mais jusque-là, les autorités libanaises n'ont toujours pas abouti à l'exploitation de ressources gazières offshore après la conclusion de l'accord.
Rien de nouveau
Le leader chiite a par ailleurs brièvement abordé l'impasse présidentielle qui dure depuis plusieurs mois. "Il n'y a rien de nouveau sur le plan du dossier présidentiel. Tout le monde a attendu la réunion de Paris, alors qu’elle n’a pas débouché sur un communiqué et que ses réunions restent ouvertes", a-t-il souligné.
Le 6 février, les ambassadeurs des États-Unis, de la France, de l'Arabie saoudite, du Qatar, du Koweït et de l'Égypte se sont réunis à Paris. Ils ont discuté de l'élection du prochain président libanais, du programme qu'il devrait suivre et du profil du candidat idéal, ainsi que de sa ligne politique et de sa feuille de route économique et financière. Mais aucun communiqué officiel n'a été publié à l'issue de cette rencontre. Les participants se sont ensuite entretenus lundi avec le président du Parlement Nabih Berry, et le Premier ministre sortant Nagib Mikati, puis mercredi avec le ministre sortant des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib. Ils ont à chaque fois plaidé pour la mise en place de réformes économiques sérieuses et l'élection d'un nouveau président de la République sans délais. Toute aide internationale a également été conditionnée à ces exigences.
Échéance locale
"Nous continuons de dire qu’il s’agit d’une échéance locale et le monde entier ne peut pas imposer de président au Liban. Il faut une entente intérieure et il faut que les efforts dans ce sens se poursuivent", a plaidé le chef du Hezbollah.
Le Liban est sans président depuis l'expiration du mandat de Michel Aoun le 31 octobre dernier. Le gouvernement actuel, démissionnaire depuis les élections législatives de mai 2022, ne dispose pas des pleins pouvoirs et se contente d'expédier les affaires courantes, alors que le Liban patauge dans une sévère crise économique depuis plus de trois ans.
Depuis septembre, onze séances parlementaires ont eu lieu pour élire un nouveau président, sans succès face au manque de consensus politique entre les différents partis. Chaque séance parlementaire est levée après un premier tour de vote, après le départ de députés du Hezbollah, du mouvement Amal et du Courant patriotique libre (CPL), ce qui fait sauter le quorum requis par le président de la Chambre Nabih Berry, de 86 députés sur 128. Au cours des onze dernières séances, le Hezbollah et la majorité de ses alliés ont voté blanc.
Le soutien officieux du parti de Dieu à la candidature de son allié chrétien Sleiman Frangié, chef des Marada, a provoqué des tensions entre le Hezbollah et son autre allié chrétien de poids, le chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, qui se considère, lui aussi, comme candidat "normal" à la présidence. Entre temps, le nom du chef de l'armée, Joseph Aoun, circule dans les milieux diplomatiques et locaux comme sérieux candidat à la présidence. Mais Gebran Bassil s'y oppose, et le Hezbollah continue de soutenir jusque-là Sleiman Frangié.
Phase délicate
Dans ce contexte, Hassan Nasrallah est revenu sur l'accord politique de Mar Mikhaël, scellé en 2006 entre son parti et le CPL. "En raison des échéances importantes dans le pays, l’entente est dans une phase délicate", s'est contenté d'affirmer le leader chiite, alors que les tensions inédites entre les deux alliés ont failli mener à une rupture totale. Mais jusque-là, le Hezbollah et le CPL assurent que cet accord tient encore, malgré tout. Lors de son dernier discours, le 19 janvier, Hassan Nasrallah avait appelé à l'élection d'un président "qui ne se soumet pas aux menaces américaines".
commentaires (34)
Le chaos dans la région et dans le monde offre plus de domination, et plus d'hégémonie aux américains, et leur permette de vendre plus d'armes. La paix par contre les menace de devoir se replier. Donc le choix du chaos sera bien accueilli par l'Uncle Sam qui n'attend que ça.
Céleste
10 h 25, le 19 février 2023