On dit qu’une seule décision peut faire basculer la vie d’un homme. C’est particulièrement vrai en politique et davantage encore lorsque cela concerne un dirigeant autoritaire. En 2011, Bachar el-Assad a fait le choix du pire. Celui de répondre aux manifestations populaires par la répression, de faire taire l’opposition par les bombes, de terroriser sa propre population par l’emploi des armes chimiques. En franchissant ainsi toutes les lignes rouges, le président syrien s’est lui-même placé dans une position de laquelle il ne peut plus s’extraire : celle d’un paria avec qui aucune négociation n’est possible et pour qui toute action ou discussion devient un enjeu existentiel.
Vladimir Poutine est en train de faire la même erreur. D’une part en envahissant l’Ukraine, avec un objectif si maximaliste que même ses habituels zélateurs peinent à le défendre ; d’autre part en recourant, face à la résistance de son adversaire, à la méthode de la terre brûlée.
Dans ce domaine, le président russe n’a pas grand-chose à apprendre de son obligé syrien. Cette méthode qui consiste à bombarder massivement les zones civiles et à faire fuir les populations locales, il l’a lui-même expérimentée à plusieurs reprises, que ce soit en Tchétchénie en 1999 ou en Syrie à partir de 2015. Mais peut-il réduire Marioupol, Kharkiv ou Kiev en cendres comme il l’a fait à Grozny ou à Alep ? L’opinion publique russe, même abreuvée de propagande sur la menace que représentent les « nazis ukrainiens », peut-elle accepter qu’un peuple présenté comme appartenant à la même nation soit ainsi traité ?
Vladimir Poutine semble s’en moquer royalement. À l’instar de Bachar el-Assad, il fait le choix du pire et se met lui aussi dans une position inextricable. Le président russe fait le pari qu’en écrasant son adversaire, celui-ci va finir par plier et par accepter un accord qui suppose probablement un changement de régime à Kiev, une satellisation de l’Ukraine, une reconnaissance de l’indépendance des provinces du Donbass et de la souveraineté de Moscou en Crimée. Il n’est pas impossible qu’il parvienne à atteindre son objectif, mais à un coût exorbitant sur les plans humain et financier et avec un risque important que la situation demeure très instable pendant des années. Là encore, le parallèle avec la Syrie est frappant.
Le pire, c’est que le chef du Kremlin est allé si loin que ce scénario est sans doute le moins mauvais pour lui aujourd’hui. Si les forces ukrainiennes résistent dans la durée, si les Occidentaux poursuivent leur pression jusqu’à mettre l’économie russe à genoux, si des franges importantes de sa population manifestent leur désaccord avec cette « opération » – les premières protestations ont été sévèrement réprimées –, la situation deviendra nettement plus compliquée.
Comme Bachar el-Assad, Vladimir Poutine joue désormais sa survie. L’analogie entre les parcours de ces deux hommes, arrivés au pouvoir quasiment au même moment, considérés tous deux au départ comme des partenaires potentiels pour Washington et les Européens, avant de se radicaliser en raison de leur paranoïa et de leur incapacité à faire la moindre concession, est assez troublante.
Encore plus que Bachar el-Assad, Vladimir Poutine a néanmoins les moyens de se maintenir en place pendant encore de longues années. Non seulement en raison de la taille de la Russie, de son importance géopolitique, de sa détention de l’arme nucléaire, de son partenariat avec la Chine et de ses ressources énergétiques. Mais parce que le conflit syrien a prouvé qu’un autocrate déterminé à s’accrocher au pouvoir, quoi qu’il en coûte pour son pays et pour sa population, est extrêmement difficile à déloger. À l’instar de Bachar el-Assad, