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Lifestyle - This is America

Un double scotch, des orchidées au corsage et la folle pensée de voir le monde d’en haut

À l’affiche de l’Air and Space Museum, l’une des attractions les plus spectaculaires de la ville de Washington, le premier tour du monde d’une femme (au foyer) en vol solo.

Un double scotch, des orchidées au corsage et la folle pensée de voir le monde d’en haut

Geraldine Mock, rien de l’apparence d’une aventurière. Photo Sheldon Ross / « Columbus Dispatch » / Smithsonian’s National Air and Space Museum

L’Air and Space Museum (musée de l’Aviation et de l’Espace), dans la capitale fédérale, rouvrira ses portes ce 14 octobre après un profond réaménagement. À cette occasion, plusieurs manifestations sont lancées, dont une exposition intitulée « We All Fly » (« Nous volons tous »). Tous sans exception, même si l’on est une femme au foyer des années 60 nommée Geraldine Mock (1925-2014). Cet accrochage relate en effet les prouesses d’une jeune femme américaine de l’époque qui a remporté le titre de la première femme à avoir fait seule le tour du monde à bord de son avion. Cet exploit se déroule en 1964, alors que Geraldine Mock est âgée de 38 ans et pilote un Cessna 180 monomoteur nommé Spirit of Columbus et surnommé Charlie. Son voyage commence le 19 mars 1964 à Columbus (Ohio) et s’achève au même endroit le 17 avril 1964, c’est-à-dire 29 jours plus tard. Selon sa petite-fille écrivaine Riya Mock-Pike, Geraldine n’avait pas du tout l’intention de battre un record, ambitionnant juste de réaliser un rêve longtemps caressé. Établie dans la ville de Columbus avec son mari et leurs trois enfants, cette femme au foyer avait trois autres petits plaisirs dans la vie : un double shot de scotch, un bouquet d’orchidées au corsage et la folle pensée de voir le monde d’en haut. Pourtant, physiquement, rien ne laissait préfigurer qu’elle deviendrait une aventurière avec sa coiffure crantée, comme le voulait la mode chic de l’époque, et son inséparable gerbe de fleurs.

Surnommée « The Flying Housewife »

Après ce périple historique dans les airs qui lui avait valu le surnom de « The Flying Housewife » (« La femme au foyer volante »), Geraldine Mock avait confié au journal Washington Record-Herald qu’elle s’ennuyait auparavant, se disant n’être « qu’une femme au foyer fatiguée de faire la vaisselle et de repasser les vêtements ». Un soir, au cours du dîner familial, son mari suggère : « Pourquoi tu ne sautes pas dans un avion pour faire le tour du monde ? » Elle répond en plaisantant : « Je le ferai! » Le couple avait pratiqué le pilotage en tant que hobby et, prélude à son exploit, Geraldine était la seule femme de l’Ohio State University inscrite au cours d’ingénierie aéronautique dans les années 40. Quelque temps après, les choses tournent au sérieux, et l’Américaine débute ses préparatifs de départ : obtention de visa, autorisation de voler accompagnée de celle de la National Aeronautic Association (NAA) afin d’être considérée, au cas échéant, comme la détentrice officielle du record du tour du monde. En parallèle, Geraldine Mock obtient un prêt de 10 000 $ (soit environ 95 000 $ dollars aujourd’hui) du journal The Columbus Dispatch pour financer son voyage. En échange, la publication exigeait d’elle des articles, y compris des interviews exclusives, sur son vol. Du point de vue technique, la jeune femme était considérablement moins expérimentée que les autres pilotes, n’ayant totalisé que 750 heures de vol avec seulement 250 heures de vol en solo. Quant à son avion, Charlie, il avait besoin de modifications afin d’effectuer un voyage autour du globe. Les ajouts nécessaires, placés dans un espace déjà exigu, lui laissaient peu d’espace dans le cockpit.

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Dans ses bagages, Geraldine Mock avait emballé une machine à écrire, deux paires de chaussures et deux tenues, celle du voyage et une autre par souci de diplomatie pour ses débarquements à l’étranger. Il s’agissait d’un pull bleu et d’une jupe assortie. Entre-temps, une autre femme, Joan Merriam Smith, s’engage dans le même type de projet. Mais Mme Mock la devance.

Son monomoteur Charlie exposé au National Air and Space Museum. Crédit Smithsonian’s National Air and Space Museum

Happy ending, contrairement à Amelia Earhart

Durant son vol autour du monde, la « femme au foyer volante » doit faire face à plusieurs incidents techniques et pas des moindres, dont une coupure de sa radio longue portée. Elle regarde le bleu de l’océan Atlantique et se sent en paix. Alors qu’elle survole terres et mers, Geraldine Mock déclare au Washington Record-Herald en 1964 que, ne pouvant plus écouter de la bonne musique sur la radio de l’avion, elle chantait des airs des opéras Carmen, La Bohème et Guillaume Tell. Lors de son périple, elle pose son avion régulièrement pour visiter les pays qu’elle survole. En Arabie saoudite, les hommes lui font une standing ovation. De son passage en Tunisie, elle avait ramené une recette de pastilla au poulet. À son retour, la pilote émérite se voit accueillir par une grande réception, doublée d’une interview sur l’émission télé à grande écoute Today Show. Elle rencontre aussi le président américain Lyndon B. Johnson qui lui décerne une décoration pour service exceptionnel rendu à l’Aviation Agency. Il lui offre aussi un gâteau d’anniversaire pour les 4 ans de sa fille Valérie. Geraldine Mock se voit confier la direction de l’aéroport du comté de Highland. Puis elle divorce et s’occupe de campagnes d’alphabétisation avant de décéder en 2014.

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Geraldine Mock n’a jamais apprécié le surnom « The Flying Housewife ». De fait, loin d’être une femme au foyer ordinaire, elle s’est davantage dévoilée comme une féroce gagneuse de records. Une personne ayant des rêves et la témérité de les réaliser, car, dans le milieu des années 1960, peu de femmes travaillaient à l’extérieur de la maison ou grimpaient sur le siège d’un avion. C’est pourquoi Mme Mock, 38 ans, mère de trois enfants et coiffure BCBG de l’époque, est devenue connue dans la presse sous le nom de « La femme au foyer volante ». Si son périple en solo s’est soldé par un superbe exploit et un « happy ending », cela n’aura pas été le cas pour Amelia Earhart, qui fut la première à traverser l’Atlantique en solo en 1932. En 1937, cette célèbre aviatrice avait disparu en survolant l’océan Pacifique alors qu’elle tentait d’effectuer un tour du monde par l’est. En 2017, Shaesta Waiz, pilote professionnelle et première femme pilote civile certifiée d’Afghanistan, est devenue la plus jeune femme à faire le tour du monde. Elle a remercié Géraldine Mock d’avoir inspiré sa carrière.

L’Air and Space Museum (musée de l’Aviation et de l’Espace), dans la capitale fédérale, rouvrira ses portes ce 14 octobre après un profond réaménagement. À cette occasion, plusieurs manifestations sont lancées, dont une exposition intitulée « We All Fly » (« Nous volons tous »). Tous sans exception, même si l’on est une femme au foyer des années 60...
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