"Nous ne voulons pas que des monuments soient illuminés en rose en octobre, nous voulons nos médicaments" ; "le patient souffrant de cancer a droit à un traitement sans interruption" ; "notre gouvernement nous tue".
Dimanche, dans la rue, des dizaines de manifestants et de patients souffrant de cancer ont marché depuis la place des Martyrs dans le centre-ville de Beyrouth jusqu'à la statue de l’Émigré, en face du port, afin de dénoncer la difficulté d'accès aux traitements dans un Liban en plein effondrement économique. Rupture de stock, traitements coûteux et hors de portée, contrebande de médicaments : nombreux sont les défis pointés du doigt par les manifestants, alors que le gouvernement ne parvient pas à assurer les fonds nécessaires pour venir en aide aux malades.
"Le dépistage du cancer du sein s'effectue aujourd'hui dans la majorité des cas à un stade tardif chez plusieurs patients, faute de moyens pour se faire tester annuellement", confie à L'Orient-Le Jour Hani Nassar, président de l'ONG Barbara Nassar qui a appelé à cette manifestation à l'occasion du mois de sensibilisation au cancer du sein. "Les patients luttent alors contre la mort et non pas contre la maladie", regrette-t-il. Il a souligné que "les tarifs de l'échographie et de la mammographie, qui coûtaient avant le début de la crise environ 80.000 LL, oscillent aujourd'hui entre 3 et 4 millions". "Des chiffres hors de portée pour nombre de Libanais dont le pouvoir d'achat s'est considérablement anéanti", déplore-t-il, dans un entretien téléphonique. "Des centaines de patients ont été contraints d'interrompre leur traitement en raison des coûts élevés des médicaments et des séances de chimiothérapie. D'autres ne parviennent pas à trouver leurs médicaments, de nombreux produits étant en rupture de stock au Liban ou livrés en quantités insuffisantes", déplore M. Nassar.
Meilleure traçabilité des médicaments
Il a aussi appelé le gouvernement à assurer un financement à l'importation des médicaments contre le cancer". "Nous appellerons le Parlement, dans un second temps, à voter une loi qui contraint le ministre de la Santé à mettre en place un système informatisé de traçabilité des médicaments, une fois ce projet mis en place", a-t-il précisé.
Début 2022, le ministre sortant de la Santé Firas Abiad a mis sur les rails le système "MediTrack" afin de faire face à la pénurie et au stockage illégal des médicaments. Ce projet n'a toujours pas été mis en pratique.
Ghada Ayoub, députée des Forces libanaises à Jezzine (Liban-Sud) qui a participé à la manifestation a demandé que ce "crime contre les patients souffrant de cancer s'arrête". "Je m'engage à transmettre la voix des patients cancéreux au Parlement et à réclamer des comptes au gouvernement", a-t-elle promis. Même son de cloche du côté du député de Tripoli (Liban-Nord) Taha Nagi, également présent sur les lieux. "J'appelle le cabinet sortant à assurer un prêt pour les traitements des patients cancéreux. Nous nous engageons, ma collègue et moi, à présenter une proposition de loi en leur faveur avec nos groupes parlementaires respectifs", a-t-il affirmé. Des membres du rassemblement médical social au Liban ont aussi participé à cette marche.
Marché noir
Joint par L'Orient-Le Jour, le président de l'Ordre des Pharmaciens Joe Salloum, qui a lui aussi participé au rassemblement, a pointé du doigt les pénuries de médicaments. "De nombreux traitements subventionnés qui parviennent au Liban sont vendus au marché noir à des prix majorés", dénonce-t-il, plaidant en faveur d'une meilleure traçabilité des produits. M. Salloum a demandé que le budget de l’État consacré aux subventions de ces médicaments "passe de 25 à 60 millions" pour répondre aux besoins de tous les patients. Il a enfin exprimé l'espoir que les médicaments stockés dans les entrepôts du ministère de la Santé dans le secteur de la Quarantaine "soient livrés à tous les patients, et non seulement à ceux qui ne bénéficient pas d'une couverture de la Caisse nationale de sécurité sociale, celle-ci ne parvenant plus à couvrir les soins des patients.
Cet appel rejoint le cri de douleur lancé par Fadia Mekkaoui, une patiente souffrant d'un cancer du sein depuis un an et demi, présente elle aussi au sit-in. "Depuis plus de six mois, j'ai dû interrompre à maintes reprises mon traitement, tant en raison des ruptures se stock que de son coût élevé", nous a-t-elle confié.
En août dernier, le ministre sortant de la Santé Firas Abiad avait ordonné l'ouverture d'une enquête, après l’épuisement en un temps record d’un traitement contre le cancer accordé en donation. Le ministre avait finalement annoncé qu'aucun vol n'avait été détecté sur ce plan.
commentaires (4)
On avait fait beaucoup d.eloges sur le ministre de la santé et , au final , .......!
Darwiche Jihad
22 h 40, le 02 octobre 2022