Grande réouverture après une minutieuse opération de conservation de la Peacock Room, un musée en soi, qui a pris ses quartiers au cœur d’un grand musée de la même veine, le National Museum of Asian Art, à Washington. Illustrant un souffle d’art américano-japonais du tournant du siècle dernier, cette installation, présentée aujourd’hui sous l’intitulé Peacock Room comes to America, dévoile un mélange d’objets en porcelaine en provenance d’Iran, de Corée, de Chine et du Japon. Le tout, dans un cadre flamboyant. Cet espace était, à la fin du XIXe siècle, la salle à manger à Londres d’un magnat britannique du transport maritime, Frederick Leyland, qui avait confié sa décoration à l’architecte Thomas Jeckyll afin qu’il mette en valeur sa précieuse collection de porcelaines chinoises de la dynastie Qing (1644-1911). Leyland avait ensuite commandé à l’illustre peintre américain de l’époque, James McNeill Whistler, une grande toile à placer au-dessus de la cheminée. C’est ainsi que ce dernier réalise un portrait grandeur nature d’une très belle femme asiatique qu’il a intitulé Rose and Silver: The princess from the land of porcelain, (Rose et argent : la princesse du pays de la porcelaine).
Une salle à manger hors du commun
L’artiste a joué un rôle important pour l’embellissement et l’extravagance de l’ensemble de la pièce. Profitant de l’absence du décorateur pour cause de maladie, et du mécène Leyland parti en voyage, il y est allé de sa touche personnelle et grandiose en peignant la pièce lambrissée de cette salle à manger dans une palette riche et unifiée de bleu vert brillant en y ajoutant un sur-glaçage et une feuille d’or métallique. Choqué par ces améliorations lors de son retour, Leyland se dispute avec l’artiste si violemment à propos de la pièce et de la rémunération appropriée pour ce travail que leur relation prend fin. Plus tard, alors que Whistler a accès à la maison de Leyland, il peint deux paons s’apprêtant au combat. L’œuvre représentant l’artiste et son mécène fut baptisée Art and Money. Whistler aurait ainsi répondu à la colère de Leyland : « Ah, je t’ai rendu célèbre ! Mon travail vivra quand tu seras oublié. Pourtant, par chance, dans les temps sombres à venir, on se souviendra de toi comme le propriétaire de la Peacock Room. » C’est ce qui s’est passé puisque c’est ainsi que cette pièce a été baptisée. Au décès de Leyland, l’industriel et collectionneur d’art américain Charles Lang Freer achète anonymement à ses héritiers toute la salle à manger en 1904. Il fera d’abord installer le contenu de la Peacock Room dans son manoir de Detroit.
Achat et donation par un mécène américain
Après la mort de Freer en 1919, la Peacock Room est installée de manière permanente dans la Freer Gallery, faisant partie du National Museum of Asian Art du Smithsonian à Washington. La Peacock Room, qui avait ouvert ses portes au public en 1923, est à présent considérée comme un chef-d’œuvre de l’art décoratif d’intérieur du style américano-japonais. « L’installation The Peacock Room comes to America reconstitue les installations effectuées par son acquéreur Freer, à partir de photographies de 1908 de sa maison. Le personnel du Musée national des arts asiatiques a minutieusement étudié ces images et les a comparées avec la collection originale pour présenter, tels quels, les objets du collectionneur dans cet espace majestueux », précisent à la presse deux conservatrices du musée, Ellen Chase and Jennifer Bosworth. Elles ont aussi mis en relief le travail important pour maintenir les œuvres, autant que possible, dans leurs formes originelles. Ainsi, la Peacock Room a fait l’objet de deux projets de conservation à grande échelle depuis son arrivée à Washington. La première dans les années 1940, puis au début des années 1990. Figurant parmi les espaces les plus visités du musée, cette salle remarquable a subi sa part d’usure depuis son dernier traitement. Le projet actuel s’est donc concentré sur le nettoyage de toutes les surfaces peintes et dorées et sur la stabilisation des volets, qui sont parfois ouverts aux visiteurs afin qu’ils puissent bien visionner l’espace à la lumière du jour. Pour le collectionneur d’art et le mécène Charles Lang Freer, la Peacock Room incarnait la conviction « que toutes les œuvres d’art vont ensemble, quelle que soit leur période ».
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