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Lifestyle - Beyrouth insight

Chez Azrak, là où reste la douceur du Liban d’avant...

Dans cette pâtisserie encore intacte du village de Baabdate où bien des enfants libanais ont laissé un morceau de leur enfance, les glaces artisanales, les marzipans et les desserts un rien « old school » continuent d’être fabriqués en famille, par Riri et Robert Azrak, comme depuis les années 60...

Chez Azrak, là où reste la douceur du Liban d’avant...

Riri et Robert Azrak dans leur pâtisserie à Baabdate. Photo Tanya Traboulsi

C’est une rue escarpée du village de Baabdate, une toute petite rue en contrebas d’une station-service où presque plus personne ne s’arrête à cause du prix des carburants. Il suffit de commencer à s’y enfoncer, pris dans une fanfare de criquets et cette lumière d’un mois de juin au Liban, pour arrêter le sablier du temps et laisser la folie du monde derrière. Trente ans, peut-être même quarante, se sont écoulés pour les vieux enfants qui, comme moi, arrivaient là dans les années 80 et 90, en rêvant à leurs cornets de glace, l’eau à la bouche. Et c’est pourtant le même parfum, le même voile sucré qui continue d’enrubanner la pâtisserie Azrak qui officie à cette adresse depuis 1978. Pousser la porte d’Azrak, avec son grelot qui semble remuer le passé, c’est faire intrusion dans une capsule temporelle où seuls des dessins d’enfants, placardés sur les murs au fil des années, nous font réaliser que ce lieu marque tout de même quatre générations à son compteur. Car par-delà leurs marzipans reconnaissables entre mille, leurs pâtisseries et leurs glaces dont on peut dire sans exagération qu’elles sont à tomber, le véritable mérite de Riri et Robert Azrak, les gardiens du lieu, est d’avoir conservé un peu (de la douceur) du Liban d’avant.

Les fameux marzipans dessinés en fleurs qui ont fait le succès de Azrak. Photo Tanya Traboulsi

Alep-Beyrouth

L’arbre généalogique de l’enseigne Azrak prend racine à Alep, sur la rue Baron, où Goffril Azrak (le papa de Riri et Robert) installe en 1935 sa confiserie spécialisée dans la confection de marzipans, après avoir appris à l’ombre de Michel Ghazal. Le succès est tel qu’il décide d’étendre son activité à Beyrouth, d’abord à Kantari en 1948, puis à Hamra et dans le quartier de Badaro en 1968, là où avait émigré une large communauté aleppine à l’époque. À la même période, l’enseigne introduit les pâtisseries et la glace artisanale à ses rayons. « Tous les samedis, j’allais rejoindre mon père et mes oncles dans leurs ateliers de Kantari. C’était le jour consacré à la confection des marzipans et je me souviens de ces tapis d’amandes, ces sortes de mosaïques zébrées de vert, couleur de la pistache, qui émergeaient des vieilles machines », raconte Robert Azrak qui, voulant absolument maîtriser et préserver le geste secret de son père, décide de faire ses armes à l’Institut Cordon Bleu, chez Fauchon et Lenôtre à Paris dans les années 80. Il ouvre alors Azrak sur la rue Vaneau dans le 7e arrondissement parisien, tandis que les trois boutiques de Beyrouth sont contraintes de fermer à cause de la guerre civile. « C’était un pari fou de se relocaliser à Baabdate en 1978, où il n’y avait quasiment rien ni personne encore. Tout le monde s’était moqué de moi », se souvient Riri Azrak, l’œil bleu illuminé d’une passion intacte, debout derrière le frigo à glaces sur lequel des petits autocollants en bleu, le bleu de Azrak, indiquent les parfums disponibles.

Les frères Azrak devant leur magasin de Baabdate. Photo Tanya Traboulsi

Abricot, moka, cannelle, rose, banane, mûre, ananas, sont autant de saveurs pour lesquelles les enfants, les ados et les adultes de Baabdate et des villages alentour, où l’on s’était réfugié pendant la guerre, accouraient l’après-midi, après un match de foot ou à l’heure de la sieste. « Les gens venaient parquer leurs voitures devant la boutique, les enfants attendaient leur tour et nous offraient des dessins. Azrak était devenu un point de rencontre, avec une ambiance de place de village », racontent Riri et Robert Azrak qui travaillent seuls, jusqu’à ce jour, à la force de leurs bras, avec des machines héritées de leur père, dont certaines datent de 1968.

Robert Azrak, comme un poisson dans l'eau entouré de toutes les douceurs familiales. Photo Tanya Traboulsi

Contre le changement

« Il n’y a rien de plus beau que de voir nos premiers clients débarquer aujourd’hui avec leurs enfants et parfois même leurs petits-enfants. En fait, le véritable baromètre de notre succès, ce sont les enfants. Parce qu’ils ne mentent pas », disent les frères Azrak avec leurs sourires gourmands, tout droit revenus de mes souvenirs. D’ailleurs, quiconque a passé la guerre ou l’été à Baabdate, ou dans les environs, vous dira aujourd’hui qu’il a laissé un morceau de son enfance chez Azrak. Ils vous parleront des sucettes Pierrot Gourmand qui de toujours trônaient en bouquet au niveau de la caisse, « nous en avons d’ailleurs reproduit le parfum caramel beurre salé en glace ».

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Ils vous parleront des monticules de boules glacées qu’on leur servait dans des cornets au goût de carton-pâte, et du sourire de Riri et Robert, les deux marchands de bonheur du village de Baabdate. Ils vous parleront de leur collection de bouteilles de Coca improbables qui peuplaient les étagères de la boutique. Ils vous parleront des sablés à l’abricot, des éclairs, des succès, du baba au rhum, de la confiture de pétales de rose et bien entendu des marzipans dessinés en fleurs, « toutes ces choses certes un peu old school mais qu’on a refusé de changer.

La vitrine de Azrak, des pâtisseries alignées dans ce même frigo arraché des années 70 et des prix rédigés à la main. Photo Tanya Traboulsi

Ici, chez Azrak, on est contre le changement. La glace reste artisanale, naturelle, notre logo est toujours le même depuis notre père et l’on refuse même de se plier aux diktats des services de delivery. Notre métier n’aurait aucun sens sans la rencontre avec les clients et le lien presque familial qui s’est tissé entre nous au fil du temps, », insistent les propriétaires des lieux. Aujourd’hui, le seul marqueur du temps qui a passé, la seule chose qui a peut-être changé, ce sont les prix montés en flèche (mais encore inscrits à la main), des pâtisseries encore alignées dans ce même frigo arraché des années 70. « L’électricité nous a vraiment posé problème. C’est une bataille de tous les jours, mais il est hors de question que l’on ferme. On le doit à notre père, certes, mais aussi à nos clients qui sont devenus la famille, la maison », affirment les frères Azrak d’une même voix.

Riri Azrak et son incontournable glace. Photo Tanya Traboulsi

Et, sans le savoir, à la faveur de leurs mots, ils nous font la promesse que quelque part, dans cette toute petite ruelle escarpée de Baabdat, un morceau du Liban d’avant sera pour toujours préservé.


*Baabdat, Rue Principale, en venant de la place du village, descente à droite juste avant la station Total.

Téléphone: +961 3 633 022

C’est une rue escarpée du village de Baabdate, une toute petite rue en contrebas d’une station-service où presque plus personne ne s’arrête à cause du prix des carburants. Il suffit de commencer à s’y enfoncer, pris dans une fanfare de criquets et cette lumière d’un mois de juin au Liban, pour arrêter le sablier du temps et laisser la folie du monde derrière. Trente ans,...

commentaires (6)

A 100,000 LL L'eclair et 85,000 le sablet...vous lui faites encore de la pub gratuite? qu'il paie ses pubs comme les autres lol

Imad Tanios

08 h 41, le 08 juin 2022

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • A 100,000 LL L'eclair et 85,000 le sablet...vous lui faites encore de la pub gratuite? qu'il paie ses pubs comme les autres lol

    Imad Tanios

    08 h 41, le 08 juin 2022

  • Très bonnes patisseries, très bon article. mais pourquoi toujours ne parler que du passé et ne pas se projeter? pourquoi ne posez vous pas des questions sur quels sont les plans de ces artisans, comment ils voient le futur de leur entreprise, où/quand/comment veulent-ils la développer? que font-ils pour attirer une clientèle plus jeune? A force de vivre dans la grandeur de leur passé, les libanais et leurs entreprises sont condamnés

    CAMILLERI PATRICE

    18 h 51, le 07 juin 2022

  • Vos articles sont magiques!

    Michele Aoun

    14 h 45, le 07 juin 2022

  • votre prose fleure bon la nostalgie !

    Citoyen Lambda

    13 h 54, le 07 juin 2022

  • A 100,00ll L’éclair au chocolat de Azrak coûte pile poile le même prix que l’éclair que je prend à Auteuil 75016 Paris

    Roger Xavier

    12 h 49, le 07 juin 2022

  • excellents souvenirs, l’adresse reste flou,

    Thérèse Salem

    08 h 15, le 07 juin 2022

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