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Société - Santé

Quand la pénurie contraint les Libanais à acheter leurs médicaments à l’étranger

Pour des patients qui ont besoin de traitement continu, une des solutions est de se procurer leur traitement en Turquie ou ailleurs. Car certains médicaments sont toujours inaccessibles, malgré les mesures mises en place par le ministère de la Santé.

Quand la pénurie contraint les Libanais à acheter leurs médicaments à l’étranger

De nombreux médicaments continuent de manquer dans les pharmacies au Liban. Photo d’archives AFP

Nawal* a passé des semaines à faire la tournée des pharmacies pour trouver les médicaments de son mari, atteint de troubles cardiaques et contraint de suivre un traitement à vie. Après avoir épuisé toutes les ressources, Nawal a finalement acheté les médicaments dont elle avait besoin en Turquie, grâce à un de ses proches qui se trouvait à l’étranger.

« Ces produits sont introuvables au Liban car ils sont subventionnés » par la Banque du Liban, lance d’emblée Nawal. La BDL, qui finançait depuis le début de la crise économique l’importation de certains médicaments et produits vendus en pharmacie, a fortement réduit ces subventions dès 2021, ses réserves ayant atteint un seuil critique. Ce qui a entraîné une pénurie de médicaments, du stockage illégal et des activités de contrebande de produits pharmaceutiques sur le marché noir au Liban et en Syrie.

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En Turquie, où les médicaments sont moins chers que dans les autres pays de la région, Nawal s’est procuré « une quantité suffisante de boîtes pour six mois de traitement ». Elle avoue même avoir eu recours au marché noir libanais lorsque son mari a eu besoin d’injections de produits anti-inflammatoires il y a quelques mois. « Nous avons tout payé en dollars », soupire-t-elle. À l’instar de Nawal, de nombreux Libanais sont contraints d’acheter leurs médicaments à l’étranger, surtout lorsqu’ils souffrent de maladies chroniques. Car trois ans après le début de la crise économique, le marché du médicament au Liban est toujours dans l’impasse, malgré une série de mesures mises en place par le ministère de la Santé qui a supprimé les subventions sur de nombreux produits, dans une tentative de freiner la contrebande et de mettre un terme aux pénuries. Le ministère continue par ailleurs de subventionner les médicaments utilisés par les patients cancéreux et ceux contre les maladies chroniques.

« Ma mère a atterri aux urgences »

Dans ce contexte de pénuries persistantes, les risques sont élevés pour les patients. La mère de Liliane*, qui souffre d’hypertension et d’une arythmie cardiaque, a frôlé la mort après avoir passé plusieurs jours sans prendre son traitement. « Ma mère a eu un grave malaise et a atterri aux urgences, faute d’avoir suivi son traitement », raconte Liliane qui a finalement réussi à se procurer les médicaments pour sa mère grâce à des proches à Paris et au Qatar. S’il a maintes fois tenté de rationaliser l’usage du budget mensuel alloué par la BDL à l’achat de médicaments subventionnés, le ministère de la Santé avoue être toujours dans l’impasse, trois ans après le début de la crise. « Nous n’arrivons pas à acheter des quantités suffisantes de médicaments subventionnés, car nous n’en avons pas les moyens financiers. Nous ne pouvons couvrir que 70 à 80 % des besoins du marché », reconnaît le ministre sortant de la Santé Firas Abiad, lors d’une rencontre avec la presse mardi au ministère. « Mais ces quantités ne sont pas suffisantes non plus à cause de la contrebande et de notre incapacité à contrôler ce trafic », ajoute-t-il.

Dans une tentative de réguler la situation, le ministère de la Santé a lancé il y a deux semaines MediTrack, un système informatisé de traçabilité des médicaments contre le cancer et les maladies incurables. Ce système concerne une quarantaine de médicaments subventionnés administrés dans les hôpitaux et onze médicaments vendus en pharmacie. Il a pour but d’empêcher le stockage ou la contrebande. Les pharmaciens, eux, dénoncent des distributeurs peu scrupuleux qui s’abstiennent de livrer des médicaments « à chaque fois que le taux du dollar fluctue ». « Les médicaments sont bel et bien disponibles au Liban, notamment les génériques, mais nous sommes victimes du bon vouloir des distributeurs », confie un pharmacien de Beyrouth qui a requis l’anonymat. Il conseille en outre aux patients de « toujours garder une boîte de médicaments supplémentaire, chez eux, car personne ne sait quand les livraisons peuvent s’arrêter ».

