Le chef du Courant patriotique libre (CPL, aouniste), Gebran Bassil, a déclaré lors d'une conférence de presse mardi que la réunion du gouvernement sortant la veille était "inconstitutionnelle, illégale et non conventionnelle", affirmant que son parti pourrait s'écarter de la stratégie du vote blanc de son allié chiite le Hezbollah dans les séances du Parlement consacrées à l'élection d'un président de la République.
Le gouvernement sortant de Nagib Mikati s'est réuni lundi au Grand sérail à Beyrouth, malgré le boycott de plusieurs ministres proches du CPL, le parti fondé par l'ancien président Michel Aoun, qui a accusé le Premier ministre de vouloir s’accaparer les prérogatives du chef de l'Etat. À l'issue de la réunion, M. Mikati a réaffirmé son désintérêt pour l'exercice des prérogatives présidentielles.
"Notre problème n'est pas lui"
"La réunion du gouvernement lundi est inconstitutionnelle, illégale et non conventionnelle", a estimé M. Bassil, selon lequel il s'agit "d'une condamnation à mort de la Constitution, un coup fatal à l'accord de Taëf et un coup de poignard à un accord national annoncé au Parlement."
Dimanche, les ministres Abdallah Bou Habib, Henri Khoury, Maurice Slim, Amine Salam, Hector Hajjar, Walid Fayad, Walid Nassar, Georges Bouchikian et Issam Charafeddine (proche du leader druze, Talal Arslan) avaient affirmé, dans une déclaration commune, qu'ils boycottaient la réunion du gouvernement, la qualifiant de "violation de la Constitution".
Cette annonce avait fait craindre l'annulation de la réunion du gouvernement en raison de l'absence de quorum. Mais après l'arrivée de M. Bouchikian et M. Hajjar au Grand sérail lundi matin, cette réunion a pu se réunir malgré le boycott de sept des 24 ministres.
"Il y avait un accord préalable, sans cela M. Mikati n'aurait pas osé inviter les ministres, et notre problème n'est pas avec lui, mais avec ceux qui lui donnent des consignes, avec les (personnes) honnêtes qui ont rompu notre accord", a déclaré M. Bassil dans une allusion au Hezbollah et/ou au président du Parlement Nabih Berry, également le chef du Mouvement Amal, tous deux favorables à la tenue de la session du cabinet.
Le Hezbollah est soupçonné par certains observateurs d'avoir exercé des pressions sur les ministres récalcitrants pour qu'ils participent au Conseil des ministres. Mais après la réunion du cabinet lundi, au cours de laquelle une aide sociale a été approuvée, le ministre du Travail, Moustapha Bayram, qui est proche du Hezbollah, a déclaré aux journalistes que "l'ordre du jour portait sur la situation exceptionnelle du pays. Nous n'avons fait pression sur personne pour qu'il assiste à cette réunion". Le ministre des Transports, Ali Hamiyé, qui est lui aussi proche du Hezbollah, a également déclaré que ce parti "n'a contacté personne" avant la réunion.
Plus tôt dans la journée, un responsable du CPL a déclaré à L'Orient-Le Jour, en référence peu déguisée au leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, que "s'il pense qu'il s'agit d'une manière indirecte de nous punir pour ne pas avoir soutenu leur candidat Sleiman Frangié (à l'élection présidentielle), il se trompe lourdement". "Nous ne serons pas réduits au silence", a ajouté ce responsable.
Le dirigeant du CPL a tenu tête au chef du Hezbollah, continuant à refuser de soutenir la candidature de M. Frangié à la présidence. "Le chef du Hezbollah a développé une idée stratégique selon laquelle il me fait confiance ainsi qu'à Sleiman Frangié .... (mais) on sait depuis le début que je ne soutiens pas Frangié. J'appelle à un accord sur un troisième candidat", avait déclaré M. Bassil.
Menace de mettre fin à la stratégie du vote blanc
Le chef du CPL a également menacé, lors de sa conférence de presse de mardi, de mettre fin à la stratégie du vote blanc, initiée par le Hezbollah - en attendant un accord plus large sur le prochain président - lors des prochaines séances électorales du Parlement visant à élire un nouveau chef de l'Etat.
"Nous n'assisterons pas aux (séances) du Parlement si nous ne voyons pas un impératif national qui nous y oblige, et nous chercherons de plus en plus rapidement à sortir de la stratégie du vote blanc et à nous diriger vers un candidat à la présidence", a déclaré M. Bassil, poursuivant : "Tous les moyens sont à notre disposition pour nous opposer : politiquement, juridiquement et populairement".
Le Parlement s'est réuni huit fois depuis septembre pour élire un successeur à Michel Aoun, mais sans succès. La prochaine session électorale est prévue pour jeudi. M. Bassil a également déclaré que "lorsque le partenariat national et partisan est rompu, ce partenariat devient nul", ajoutant que le rôle de son parti "est une arme, et nous ne l'abandonnerons pas (...) personne ne peut nous imposer un autre choix que le nôtre".
Au cours de la réunion de lundi, le gouvernement a approuvé le financement de l'armée libanaise, l'importation de médicaments, les frais de traitement des patients assurés par le ministère de la Santé et l'entretien des routes, dans pays en plein naufrage économique et financier. Pour M. Mikati, la tenue de cette réunion était une question de "responsabilité", faisant référence aux dommages potentiels causés par les factures non réglées aux patients assurés par l'Etat qui reçoivent des dialyses et des traitements contre le cancer.
"Celui qui se soucie de la douleur des gens, qu'il approuve les lois de contrôle des capitaux et les réformes, qu'il arrête ceux qui ont volé l'argent du peuple (...) et qu'il s'occupe de sa ville, Tripoli, et de la pauvreté et de la douleur de ses habitants", a lancé Bassil, dans une référence à M. Mikati qui est originaire de Tripoli, la ville la plus pauvre du Liban.
Le gendre de l'ancien président Aoun a également déclaré : "Ce qui s'est passé confirme que ce qu'on demande à Nagib Mikati de faire, c'est de ne pas former de gouvernement, et c'est ce que nous avons averti tout le monde lorsque nous avons refusé de le nommer" comme premier ministre désigné à la suite des élections législatives de mai dernier.
Il prend lui même ses consignes de la même adresse , il nous fait une crise de jalousie le gendre ?
09 h 20, le 08 décembre 2022