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Société - Agressions sexuelles

Le Vatican parachève la disgrâce de Mansour Labaky

Selon un communiqué signé mardi par l'Église maronite, les prêtres Mansour Labaky et Georges Badr ont été renvoyés à l'état laïc sur décision vaticane.

Le Vatican parachève la disgrâce de Mansour Labaky

Le prêtre libanais Mansour Labaky. Photo d’archives L’OLJ

Ne l’appelez plus père Labaky. Moins d’un an après avoir été condamné par la justice française à 15 ans de réclusion criminelle pour viols et agressions sexuelles sur mineurs, le prêtre maronite ne portera plus l’habit conformément à une décision du Vatican. Un communiqué interne de l’Assemblée des patriarches et des évêques catholiques au Liban, signé mardi, mentionne qu’une décision a été prise par le pape François et la Congrégation pour la doctrine de la foi de renvoyer deux prêtres maronites, Mansour Labaky et Georges Badr, à l’état laïc. Rédigé à la demande de l'archevêque de Beyrouth, Mgr Boulos Abdel Sater, le communiqué est destiné à être diffusé auprès des prêtres de paroisses et des institutions ecclésiastiques. « Nous prions spécialement pour les victimes d’abus sexuels et pour nos frères Georges et Mansour afin que cette décision soit leur salut », précise le texte.

L'archevêché maronite de Beyrouth a confirmé à L’OLJ l’authenticité de la note mais n’a pas souhaité faire de commentaire. Selon une source ecclésiastique haut placée, le communiqué n’était pas destiné à être rendu public, et aurait donc fuité. Il intervient toutefois quelques jours à peine après la nomination du nouveau nonce apostolique au Liban, Mgr Paolo Borgia. Contacté, son secrétariat n’a pas fait suite à notre demande d’interview.

Pour mémoire

Mansour Labaky face aux démons du passé

Cette décision vaticane est une nouvelle victoire pour les victimes qui se battent contre des moulins à vent depuis des années, l'Église libanaise protégeant et défendant généralement ses prêtres qu’elle juge elle-même entre quatre murs. « En rendant mon oncle à l’état laïc, le Vatican a complété sa condamnation par la justice française. On est passé du tabou à la crédibilité et la reconnaissance des paroles des victimes et survivantes. Ça a pris des années, mais la vérité a triomphé et par cet acte, nous avons la preuve que nous avons été finalement entendues et crues », confie à L’Orient-Le Jour, Céleste Akiki, la nièce de Mansour Labaky, et l’une des rares femmes libanaises à l’avoir accusé publiquement d’abus sexuels, alors qu’elle était mineure.


Étouffer le scandale

En 2013, la Congrégation pour la doctrine de la foi du Vatican reconnaît Mansour Labaky coupable d’abus sexuels sur trois mineures, sur une période allant de 1976 à 1997. Après ce jugement, il se voit interdire de célébrer la messe en public et de confesser, de mener tout accompagnement spirituel, activité publique et prise de parole dans les médias, ou d’entretenir un contact avec les victimes. Mais fort du soutien de l’Église maronite et de fidèles clamant son innocence, Mansour Labaky ne s’éclipse pas totalement de la vie publique. Pour étouffer le scandale, les pro-Labaky n’hésitent pas à traîner les victimes dans la boue en criant au grand complot et le prélat portera plainte auprès de la justice libanaise contre ses détracteurs. « Vu son statut d’intouchable au Liban, c’était David contre Goliath », résume Céleste Akiki.

Pour mémoire

Au procès de Mansour Labaky, des mots sur l’indicible

Suite à la décision vaticane, une enquête est lancée en France après le dépôt de plusieurs plaintes. M. Labaky a fondé et dirigé de 1991 à 1998, à Douvres-la-Délivrande, dans le Calvados, près de Caen, en Normandie, le foyer Notre-Dame – Enfants du Liban accueillant des enfants libanais orphelins de la guerre, où il a abusé de nombreuses jeunes filles françaises et libanaises. Un mandat d'arrêt international est lancé à son encontre en avril 2016, mais le Liban n’extradant pas ses ressortissants, il reste à l’abri des poursuites judiciaires, vivant reclus au couvent des sœurs de la Croix, à Broummana. Le 9 novembre 2021, il est condamné par contumace à quinze ans de réclusion criminelle pour viols et agressions sexuelles sur mineurs par la cour criminelle du Calvados.

