Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

L’affliction peut-elle être bénéfique

II y a dans la douleur un élément positif qui s’incorpore à notre vie et qui la change. Chacun de nous ne songe sans doute qu’à rejeter sa douleur au moment où elle l’assaille ; mais quand il fait un retour sur sa vie passée, il s’aperçoit que ce sont les souffrances qu’il a éprouvées quelquefois qui l’ont marqué et qui ont donné à sa vie sa profondeur.

Par exemple, affronter la mort avec courage et sérénité tente d’amener le cœur et l’esprit à la résignation. Cette attitude est une nécessité pour l’homme, mais s’il veut surmonter l’épreuve d’un deuil, il doit également savoir comment réagir sur le plan émotionnel. D’une façon générale, on n’a jamais su très bien définir l’attitude qu’il est convenable d’adopter en de telles circonstances. Faut-il donner libre cours à sa douleur ou la refouler ?

Faut-il parler de son chagrin ou le cacher ? Faut-il plonger aussi les enfants dans la douleur ou au contraire les en tenir complètement à l’écart ? Autant de questions qui exigent des réponses.

Normalement, la perte d’un être cher se traduit tout d’abord chez nous par un déséquilibre, un terrible engourdissement intérieur, un dégoût de la vie. On peut éprouver une impression physique de détresse ou être obsédé par l’idée du défunt, qui revient toujours à l’esprit, ou encore ressentir à son égard un profond sentiment de culpabilité. Le monde n’apparaît plus à nos yeux que comme un morne désert. La douleur et le désespoir prennent possession de notre âme et nous nous sentons abandonnés.

Lorsqu’on vient de subir une perte cruelle, on doit presque toujours s’attendre à éprouver pendant des semaines ou des mois, et à un degré plus ou moins élevé, de telles réactions. Si on les considère comme des manifestations temporaires, si on est assez sage pour les accepter sans prétendre les supprimer, on peut réussir à écarter pour l’avenir le danger des troubles qui nous guettent.

On sait aujourd’hui qu’il est important de donner libre cours à sa peine au lieu de la contenir. Cette découverte de la psychologie nous rappelle que les antiques et sages éducateurs dont nous parle la Bible avaient de la nature humaine et de ses besoins une connaissance prévisible, qu’aujourd’hui l’homme a perdue. Abraham, Jacob et David criaient tout haut et sans honte leur douleur. Nos ancêtres pleuraient en public, jeûnaient, se couvraient d’une grosse étoffe en laine brune et déchiraient leurs vêtements.

Dans les enterrements modernes, au contraire, on cherche souvent à prévenir les explosions sentimentales, les sanglots et les « scènes dépourvues de dignité ». Nous devrions bien nous souvenir que les larmes nous ont été précisément données pour ces heures sombres. Ne craignons pas d’exprimer notre douleur dans la mesure même où nous la ressentons. Le chagrin que nous éprouvons au moment-même est l’outil qui forgera notre future guérison avec le temps qui passe.

D’autre part, nos amis qui veulent nous consoler quand nous sommes dans l’affliction doivent jouer en quelque sorte auprès de nous le rôle d’une rencontre d’harmonie. Ils doivent commencer par nous donner toutes les occasions de parler du disparu et d’insister sur notre chagrin. C’est seulement plus tard qu’ils doivent essayer de détourner notre pensée du défunt.

Une autre vérité : nous devrions apprendre à nous affranchir de l’emprise où nous tenait l’existence physique de l’être aimé(e). Quand deux époux ont vécu et travaillé ensemble dans une parfaite entente, la mort de l’un désorganise la vie de l’autre et crée autour de lui un vide douloureux.

Après un deuil, nous devons toujours finir par découvrir la ou les personnes qui ont besoin de notre affection et de nos soins. C’est en les prodiguant que nous obtiendrons une guérison spirituelle.

Nous ne devrions pas non plus simuler une souffrance que nous n’éprouvons pas, comme lorsque la mort vient délivrer un parent âgé atteint d’une maladie incurable. Jamais on ne doit déguiser ses sentiments à la seule fin de se conformer aux convenances.

Réagir d’une manière contraire au bon sens devant la douleur, c’est fausser le sens de la vie. Les enfants en souffrent autant que les grandes personnes. Un père laisse derrière lui une veuve et un jeune enfant. Au moment de l’enterrement on confie le bambin à des parents et la mère s’entend avec toute la famille pour lui cacher la vérité. On évite de mentionner devant lui le nom du disparu, et, si l’on ne peut faire autrement, on se hâte de détourner la conversation. Cette conspiration du silence s’appuie sur le principe que l’enfant n’est pas armé pour la douleur. Bien que procédant des meilleures intentions, ce genre de dissimulation risque de troubler gravement le développement sentimental de l’enfant.

C’est une illusion absolue de s’imaginer que l’enfant n’est pas capable de faire face au chagrin et à la tristesse, et qu’en toutes circonstances il faut le dorloter, le protéger contre les vigoureuses réalités de la vie. La vérité est tout autre. L’enfant peut supporter le chagrin et l’amertume, mais jamais le mensonge.

En somme, nous ne pouvons espérer surmonter un deuil d’un seul coup. Au cours de notre convalescence sentimentale, nous devons nous attendre à sentir une évolution se faire en nous. Nous connaîtrons une période de profonde douleur, des journées vides et nous ressentirons un dégoût de vivre. Nous refuserons même d’être consolés.

Puis nous reprendrons graduellement le dessus sous l’action curative du rayonnement de l’amour, de l’amitié et d’un sentiment de défi à la société. Nous pourrons enfin reprendre une activité nouvelle faite de soumission à la lutte inévitable que nous impose la vie. Instruits par la sagesse acquise dans l’affliction, nous finissons toujours par surmonter notre mal et par découvrir la paix du cœur.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

II y a dans la douleur un élément positif qui s’incorpore à notre vie et qui la change. Chacun de nous ne songe sans doute qu’à rejeter sa douleur au moment où elle l’assaille ; mais quand il fait un retour sur sa vie passée, il s’aperçoit que ce sont les souffrances qu’il a éprouvées quelquefois qui l’ont marqué et qui ont donné à sa vie sa profondeur. Par exemple,...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut