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Lifestyle - Collectionneurs

Polaroid, montres espionnes... Dans l’antre de Samer Halwani, collectionneur d’appareils photo anciens

Chaque pièce de la collection du Libanais raconte des histoires extraordinaires, dont certaines renvoient le visiteur à des concepts qu’il pensait être le fruit d’une époque plus récente.

Polaroid, montres espionnes... Dans l’antre de Samer Halwani, collectionneur d’appareils photo anciens

La collection de Samer Halwani compte entre 400 et 500 appareils photo. Photo Thomas el-Hage Boutros

On a tendance à l’oublier : incontournables outils de l’ère numérique, l’appareil photo et sa cousine la caméra vidéo font aussi partie des artefacts les plus emblématiques des deux siècles précédents. Une histoire que Samer Halwani connaît sur le bout des doigts, depuis les premiers balbutiements du daguerréotype en 1839 jusqu’aux dernières heures de gloire de l’analogique il y a déjà quatre décennies.

Père de famille et gérant d’une société spécialisée dans l’importation et la distribution de produits alimentaires au Liban, l’homme est également un passionné – et diplômé – de photographie qui a rassemblé l’une des plus belles collections d’appareils du pays avec près de 500 pièces – sans compter les accessoires –toutes aussi racées les unes que les autres, et même quelques raretés. « Je me suis uniquement concentré sur les appareils qui ont été conçus et commercialisés entre la fin du XIXe siècle et les années 1980, cette dernière décennie étant celle qui a vu la naissance des premiers appareils numériques », raconte-t-il en exhibant avec enthousiasme une partie de ses trésors qu’il expose dans son appartement familial situé dans l’une des tours qui surplombent le quartier de Koraytem, à Beyrouth. L’autre partie est entreposée dans son atelier aménagé en laboratoire photo. « Au Liban, nous ne sommes pas très nombreux (à collectionner des appareils photo, NDLR). Ma collection peut sembler imposante, mais elle reste modeste par rapport à celles de grands collectionneurs étrangers qui possèdent parfois plusieurs milliers de pièces », reconnaît Samer.

Première acquisition au Vietnam

La première entrée de sa collection, une pièce issue d’une des premières séries de Polaroid, a été dénichée dans un marché aux puces au Vietnam en 2004, où le collectionneur a travaillé deux ans. Pour la petite histoire, l’inventeur de cet appareil capable de prendre des photos instantanées, Edwig H. Land, a imaginé ce concept en 1943 après que sa fille de 3 ans, Jennifer, lui a demandé pourquoi elle ne pouvait pas tout de suite voir les photos qu’il prenait d’elle – les tirages prenaient alors plusieurs jours à être réalisés. La technologie sera mise au point 4 ans plus tard, et il faudra attendre un an de plus pour que le Model 95, premier rejeton de cette catégorie d’appareil rendue aujourd’hui totalement obsolète par la technique, soit commercialisé. « Lorsque j’ai racheté ce Polaroid 80A de 1957, je ne pensais pas me mettre à collectionner ce type d’objet. Puis “l’appétit est venu en mangeant”, comme on dit. Je me suis pris à faire les puces, à racheter ou récupérer de vieux appareils à gauche et à droite au gré de mes voyages. En 2010, j’avais déjà une dizaine de pièces et j’ai pu remplir ma première étagère », se souvient-il.

La collection de Samer Halwani compte entre 400 et 500 appareils photo. Photo Thomas el-Hage Boutros

Si l’essentiel de la collection est composée d’appareils photo – accordéons, Box, RolleiFlex, Polaroid, reflex, télémétriques, etc. –, Samer Halwani a également rassemblé des caméras anciennes, de vieux posemètres (utilisés pour mesurer la luminosité, NDLR) et même une enseigne lumineuse publicitaire aux couleurs du fabricant américain emblématique Kodak, tout droit venue des années 1960. Un objet acheté il y a quelques années dans le quartier de Hamra, dans un magasin tenu par deux octogénaires –, pour ne citer que cet exemple. « Même si, avec le temps, je recherche davantage des appareils de valeur, c’est surtout mes affinités avec les différentes pièces dont je croise la route qui dictent mes choix. C’est pour cela qu’il y a un peu de tout dans ma collection, des appareils rares et chers, et d’autres plus communs et bon marché, mais que j’affectionne parce qu’ils dégagent quelque chose », poursuit-il.

Appareils espions

Parmi ces objets du passé, extrêmement bien entretenus, certains transcendent même le domaine de la photographie. « Tu te rappelles des montres de poche (dont l’une des déclinaisons est la montre à gousset) qui étaient assez répandues entre le XIXe et le début du XXe siècle (avant d’être progressivement remplacées par les montres à bracelet, NDLR) ? » interroge Samer en manipulant l’extrémité de la tige de remontoir de l’un de ces objets. « C’est un appareil photo espion, une Expo Pocket Watch (vendue de 1905 à 1935) », indique-t-il avec malice en décalant le petit morceau de métal protégeant l’objectif. Les amoureux de bandes dessinées se souviendront d’avoir vu un tel objet dans le 8e album des aventures de Tintin, Le Sceptre d’Ottokar, paru en 1939. La montre de poche n’est qu’une des pièces de la dizaine d’appareils photo espions que possède Samer Halwani, qui s’empresse alors d’en exhiber un autre, sous l’apparence d’un briquet à gaz, un Minimax Lite fabriqué par le japonais Nikoh et dont l’objectif est situé au milieu du réservoir. Contrairement aux montres de poche espionne, qui ont disparu de la circulation (il existe cependant quelques modèles à bracelet), le briquet espion semble, lui, avoir réussi son passage à l’âge du numérique, avec de nombreux modèles disponibles en ligne et souvent vendus pour une bouchée de pain.

La collection de Samer Halwani compte entre 400 et 500 appareils photo. Photo Thomas el-Hage Boutros

Plus classiques mais tout aussi étonnants, les appareils photo panoramiques, dont le premier prototype, le cylindrographe autrichien, fut créé en 1841, soit seulement deux ans après le premier daguerréotype. Il faudra toutefois attendre la fin des années 1910 pour que Kodak, fondé 15 ans plus tôt, lance le premier appareil produit à la chaîne, le Panoram Cirkut Swing Lens, une pièce à soufflet que possède justement Samer Halwani. Comme il l’explique, ces premiers appareils sont rotatifs, avec une chambre articulée sur un pied. L’ensemble est plutôt fragile et les ratés fréquents en cas d’interférences. Quelques décennies plus tard, en 1967, l’URSS lance le Zenit Horizon, avec une chambre pouvant être remontée au moyen d’une molette intégrée fonctionnant à la manière de celle servant à rembobiner les films sur les appareils photo jetables.

Beyrouth en 1974

Chaque pièce de la collection de Samer Halwani raconte une histoire plus extraordinaire que la précédente, dont certaines renvoient le visiteur à des concepts qu’il pensait être le fruit d’une époque plus récente. Le selfie n’est pas né avec le téléphone, mais avec le Minolta Disc-7 lancé par le constructeur japonais en 1983, et équipé d’un stick démontable et d’un miroir frontal permettant à l’utilisateur de cadrer son cliché. Une des premières tentatives de fusion entre un appareil photo avec un autre objet issu du domaine du multimédia remonte, elle, aux années 1960, avec le Air King doté d’une... radio.

Samer Halwani ne se contente pas de posséder et d’entretenir tous ces appareils, mais « aime aussi les utiliser et développer les photos avec les techniques anciennes ». Photo Thomas el-Hage Boutros

Équiper son appareil photo de plusieurs objectifs comme le proposent la plupart des nouveaux smartphones ? Le concept existait déjà au XXe siècle avec les photos stéréoscopiques. Kodak autographiques lancés de 1910 à 1925 (fourni avec un crayon pour signer les photos), Box Art-déco des années 1930 (série Beau Brownie) disponibles en plusieurs coloris, appareils photo jouets, deux précieux Leica allemands des années 1930 et 1940... la liste est interminable. À gauche des étagères trône une imposante caméra studio en bois à soufflet avec développement sur plaquette de verre (la marque n’a pas été identifiée) datant du début du XXe siècle. Montée sur 4 pieds équipés de roulettes, il s’agit du plus grand appareil de la collection... acheté à Souk el-Ahad.

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Enfin, Samer Halwani ne se contente pas de posséder et d’entretenir tous ces appareils. « J’aime aussi les utiliser et développer les photos avec les techniques anciennes, du moins lorsque je peux le faire seul avec le matériel dont je dispose ou chez les rares professionnels qui existent encore dans ce pays », explique-t-il. Sur un mur jouxtant celui sur lequel sa collection est exposée est encadré un cliché représentant une rue marchande tout droit sortie du siècle dernier. Au milieu de l’image, un tarbouche sur la tête, un homme plutôt bien portant regarde à sa droite. Samer Halwani met fin au suspense. « C’est une des plus belles découvertes que j’aie pu faire en construisant ma collection. Cette photo a été prise par le propriétaire d’un appareil que j’ai acheté il y a quatre ans au Liban – un Rolleiflex T de fin 1950, début 1960 –, mon point faible. J’ai décidé de tenter de prendre quelques photos avec. Je l’ai emporté chez moi. En l’examinant, j’ai remarqué qu’il contenait un film déjà utilisé. Je l’ai pris chez le spécialiste que j’ai l’habitude de voir », relate Samer. « Si ce n’est pas la première fois que cela m’arrivait, je n’avais cependant jusqu’ici jamais réussi à trouver de films en assez bon état pour pouvoir être développés. Mais là, c’était le cas. Le film était en couleur, et seules les matières chimiques permettant de faire ressortir le rouge avaient tenu. C’est ce qui a permis à la photo d’apparaître. » Après un traitement numérique, quatre clichés ont pu être récupérés, dont celui-ci qui représente, selon les estimations de Samer, une rue de Beyrouth en 1974. Une découverte qu’il considère désormais comme une incitation de plus pour entretenir sa collection et encourager de nouveaux amateurs à se lancer dans la même voie que lui.

On a tendance à l’oublier : incontournables outils de l’ère numérique, l’appareil photo et sa cousine la caméra vidéo font aussi partie des artefacts les plus emblématiques des deux siècles précédents. Une histoire que Samer Halwani connaît sur le bout des doigts, depuis les premiers balbutiements du daguerréotype en 1839 jusqu’aux dernières heures de gloire de...

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