Mansour Labaky, 82 ans, a toujours nié les faits. Le mandat d’arrêt international continue de produire ses effets, mais il ne purgera probablement jamais sa peine en France. Depuis ce jugement, les victimes, parmi elles Céleste Akiki et l’avocate des victimes Solange Doumic, espéraient que le Vatican prenne enfin la décision de le renvoyer à l’état laïc, envoyant de multiples requêtes manuscrites en ce sens. « J’ai envoyé des dizaines de lettres au Vatican en ce sens et ça a enfin payé », raconte à L’OLJ Marilène Ghanem, elle aussi victime de viols par Mansour Labaky à la fin des années 1980. « Tant d’années de combat pour que la vérité soit révélée et que le comportement de l’Église soit conforme à cette vérité. Que l’Église prenne enfin les dispositions nécessaires pour répondre aux actes que Labaky a commis », commente Me Solange Doumic, l’avocate française des victimes.

Choc

Cette décision inédite au Liban ouvre la boîte de Pandore. L'Église maronite s’est dotée d’une loi contre les abus sexuels sur mineurs en 2016, mais se montre très peu encline à communiquer sur le sujet. Alors que pendant des années l’institution a entretenu le flou sur l’affaire Labaky, la voilà contrainte de suivre une décision vaticane contre deux de ses prêtres. Et il pourrait y en avoir d’autres. « L’Église a besoin de pressions externes car elle ne parvient pas à se purger seule de l’intérieur. La décision du Vatican contre Labaky est la preuve que le travail des journalistes, des juges et des militants n’est pas vain », estime Michaël*, victime présumée du moine libanais orthodoxe Panteleimon Farah, décédé en décembre 2021 alors qu’il devait comparaître devant les tribunaux libanais pour des accusations de viols et d’agressions sexuelles sur mineurs. « Je pense à toutes ces femmes dont la vie a été volée par Labaky et à tous ces hommes par Farah », poursuit Michaël.

Le père Georges Badr. Photo extraite de la page Facebook de la paroisse Mar Takla à Hazmieh.

Le vicaire patriarcal, Mgr Peter Karam, n’a pas fait suite à nos demandes d’interview. Georges Badr, l’autre prêtre renvoyé à l’état laïc, dont on sait peu de chose contrairement au très populaire Labaky, était curé de la paroisse Mar Takla à Hazmieh et également aumônier de l’ONG caritative Domus. « Cela faisait quelques années qu’il y avait des rumeurs de pédophilie, parce qu’il avait été écarté de la paroisse. C’était quelqu’un de doux, on ne pouvait pas se douter de choses comme ça. C’est un choc », confie Valérie*, 25 ans, une paroissienne. Contacté, Georges Badr n’était pas joignable. Également contacté, Mansour Labaky a fait savoir à travers la voix d’une personne se présentant comme sa secrétaire qu’il « ne parlerait pas aux médias ».

*Les prénoms ont été changés

Ne l’appelez plus père Labaky. Moins d’un an après avoir été condamné par la justice française à 15 ans de réclusion criminelle pour viols et agressions sexuelles sur mineurs, le prêtre maronite ne portera plus l’habit conformément à une décision du Vatican. Un communiqué interne de l’Assemblée des patriarches et des évêques catholiques au Liban, signé mardi, mentionne...

commentaires (19)

Quelque soit notre confession, nous devrions tous nous réjouir que des prédateurs d'enfants soient mis hors d'état de nuire. Quelque soit le pays ou la religion, il faut traquer, juger et punir les pédophiles, je ne vois pas d'autres voie pour protéger les enfants !

Pandora

13 h 21, le 30 septembre 2022

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Commentaires (19)

  • Quelque soit notre confession, nous devrions tous nous réjouir que des prédateurs d'enfants soient mis hors d'état de nuire. Quelque soit le pays ou la religion, il faut traquer, juger et punir les pédophiles, je ne vois pas d'autres voie pour protéger les enfants !

    Pandora

    13 h 21, le 30 septembre 2022

  • Merci à à l’OLJ et à Caroline Hayek de publier des articles sur ce sujet en fixant comme objectif la recherche de la vérité, la divulgation des faits tels qu’ils sont et de laisser les lecteurs arriver à leur propre conclusion. La publication d’articles au Liban sur le sujet concernant les accusations d’agressions sexuelles contre des mineurs portées contre M.L. en France exige du courage. Les agressions sexuelles contre mineurs par des prêtres au Liban demeurent un sujet tabou dans notre pays où la religion joue un rôle majeur. De telles agressions sont légion mais sont jetées aux oubliettes. C’est dire l’importance du rôle joué par les médias. Les articles de C. H. sur ce sujet, notamment depuis la France lors du procès de M. L., montrent le souci de relater les faits avec transparence, de s’éloigner de tout jugement et de laisser la vérité se révéler elle-même. Le Vatican a confirmé le verdict des tribunaux français. Il serait illusoire de s’attendre à un tel verdict de la part des tribunaux et du clergé maronite libanais, d’où le mérite de l’OLJ.

    Hippolyte

    22 h 04, le 28 septembre 2022

  • 82 ans,,, Dieu reconnaitra les siens.

    Christine KHALIL

    17 h 41, le 28 septembre 2022

  • Toute personne qui touche à l'innocence d'un enfant mérite de terminer en prison... non caché et protégé par une institution (l'église maronite) dans un couvent !!! Honte à toute personne qui protege ce genre de monstre !!!

    Hanna Philipe

    11 h 21, le 28 septembre 2022

  • "Il intervient toutefois quelques jours à peine après la nomination du nouveau nonce apostolique au Liban, Mgr Paolo Borgia. " Ah! Un Borgia! Eh bien, dites donc, Mgr, les énormités qu'a faites un de vos ancêtres au Vatican même sont beaucoup plus condamnables que ce qu'ont fait ces deux ex-prêtres...Au moins eux, ils n'ont pas laissé de bâtards dans la nature! A quand donc l'élimination du nom d'Alexandre VI de la liste des Papes?

    Georges MELKI

    10 h 08, le 28 septembre 2022

  • Le sacrement de l'ordre ne peut pas être annulé... Le lynchage médiatique est le propre des médias... S'il n'était pas une figure de l'église catholique, l'affaire n'aurait pas pris cette ampleur, même si les notions morales et juridiques ne sont plus celles qu'elles étaient il y a 55 ans et plus. La justice de Dieu n'est pas celle des hommes. Dieu est Miséricorde... Le silence et la prière sont les armes les plus fortes... ne serait-ce pour le jugement dernier... Il a 82 ans... et il est condamné à l'exclusion et une certaine "réduction", certaine marginalisation, et certains jugent cela non suffisant... Et si nous jugions tous ceux de la même génération pour les crimes qu'ils ont commis il y a 25 ans et plus ?

    M. F.

    09 h 53, le 28 septembre 2022

  • Très difficile de croire que l'église libanaise n'avait rien vu.

    Céleste

    23 h 32, le 27 septembre 2022

  • A quand les tribunaux libanais les jugeront pour qu'ils payent leurs dettes à la société en prison?

