Après l’échec, les nouvelles batailles. Le Hezbollah et ses alliés ont remporté hier, bien qu’avec une très mince majorité, deux victoires avec l’élection de Nabih Berry à la présidence du Parlement dès le premier tour et celle d’Élias Bou Saab, député affilié au camp aouniste, à la vice-présidence au second tour. Mais en dépit de cette première défaite, les députés de la contestation et les partis traditionnels qui se réclament de l’opposition ont déjà les regards braqués sur la prochaine bataille : le nouveau gouvernement, mais avant tout les commissions parlementaires. Ces commissions sont le véritable « atelier » de la Chambre, dans la mesure où tous les projets et propositions de lois y sont examinés avant d’être déférés devant l’Assemblée pour adoption, d’où l’importance pour les protagonistes d’en faire partie. Selon l’article 19 du règlement intérieur du Parlement, ces commissions sont au nombre de seize, les plus importantes étant celles des Finances et du Budget (17 députés), de l’Administration et de la Justice (17 députés), des Travaux publics (17 députés) et de la Défense (17 députés). Toujours selon le règlement intérieur, en particulier l’article 19, le Parlement devrait former les commissions après l’élection des membres du bureau de la Chambre (le président, le vice-président, deux secrétaires et deux membres) à l’issue des législatives. La même démarche est censée avoir lieu au début de la session parlementaire d’octobre (qui débute le premier mardi suivant le 15 octobre). C’est donc à la faveur de ce texte que le chef du législatif Nabih Berry a convoqué la nouvelle Chambre hier à sa seconde réunion fixée pour mardi prochain à 11 heures, afin d’élire les commissions parlementaires. Un appel saisi au vol par les treize députés de la contestation, qui se sont réunis hier soir afin de « discuter des décisions à prendre en vue de la prochaine étape », pour reprendre les termes de Paula Yacoubian, députée de Beyrouth, contactée par L’Orient-Le Jour.
En attendant l’issue de ces contacts, les élus de la contestation s’efforcent de mettre en avant certains points sur lesquels ils convergent. « Lors de l’élection du président de la Chambre, nous avons voté en faveur de la justice pour les victimes de la double explosion au port de Beyrouth. Il nous importe donc de faire notre entrée à la commission de l’Administration et de la Justice, afin de plaider pour l’adoption de la loi sur l’indépendance du pouvoir judiciaire », affirme Waddah Sadek, député de Beyrouth. Dans un contexte de crise économique inédite, la thaoura veut également réserver sa place au sein des « commissions les plus importantes, dont celle des Finances et du Budget », selon le nouveau parlementaire beyrouthin.
Les Forces libanaises, elles aussi, ont les commissions dans le collimateur. « Nous espérons pouvoir garder (la présidence de) la commission de l’Administration et de la Justice », déclare à L’OLJ Ghayath Yazbeck, député FL de Batroun, rappelant que les alliés mais aussi les adversaires de sa formation saluent le travail de Georges Adwan, député du Chouf, à la tête de cette commission. « Mais avant de se lancer dans ce chantier, il faut œuvrer pour unifier les opposants », dit-il. « D’autant que la séance d’aujourd’hui (hier) a bien montré les méfaits des divisions de l’opposition face au camp adverse, soudé autour d’un parti bien connu », ajoute M. Yazbeck dans une référence au Hezbollah qui est parvenu à réduire les tensions politiques entre ses alliés, notamment le mouvement Amal et le Courant patriotique libre, ce qui a facilité la reconduction de Nabih Berry et l’élection d’Élias Bou Saab.
Le futur gouvernement
Autre échéance qui guette le nouveau Parlement : la formation du gouvernement, quelques mois avant l’expiration du mandat du président de la République Michel Aoun, le 31 octobre prochain. Si le Liban, noyé dans la pire crise économique de son histoire, a besoin de se doter d’une nouvelle équipe ministérielle le plus rapidement possible pour enclencher le processus de réformes, rien ne prête à croire que cela sera chose facile. Car les diverses forces politiques ont déjà commencé à imposer leurs conditions sur ce plan. Tel est le cas du chef du CPL Gebran Bassil. Au lendemain du scrutin du 15 mai, il s’opposait clairement à un gouvernement de technocrates, tel que voulu par la contestation et plusieurs opposants, dont les Kataëb. « Le prochain cabinet devrait être formé de spécialistes indépendants, loin de la traditionnelle logique de partage du gâteau », soutient Élias Hankache, député Kataëb du Metn, assurant que sa formation ne prendra pas part à la future équipe, préférant rester dans le camp de l’opposition.
Même son de cloche chez les contestataires. « L’heure n’est pas aux querelles politiques, mais à un sauvetage du pays », souligne Waddah Sadek, plaidant pour la nomination de ministres spécialistes « capables de prendre les décisions à même de sortir le pays de la crise ». Interrogé au sujet du futur Premier ministre, le député affirme qu’aucun nom n’a encore été choisi. « Mais personnellement, je suis pour la nomination de Nawaf Salam (ancien ambassadeur du Liban aux Nations unies et juge à la Cour internationale de justice) », souligne-t-il.
À Meerab, la position n’a pas changé d’un iota. Samir Geagea, qui s’est félicité d’avoir remporté les élections haut la main, est déterminé à mener le combat pour un gouvernement de majorité afin de « consacrer la logique de la reddition des comptes », selon les termes de Ghayath Yazbeck.
Le tableau général sera un peu plus clair quand Michel Aoun convoquera les députés aux consultations parlementaires contraignantes afin de nommer un Premier ministre. « Nous fixerons une date une fois que la Chambre nous enverra la répartition des nouveaux groupes parlementaires », nous confie un proche de Baabda.
commentaires (17)
Pour l’opposition, cap sur les commissions parlementaires et le gouvernement. Maman j’ai peur! Qu’espèrent ils au juste, faire peur avec leurs deux pelés et trois tondus. Il est un peu tard pour se morfondre.
Sissi zayyat
12 h 23, le 02 juin 2022