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Nos Lecteurs ont la Parole

Quel régime thérapeutique pour le Liban ?

Des recherches, débats et palabres sur la gouvernabilité du Liban et du vivre-ensemble se perdent souvent dans des diagnostics variés et, le plus souvent, concordants, mais le plus souvent aussi sans ordonnance au sens thérapeutique parfaitement adaptée au diagnostic. Pourquoi le manque de remédiation de la part d’intellectuels chevronnés, de constitutionnalistes reconnus, journalistes, acteurs sociaux et citoyens de bonne volonté ?

La raison réside, d’après une longue expérience de recherche et aussi de la longue expérience historique du Liban uni et pluriel, dans trois raisons majeures :

1. Aliénation culturelle et complexe d’infériorité d’intellectuels à travers une idéologie de l’édification nationale, de la modernité, de la laïcité, de la sécularisation…

2. Manque de suivi des recherches comparatives internationales et comparées, depuis surtout les années 1970, et, pire, la lecture de ces travaux avec un habitus mental du passé, et à travers la manipulation et la pollution de nombre de notions hautement démocratiques (pacte, consensus, participation, « power sharing »…) par des intellectuels sans expérience et des imposteurs.

3. Occultation du phénomène de l’occupation dans l’analyse politique, occupation qui n’est certes pas étrangère à la propension du patient libanais à solliciter l’occupation pour renforcer sa position dans les équilibres internes. Dans une situation d’occupation, aucun système constitutionnel ne fonctionne avec régularité, et toute thérapie est inopérante à défaut de placement du patient dans un environnement favorable à l’effectivité de la thérapie.

Le corps politique libanais est malade, ou du moins fragile ou fragilisé, dans un environnement hostile ou peu démocratique. Tout corps social sans exception est cependant sujet à la maladie et maladif, sinon il s’agit d’utopie ou d’idéologie. Tous les idéologues dans l’histoire et les démagogues réformistes qui ont promis aux humains, imparfaits comme ils sont, des lendemains qui chantent ont fait l’enfer sur terre.

Si nous soumettons des travaux d’intellectuelles chevronnés, libanais et étrangers, sur le régime constitutionnel libanais depuis les années 1920 à un tribunal pour juger l’efficience, quel sera le résultat ?

Tout en brandissait en permanence : Liban-message, vivre-ensemble, dialogue islamo-chrétien, unité plurielle, identité et appartenance arabes du Liban… on a ébranlé la légitimité de l’édifice national du Liban dans la conscience collective. Cet ébranlement rejoint la disqualification du Liban avec l’idéologie sioniste de l’espace identitaire : erreur historique et géographique. Mosaïque ingouvernable !

Expérimentalement, et l’expérience est le fondement de toutes les sciences, il n’y a pas (malheureusement peut-être pour des idéologues) une autre alternative pour le Liban que le pacte national de 1943, la Constitution de 1926 et le pacte national renouvelé de l’accord d’entente de Taëf de 1989 !

Le texte même de la Constitution comporte toutes les perspectives d’application normative et d’évolution en conformité aux normes, sans exception, de l’autonomie personnelle (art. 9 et 10), la discrimination positive (art. 95), le processus de décision (art. 65) et la formation de gouvernements « exécutoires » (tout le chapitre 4).

Cependant, la plupart des auteurs, libanais et étrangers, et il en est qui enseignent le droit constitutionnel, ignorent les normes qui régissent la gestion rationalisée du pluralisme culturel. Ils fourrent tout ce qu’ils ne comprennent pas dans la poubelle : confessionnalisme, communautarisme…

On peut certes affirmer suivant une idéologie jacobine de la « nation building » : le Liban est incurable. Or, le problème est que le Liban manifeste toujours une vitalité et sort de la salle d’urgence avec une vitalité difficile, mais plus ou moins récupérée. C’est dire, tout banalement, qu’aucune maladie n’est incurable, sauf à l’étape finale de la mort cardiaque ou cérébrale. C’est dire aussi que toute situation de bonne santé ou maladive implique un régime alimentaire et de vie au sens médical.

Or, le malade libanais, profondément malade, ne suit pas le régime prescrit et se plaint toujours de la persistance de sa maladie.

Quel régime au sens médical, régime fort naturel, normal et normatif pour le Liban ? L’ordonnance se trouve dans la Constitution même du Liban avec quatre prescriptions :

- Souveraineté d’abord.

- Président de la République (maronite) véritablement « chef de l’État » garant de la suprématie de la Constitution (art. 49).

- Gouvernements « exécutoires » (« ijra’iyya ») et non des mini-Parlements (ch. 4).

- Acculturation de l’État dans la conscience collective à travers une historiographie scientifique et réaliste du Liban et une pédagogie de l’État pour les nouvelles générations. Il s’agit pour cela de réhabiliter le plan de rénovation pédagogique prescrit dans l’accord de Taëf et concrétisé par le CRDP – ministère de l’Éducation nationale sous la direction du Pr Mounir Abou Asly dans les années 1996-2002, puis bureaucratisé ou saboté.

Mais il y a là un autre problème grave. De prétendus médecins qui se penchent sur le Liban malade sont exclusivement des spécialistes en diagnostic, en spéculation intellectuelle, des professionnels plus soucieux de leur carrière que de la santé du patient et du public. Ils négligent alors tout le côté culturel du patient qui ne se conforme pas à l’ordonnance. Il faut donc un bon diagnostic, joint à une thérapie culturelle. C’est dire que la thérapie est à la fois institutionnelle et culturelle.

Des diplomates étrangers accrédités au Liban durant cette période de désastre et d’enfer ont parfaitement compris le problème. L’un d’eux avait dit : « Si vous voulez continuer dans vos manigances («tarqî»), ne comptez pas désormais sur notre diplomatie. » Ce qui signifie qu’il faut désormais opérer des réformes non plus verbeuses, mais effectives.

Ancien membre du Conseil constitutionnel, 2009-2019.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Des recherches, débats et palabres sur la gouvernabilité du Liban et du vivre-ensemble se perdent souvent dans des diagnostics variés et, le plus souvent, concordants, mais le plus souvent aussi sans ordonnance au sens thérapeutique parfaitement adaptée au diagnostic. Pourquoi le manque de remédiation de la part d’intellectuels chevronnés, de constitutionnalistes reconnus, journalistes,...
commentaires (2)

Les mafieux dehors , pauvre Liban

Eleni Caridopoulou

17 h 26, le 07 avril 2022

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Commentaires (2)

  • Les mafieux dehors , pauvre Liban

    Eleni Caridopoulou

    17 h 26, le 07 avril 2022

  • tres tres TRES vrai. de solution ? aucun signe. juste des voeux pieux reels mais pieux. LE SEUL VRAI REMEDE, REEL, EFFICACE , SUCCES GARANTI 100% EST UN MBS LIBANAIS- moi, vous, lui,elle, qui sait ? apres tout MBS d'arabie n'est pas ne MBS, il l'a voulu, il a ose, il y est arrive.

    Gaby SIOUFI

    15 h 16, le 07 avril 2022

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