    Naji KM

    21 h 27, le 27 septembre 2022

  • Et c.est dans quelle prison qu.ils vont l.envoyer? Sinon il continuera a faire du mal en temps que « laïc »

    Staub Grace

    21 h 00, le 27 septembre 2022

  • Le sacrement de l'ordre ne peut pas être annulé, même en raison de fautes graves ou de demande du prêtre. Il peut lui être interdit juridiquement d'exercer ce pouvoir, sauf nécessité en cas de danger mortel pour autrui. La reconduction à l'état laïc, même pour Mansour Labaky, n'est pas la reconnaissance de l'invalidité de son sacerdoce. Cela ne supprime pas la culpabilité du Père Mansour Labaky. L'invalidité de son sacerdoce ne dépend pas de très grave culpabilité.

    dintilhac bernard

    21 h 00, le 27 septembre 2022

  • Le terme « réduction à l’état laïc » est ancien et n’est plus utilisé dans l’Eglise catholique. En fait, ce terme est une insulte aux laïcs ! (Comme s’ils étaient des chrétiens de second rang). Dans l’Eglise, tout baptisé est appelé laïc. Pour l’état de Labaky, le terme adéquat serait: « Le renvoi de l'état clérical ». Le Vatican essaie difficilement de faire le ménage… Mais l’état des lieux de l’Eglise maronite en terme de « responsabilité morale devant les faits de pédophilie » est scandaleux ! … Non seulement il y aurait des dizaines de cas « Labaky » dans ses rangs mais parce que Bechara Rai continue à faire le jeu de l’autruche et quand il est « coincé et dénoncé en public » comme son odieuse defense de Labaky devant des mineurs de l'ecole St Joseph (Aintoura), où il a innocenté Labaky, accusant le Vatican de complot et tentant d’inversé les rôles, faisant des victimes des bourreaux ! Il a même tenté de poursuivre les victimes libanaises et les cardinaux en justice (sic !) Le Vatican ne doit pas s’arrêter au cas Labaky, il doit mettre en place une commission d’enquête sur tous les scandales des églises orientales catholiques… Osera-t-il avoir un tel courage qui serait « le geste qui sauve » ?

    Kellon Ya3ni Kellon

    20 h 43, le 27 septembre 2022

  • Et ceux qui ont violé un peuple entier? Ils ne méritent pas de se faire excommunier?

    Gros Gnon

    20 h 20, le 27 septembre 2022

  • Un pédophile de moins dans une position de pouvoir, ça se célèbre.

    Ziad Traboulsi

    19 h 00, le 27 septembre 2022

  • Et l'Eglise maronite : Va t-elle emboîter le pas et condamner ses actes abjectes? Dans l'espoir qu'elle prenne la mesure et qu'elle soit à la hauteur de la situation. L'enjeu en vaut la chandelle pour sa crédibilité au Liban (peut-être) mais surtout par le monde.

    stop béton

    18 h 25, le 27 septembre 2022

  • Un peu de calme sur cette histoire. On aimerait voir la réponse de la défense. La condamnation par la justice française n'est pas irrévocable. Le silence d'indulgence n'est pas matière à critiquer. L'homme est complètement détruit. Pas besoin de l'assassiner encore.

    Esber

    18 h 03, le 27 septembre 2022

  • Les messages sont on ne peut plus clairs de la part de la justice Française et du pape. Ce qui est désolant dans cette hsitoire c'est le silence assourdissant de la justice Libanaise et de l'Église Maronite. L'histoire s'en souviendra.

    K1000

    16 h 20, le 27 septembre 2022

  • Il n'est plus prêtre.

    Esber

    15 h 31, le 27 septembre 2022

  • Réponse à Michael: "Renvoyé à l'état laïc" lui enlève sa qualité de prêtre. Il ne peut plus célébrer aucun sacrement et il redevient laïc. Ca ne présume en rien de sa remise à la justice française pour purger sa peine. Ceci relève de l'état libanais (si tant est qu'il en existe encore !) Donc, comme pour Carlos Ghosn il ne sera vraissemblablement pas extradé vers la France.

    GM92190

    15 h 30, le 27 septembre 2022

  • Vous n’expliquez pas ce que veut dire “envoyer à l’état laïc”. Va-t-il être remis aux autorités françaises? Merci de clarifier.

    Michael

    14 h 41, le 27 septembre 2022

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