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Société - Crise

Si l’État libanais ne paie pas ses fournisseurs, les détenus de quatre prisons seront privés de nourriture

Six entreprises réclament le versement de sept mois de factures impayées. 

Si l’État libanais ne paie pas ses fournisseurs, les détenus de quatre prisons seront privés de nourriture

Des détenus dans la cour de la prison de Roumieh. Photo d'archives OLJ

Après le 1er septembre, si l’État ne paie pas ses fournisseurs, les détenus de plusieurs prisons n’auront plus à manger. C’est cet ultimatum qu’ont lancé jeudi six entreprises au ministre sortant de l’Intérieur Bassam Maoulaoui afin de réclamer le versement des montants qui leur sont dus depuis sept mois. Un appel qui illustre une nouvelle fois la crise dans laquelle s’enfonce l’État qui ne parvient plus à faire fonctionner ses institutions.

Dans une lettre adressée à M. Maoulaoui, six sociétés qui fournissent en produits alimentaires les prisons de Roumié, Zahlé et Tripoli, et celle pour femmes de Baabda ont demandé que leur soient versés « les fonds requis pour des livraisons de nourriture au cours de plus de sept mois ». Après des « promesses répétées », mais non concrétisées, d’un futur paiement des factures en suspens, ces fournisseurs « ne peuvent désormais plus poursuivre leurs livraisons, surtout dans les conditions difficiles que connaît actuellement le pays et face aux fluctuations continues du taux de change de la livre libanaise », ajoute le texte. Les entreprises réclament donc le paiement sans tarder de leurs dus, « pour ne pas être obligées d’arrêter de livrer les moyens de subsistance des détenus à partir du 1er septembre ».

Nous avons en vain tenté de contacter M. Maoulaoui afin de nous enquérir des mesures que compte prendre le ministère, mais il est resté injoignable. Interrogé sur la question de l’alimentation dans les prisons, le père Nagib Baaklini, président de l’Association justice et miséricorde (AJEM) engagée auprès des prisonniers de Roumié, rappelle que « le problème avec les fournisseurs s’est déjà posé il y a un mois, et il a été réglé in extremis par un paiement assuré par le ministère des Finances ». « Le pire a pu être évité alors, mais le paiement n’avait couvert qu’une partie de la dette de l’État envers ces fournisseurs, ce qui explique qu’ils soient revenus à la charge », poursuit-il.

Selon le président de l’AJEM, le système fonctionne comme suit : le ministère de l’Intérieur lance un appel d’offres pour recruter les fournisseurs une fois par an, alors que l’appel d’offres pour l’épicerie de la prison est effectué régulièrement par les Forces de sécurité intérieure (FSI). « Ces fournisseurs assurent les matières premières, mais la cuisine est faite par des prisonniers qui ont une expérience en la matière, dit-il. La cuisine de la prison de Roumié a été réhabilitée par les Italiens il y a trois ans, elle est donc en bonne condition. L’alimentation n’est pas franchement mauvaise, mais la présentation dans de grandes marmites pousse beaucoup de prisonniers à s’en méfier et à préférer que leur nourriture soit assurée par leurs parents régulièrement, même si cela implique qu’ils cuisinent dans leur cellule. »

Pour mémoire

À Roumieh, les détenus n’échappent pas à la crise


Que se passera-t-il si les fournisseurs mettent leurs menaces à exécution ? « Cela affectera les prisonniers qui n’ont d’autre choix que de compter sur la nourriture de la prison, alors que les autres continueront de recevoir de la nourriture de l’extérieur », déplore-t-il. Il faut savoir que la loi accorde le droit à une alimentation saine aux prisonniers (telle quantité de viande, telle quantité de fromage…), mais il semble que la fréquence des repas assurés et la qualité de la nourriture se soient réduites depuis la crise.

Selon des sources informées sur la situation dans les prisons, un certain nombre de détenus pourraient se lancer dans une grève de la faim dès vendredi au cas où leur situation continuerait à se dégrader.

L’état des prisons libanaises pose régulièrement question, notamment en raison de leur surpopulation. En mars 2021, une enquête avait été ouverte par le procureur général de la République Ghassan Oueidate suite à des informations de presse faisant état d’un risque de famine dans le milieu carcéral. Pour le père Baaklini, il est possible de trouver des solutions à la surpopulation des prisons, et il y a beaucoup d’idées à ce propos.

Le Liban vit, depuis trois ans, un effondrement financier et socio-économique considéré par la Banque mondiale comme l’une des trois pires crises que le monde ait connues depuis le milieu du XIXe siècle, marqué par la chute libre de la livre sur le marché parallèle (autour de 34.000 LL pour un dollar jeudi matin), alors que le taux de change officiel, et utilisé pour de nombreuses rentrées du budget de l'Etat, reste de 1.507,5 LL pour un billet vert. Dans ce contexte, l’État peine à maintenir à flot ses institutions. Cette incapacité s'est déjà illustrée au niveau de l'armée libanaise, dont les soldats sont privés de viande depuis juin 2020 et dont la solde a été réduite à peau de chagrin; ou à celui de l'approvisionnement en électricité, le Trésor ne parvenant pas à débourser les fonds requis pour acheter le fuel nécessaire au fonctionnement des centrales. 

Après le 1er septembre, si l’État ne paie pas ses fournisseurs, les détenus de plusieurs prisons n’auront plus à manger. C’est cet ultimatum qu’ont lancé jeudi six entreprises au ministre sortant de l’Intérieur Bassam Maoulaoui afin de réclamer le versement des montants qui leur sont dus depuis sept mois. Un appel qui illustre une nouvelle fois la crise dans laquelle s’enfonce...

commentaires (2)

Pourtant, nos BIG BOSSES 1 et 2 envisagent d'ajouter 6...six...!!!...ministres à l'équipe actuelle qui en compte...déjà 24 ! Ces 6 ministres supplémentaires vont ils travailler bénévolement, puisque l'Etat n'a pas d'argent ? Dites, dans l'institution psychiatrique de Asfourieh, y aurait-il de la place pour tous ces soi-disant responsables qui ont manifestement complètement perdu la boule ? - Irène Saïd

Irene Said

16 h 37, le 25 août 2022

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Commentaires (2)

  • Pourtant, nos BIG BOSSES 1 et 2 envisagent d'ajouter 6...six...!!!...ministres à l'équipe actuelle qui en compte...déjà 24 ! Ces 6 ministres supplémentaires vont ils travailler bénévolement, puisque l'Etat n'a pas d'argent ? Dites, dans l'institution psychiatrique de Asfourieh, y aurait-il de la place pour tous ces soi-disant responsables qui ont manifestement complètement perdu la boule ? - Irène Saïd

    Irene Said

    16 h 37, le 25 août 2022

  • Quelle tristesse, c est le moment de penser a re orienter ces hommes vers la reconstruction du pays s ils en ont le souhait...

    sarraf antoine

    14 h 35, le 25 août 2022

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