Plusieurs banques ont été incendiées et saccagées jeudi dans le quartier cossu de Badaro à Beyrouth, qui abrite plusieurs établissements bancaires. Un membre du collectif Le Cri déposants, Ala' Khorchid, a confirmé à L'Orient Today que son groupe est l'auteur de cette action coup de poing. Dans le nord du Liban aussi, la tension était vive dans la rue. Des banques ont ainsi été saccagées par des manifestants en colère à Tripoli.
Des routes ont par ailleurs été coupées par des protestataires dans le quartier de Mecharrafiyé, dans la banlieue sud de Beyrouth, ainsi que dans la Békaa, alors qu'à Saïda, l'armée a été déployée.
Ces incidents interviennent alors que le dollar s'échangeait à plus de 80.000LL sur le marché parallèle jeudi matin, marquant un nouveau record de dépréciation de la monnaie nationale dans un Liban en plein effondrement économique.
Au moins six banques, Fransabank, Bank Audi, Credit Bank, Byblos Bank, BBAC et la Banque Libano-française, ont été incendiées en fin de matinée, tandis que des manifestants ont jeté des pierres et brisé les devantures d’autres établissements.
Selon notre journaliste sur place Lyana Alameddine, des policiers anti-émeute ont également été déployés sur les lieux, tandis que plusieurs dizaines de manifestants étaient rassemblés, dans la matinée, devant les banques.
"Très futile"
"Je me suis fracturée la main mais ma banque ne m’a pas donné mon argent pour que je puisse me faire soigner", racontait Férial Karout, une infirmière de 52 ans, qui figurait parmi les manifestants. Un habitant du quartier n'était toutefois pas d'accord avec le saccage des banques. "Ce qu’ils (les manifestants) font est très futile car ce ne sont pas les banques qui sont responsables (de la crise) mais les politiciens. Ils doivent s’en prendre aux politiciens". "Ce qui se passe aujourd’hui est très normal. C’est une réaction émotionnelle", estimait pour sa part l'avocat et activiste Ali Abbas, présent sur les lieux. "Les banques sont toujours en train de travailler pour ceux qui sont protégés. Mais ce sont les gens lambda qui sont en train de payer le prix de toutes les décisions en cours", fustigeait-il.
Vers midi, les manifestants ont quitté le quartier de Badaro. Une partie d'entre eux, affiliés au Cri des déposants, a observé un sit-in à Horch Tabet, en banlieue de Beyrouth, devant le domicile du patron de l'Association des banques au Liban (ABL), Sélim Sfeir, a confirmé à L'Orient-Le Jour Ala' Khorchid. Selon des images de notre photographe sur place Mohammad Yassine, des manifestants ont incendié le portail à l'entrée du domicile de Sélim Sfeir, avant d'être repoussés par des policiers.
A Tripoli, au Liban-nord, plusieurs banques ont également été saccagées, selon notre correspondant, Michel Hallak. Un groupe de protestataires a même incendié des pneus devant une branche de la Bank Audi.
Les banques sont quant à elles en grève ouverte depuis une dizaine de jours, sur fond de crise économique grandissante. Seuls les distributeurs automatiques de billets (ATM) sont opérationnels. Les banques imposent des restrictions illégales aux clients depuis le début de la crise économique au Liban en 2019, limitant les retraits et les transferts. Ces derniers mois, le pays a connu une vague de braquages de banques au cours desquels des déposants, parfois armés, ont fait irruption dans des agences pour réclamer leurs propres fonds.
Routes coupées
Ailleurs dans le pays, la colère grondait aussi. Une route a été coupée, en fin de matinée, dans le quartier de Mecharrafiyé, dans la banlieue sud de Beyrouth, selon un témoin. Dans la Békaa, la route principale de la localité de Taalbaya a été bloquée jeudi dans les deux sens par des manifestants qui dénoncent la dégradation des conditions de vie et la flambée du dollar face à la livre, selon notre correspondante dans la région Sarah Abdallah. Par ailleurs, les routes qui relient les villages de Qsarnaba et Bednayel à Baalbeck et Qsarnaba et Temnine à Zahlé ont été bloquées à l’aide de pneus incendiés. De même pour la route reliant Ablah à Bednayel qui a déjà été bloquée mercredi soir.
Au Liban-Sud, l'armée a été déployée dans les rues de Saïda en début d'après-midi, selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), qui ajoutait qu'il s'agirait là d'une mesure "préventive" en raison des incidents à Beyrouth.
commentaires (24)
Libanais, vous vous trompez d’endroits à saccager. Ce sont les domaines, demeures, villas ou châteaux et bateaux achetés avec votre argent qu’il faut brûler. Les banques quant à elles sont assurées et ne perdent rien avec votre action, bien au contraire.
Sissi zayyat
12 h 10, le 17 février 2023