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Économie - Crise

Les banques toujours fortifiées face à des déposants tendus

Les agences bancaires ne semblent pas prêtes à rouvrir normalement.

Les banques toujours fortifiées face à des déposants tendus

Une agence de Bankmed fermée à Sin el-Fil. Photo P.H.B.

Plus de deux semaines après la série de braquages menés par des déposants contestant les restrictions bancaires en vigueur depuis 2019, et à la suite de laquelle les banques avaient décidé de fermer leurs agences ou d’en limiter fortement l’accès, la journée d’hier a été marquée par de nouveaux incidents, tous sans gravité.

Le plus remarqué d’entre eux a eu lieu à Haret Hreik, dans la banlieue sud de Beyrouth. Un groupe de personnes a fait irruption dans une agence de BLOM Bank pour y récupérer de force des dépôts appartenant à l’un d’entre eux. Selon les informations relayées dans les médias, quatre personnes étaient impliquées dans cette opération. Elles n’étaient pas armées et ont réussi à retirer une somme avoisinant 11 000 dollars, soit la totalité des économies en banque du déposant.

Les personnes impliquées ont quitté les lieux avant l’arrivée de l’armée. Une courte vidéo relayée sur internet montre l’un des hommes en train de menacer le personnel en hurlant tandis qu’un autre semble surveiller l’une des allées de l’agence. Cette opération se serait déroulée en l’espace de quelques minutes sans que le personnel de sécurité de l’agence n’ait opposé de résistance, selon un membre du personnel de l’enseigne qui n’était pas autorisé à parler à la presse.

Enquête interne de la banque

Contactée, la direction de la banque n’a pas souhaité tirer de conclusion avant de faire toute la lumière sur une affaire qui l’interpelle. Elle s’est contentée de faire savoir que l’agence où l’incident avait eu lieu avait été aussitôt fermée et qu’une enquête interne était en cours pour éclaircir certains points de détail. Seuls éléments confirmés par la direction : les personnes impliquées n’étaient pas armées et l’une d’entre elles disposait bien d’environ 11 000 dollars de dépôts dans cette agence.

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BLOM Bank, l’une des plus importantes banques du pays, avait été la cible du premier braquage de la série de tentatives plus ou moins couronnées de succès qui avaient défrayé la chronique les 14 et 16 septembre dernier, dont celui mené par la déposante Sali Hafez dans l’agence du groupe à Sodeco (Beyrouth).

À la suite de cette série d’incidents, dont les auteurs ont été défendus par une partie de l’opinion remontée contre les restrictions bancaires en place depuis trois ans sans être autorisées par une loi de contrôle des capitaux, l’Association des banques du Liban (ABL) avait appelé ses membres à fermer leurs agences sur l’ensemble du territoire et demandé aux autorités de réagir, sans rien obtenir de véritablement concret. « Il y a eu quelques rondes supplémentaires organisées par les forces de sécurité ou l’armée, mais rien de plus », confie sous couvert d’anonymat un autre cadre travaillant dans une banque.

Depuis, les établissements bancaires ont fortement renforcé la sécurité aux abords de leurs agences. Certaines d’entre elles reçoivent tous leurs clients uniquement sur rendez-vous (SGBL), tandis que d’autres limitent cette possibilité aux entreprises (Bank Audi), selon des témoignages de clients. Les distributeurs automatiques de billets (ATM) continuent d’être alimentés, mais certains ont tout de même été désactivés dans la foulée. Or, s’il est possible de réaliser la plupart des opérations de base via les ATM, d’autres ne peuvent être réalisées qu’à travers les agences.

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Compte tenu du climat tendu qui prévaut actuellement, les banques ne semblent toutefois pas prêtes à rouvrir de façon normale. D’autres incidents moins importants ont en effet été rapportés à travers les réseaux sociaux ou les groupes de messagerie instantanée, dont l’un dans une agence de Fransabank à Saïda (Liban-Sud) où un déposant s’est énervé de la mauvaise qualité d’un billet de 50 dollars remis par sa banque. Par ailleurs, plusieurs scènes de clients perdant littéralement leurs nerfs devant les portes de leur agence qui refusait de les accueillir nous ont également été rapportées par des témoins, notamment à Beyrouth.