Des médicaments contrefaits

Outre le recours à la famille ou aux amis à l’étranger, certains font désormais appel aux réseaux de vente de médicaments qui opèrent au Liban en dehors des circuits légaux. Ces réseaux, qui se ravitaillent en principe en Turquie selon plusieurs sources contactées par L’OLJ, permettent certes de pallier certains manques, mais non sans risques. « Beaucoup de médicaments achetés à l’étranger et vendus sur le marché noir au Liban sont contrefaits », révèle Karim Gébara, président du syndicat des importateurs de médicaments. Le pot aux roses a été découvert lorsque certains patients ont acheté leurs traitements à l’étranger, à la demande d’hôpitaux en rupture de stock. « Les laborantins ont été interpellés par des emballages ou des textures différentes de celles auxquelles ils sont habitués. Ils ont alors écrit au fabricant pour vérifier les numéros de série des boîtes, avant de découvrir qu’il s’agissait de contrefaçons », raconte M. Gébara. « Beaucoup de gens disent que ces médicaments proviennent de Turquie, mais nous n’avons pas les moyens de le vérifier », ajoute-t-il. Selon le syndicaliste, les médicaments non subventionnés peuvent être facilement trouvés au Liban.

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La situation se complique davantage quand il s’agit de produits subventionnés. « Dans certains cas, les importations ne couvrent que 50 % des besoins, car il n’y pas assez de fonds pour financer plus d’importations », explique-t-il. « Le secteur de la santé et du médicament est en danger, à moins de mettre en place un gouvernement de sauvetage », plaide pour sa part le président de l’ordre des pharmaciens, Joe Salloum. Le responsable met par ailleurs en garde contre « la facture médicale qui pourrait découler de l’usage de médicaments issus de la contrebande ». « Certains ont même acheté des placebos », confie-t-il, estimant que la solution doit impérativement venir des autorités. « Il est nécessaire de pouvoir accéder aux médicaments certifiés et approuvés par le ministère de la Santé », martèle-t-il.

*Les prénoms ont été modifiés

Nawal* a passé des semaines à faire la tournée des pharmacies pour trouver les médicaments de son mari, atteint de troubles cardiaques et contraint de suivre un traitement à vie. Après avoir épuisé toutes les ressources, Nawal a finalement acheté les médicaments dont elle avait besoin en Turquie, grâce à un de ses proches qui se trouvait à l’étranger. « Ces produits sont...

commentaires (4)

- LIBANAIS, TU PERDIS TA DIGNITE, - TA VOIX ET TES EPARGNES CRISTALLINES. - MAIS TU VOTAS POUR LA MAFIOSITE, - AU LIEU DE CHASSER TOUTES CES VERMINES. -

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 21, le 11 janvier 2023

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Commentaires (4)

  • - LIBANAIS, TU PERDIS TA DIGNITE, - TA VOIX ET TES EPARGNES CRISTALLINES. - MAIS TU VOTAS POUR LA MAFIOSITE, - AU LIEU DE CHASSER TOUTES CES VERMINES. -

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 21, le 11 janvier 2023

  • Tous les dirigeants politiques qui ont été au pouvoir notamment durant les six dernières années doivent au moins avoir la décence de s’excuser auprès des libanais pour les avoir menés à une telle situation catastrophique. Je cite expressément Michel Aoun, Saad Hariri, Nagib Mikati, Nabih Berri et Gebran Bassil. Si l’OLJ trouve que je les accuse à tort, que l’OLJ amène la preuve que ce n’est pas à cause de leur faute que le Liban est en faillite

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 18, le 11 janvier 2023

  • Les collyres ou gouttes oculaires indispensables pour les malades atteints de glaucome ou hypertension intra oculaire, ont été absents à tour de rôle depuis 9 mois. Le risque de cécité est majeur si pas de continuité. Un produit fabriqué localement appelé Combisopt qui était trouvable dans les pharmacies, a disparu depuis 8 mois. Pourquoi ? En résumé, on vit dans la jungle car personne ne se soucie de ses responsabilités.

    Esber

    07 h 12, le 11 janvier 2023

  • En raison de la sale politique de subventions et des pénuries qui en découlent, de nombreux malades sont des victimes directes de la lâcheté et de la bêtise de nos responsables. Certains sont morts, d'autres traînent de nouveaux handicaps... Et comme d'habitude PERSONNE n'est responsable et PERSONNE ne craint rien. TOUS méritent pourtant d'être traduits en justice devant la CPI pour CRIME CONTRE L' HUMANITÉ. KELLON YA3NE KELLON

    KASSIR Mounir

    06 h 28, le 11 janvier 2023

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