Au lendemain des menaces de guerre proférées par le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, contre Israël, autour du litige sur la délimitation de la frontière maritime avec le Liban, les réactions au sein de la classe politique libanaise ont montré une division autour de la question. Si Gebran Bassil, l'allié chrétien du leader chiite, a estimé que le Hezbollah constitue un "point fort" dans cette équation, le leader druze Walid Joumblatt et le chef du parti Kataëb, Samy Gemayel, ont dénoncé les propos du chef du parti de Dieu, mettant en garde contre une fin d'un éventuel compromis et une "aventure" à laquelle les Libanais n'auront pas consenti.
Le soutien de Bassil
Mercredi soir, M. Nasrallah s'est exprimé pour la première fois depuis l'envoi de drones de son parti dans la zone du champ de Karish, au large d'Israël, où une plateforme gazière était arrivée début juin. Ce champ pourrait se trouver dans une zone contestée par le Liban s'il officialise ses revendications maximalistes. Le leader chiite a ainsi prévenu que ces drones "ne sont qu'un début modeste", mettant l'option d'une guerre sur la table. "L'équation aujourd'hui va au-delà de Karish", a-t-il martelé. "Si vous ne permettez pas aux compagnies d’extraire le gaz, nous allons renverser la table et le monde entier en pâtira", a-t-il menacé en s'adressant aux Israéliens, dans une allusion aux sociétés actuellement chargées de l’exploration dans les champs non contestés, mais aussi celles auxquelles le Liban pourrait faire appel à l'avenir. Des sociétés qui seraient selon lui soumises à des menaces et des pressions de la part d'Israël et des États-Unis.
"La carte de la résistance est un point fort pour le Liban si nous savons comment l'utiliser en vue de délimiter notre frontière, d'extraire des ressources et d'obtenir nos droits", a estimé le chef du Courant patriotique libre (CPL, aouniste), Gebran Bassil, sur Twitter. "Tout comme l'équation sécuritaire est claire sur le plan terrestre, celle-ci devrait l'être également sur le plan gazier offshore", a estimé M. Bassil. "Vous voulez votre gaz, nous voulons le nôtre", a ajouté le chef du CPL en s'adressant à Israël.
"Chef de l'État, du gouvernement et de l'armée"
Mais du côté de l'opposition au Hezbollah, les critiques ont fusé. "Hier, Hassan Nasrallah s'est de nouveau déclaré chef de l'État, du gouvernement et de l'armée", a estimé le chef des Kataëb, Samy Gemayel. Selon lui, le dirigeant chiite "entraîne le peuple dans une nouvelle aventure dont il paiera le prix sans y consentir". "Rétablir la souveraineté demeure la cause essentielle, sans laquelle il ne peut y avoir d'État", a-t-il dit.
De son côté, le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, a estimé que "les propos du secrétaire général du Hezbollah ont limité la possibilité de réfléchir à un compromis au sujet de la ligne 23". "(...) Hassan Nasrallah peut-il préciser ce qui est permis et ce qui est interdit (...)", s'est-il interrogé, non sans ironie.
Les pourparlers entre le Liban et Israël, qui avaient été entamés sur la base des revendications libanaises officielles enregistrées en 2011 auprès des Nations unies, en référence au décret 6433/2011 portant sur une zone de 860 km2 délimitée par ce qui a été appelé ligne 23, avaient en effet été interrompus en mai 2021 lorsque la délégation libanaise de négociateurs avait annoncé sa volonté de réclamer un droit supplémentaire sur 1.430 km2 limités par la ligne 29, coupant en deux le champ de Karish qui, selon l’État hébreu, se trouve dans sa zone économique exclusive reconnue par l’ONU. Mais pour être officialisée, cette revendication nécessitait l’amendement du décret 6433/2011, ce qui n’a jamais été fait par le Liban. Lors de la dernière visite de l'émissaire américain Amos Hochstein, les responsables libanais lui avaient communiqué une nouvelle proposition consistant à élargir la ligne 23 pour inclure la totalité du champ maritime de Cana dans l'espace maritime libanais.
M. Hochstein, qui accompagne le président américain Joe Biden dans sa tournée actuelle au Proche-Orient, devrait se réunir de nouveau avec les responsables israéliens pour évoquer le dossier. Il devrait, ensuite, se rendre au Liban pour annoncer aux autorités la réponse finale israélienne. Les négociations pourraient reprendre à Naqoura, au siège de la Finul, comme l’exigent certaines parties libanaises. Mais les Israéliens souhaitent que la réunion de Naqoura soit consacrée à la signature de l’accord final, d’après des informations obtenues par L’Orient-Le Jour.
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Les chiens aboient, la caravane passe …
Citoyen Lambda
17 h 17, le 15 juillet 2022