« Ce genre de scène trahit la nervosité ambiante des déposants », constate le fondateur du collectif d’avocats Mouttahidoun (« Unis »), Rami Ollaik, que nous avons contacté. Cette organisation fait partie de celles qui se sont mobilisées pour défendre les droits des déposants face aux banques, même si leur légitimité est contestée par ces dernières qui les accusent en coulisses d’être instrumentalisées à des fins politiques.

« Actions » à venir

« La tension monte parce que les déposants ont peur de perdre toute chance de récupérer leurs fonds ou d’en disposer si une loi de contrôle des capitaux trop favorable aux banques est adoptée. D’autres craignent de tout perdre si leur banque est déclarée en faillite – dans le cas d’une restructuration du secteur – ou si les autorités imposent une décote sans contrepartie sur leurs dépôts – dans le cadre d’un plan de redressement », développe l’avocat.

La restructuration du secteur bancaire et l’adoption d’une loi instaurant un contrôle formel des capitaux sont deux volets majeurs du plan de redressement que le Liban doit s’engager à mettre en œuvre pour espérer une aide du Fonds monétaire international (FMI), dans le cadre de négociations initiées en 2020 et qui ont débouché sur la conclusion d’un accord préliminaire annoncé le 7 avril dernier. Après plusieurs mois de quasi-surplace qui leur a valu d’être critiquées par le FMI, les autorités semblent tenter d’accélérer le mouvement depuis quelques semaines. Mais plusieurs experts craignent que ces réformes se fassent aux dépens du commun des déposants et légitiment les mesures d’ajustement inéquitables imposées à la population depuis 2019.

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« Nous recevons énormément d’appels de déposants qui veulent récupérer leurs fonds par la force et nous demandent de les défendre après coup. Nous tentons de les raisonner et, s’ils décident malgré tout de passer à l’acte, nous leur donnons des conseils pour éviter que leur initiative ne leur fasse plus de tort que nécessaire », souligne Rami Ollaik. Selon lui, les prochains jours devraient être agités, avec de premières « actions » organisées dès aujourd’hui par des déposants contre des banques dans le Mont-Liban et la Békaa, pour commencer. L’avocat n’a toutefois pas précisé la nature exacte de ces actions ni où elles auraient précisément lieu. Enfin, le collectif prévoit de s’associer une nouvelle fois mercredi avec l’association « le Cri des déposants » pour une action de mobilisation devant le siège de la Banque du Liban à Beyrouth.


Plus de deux semaines après la série de braquages menés par des déposants contestant les restrictions bancaires en vigueur depuis 2019, et à la suite de laquelle les banques avaient décidé de fermer leurs agences ou d’en limiter fortement l’accès, la journée d’hier a été marquée par de nouveaux incidents, tous sans gravité.Le plus remarqué d’entre eux a eu lieu à Haret...
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Le palais présidentiel fortifié, le parlement fortifié, les banques fortifiées et bientôt les épiceries, les propriétaires des générateurs et les stations d’essence le seront aussi puisqu’ils sont les filiales de ce régime pourri. Un pays transformé en enclaves fortifiées pour les beaux yeux des vendus dans le but d’humilier et d’empêcher tout acte de rébellion des citoyens déplumés sous peine d’être privés des quelques centimes, des quelques minutes d’eau et d’électricité, que les citoyens paient au prix fort sans jamais en profiter, mais aussi et surtout de la dignité qu’ils daignent leur accorder. Peuple, où est tu?

Sissi zayyat

11 h 51, le 04 octobre 2022

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  • Le palais présidentiel fortifié, le parlement fortifié, les banques fortifiées et bientôt les épiceries, les propriétaires des générateurs et les stations d’essence le seront aussi puisqu’ils sont les filiales de ce régime pourri. Un pays transformé en enclaves fortifiées pour les beaux yeux des vendus dans le but d’humilier et d’empêcher tout acte de rébellion des citoyens déplumés sous peine d’être privés des quelques centimes, des quelques minutes d’eau et d’électricité, que les citoyens paient au prix fort sans jamais en profiter, mais aussi et surtout de la dignité qu’ils daignent leur accorder. Peuple, où est tu?

    Sissi zayyat

    11 h 51, le 04 octobre 2022

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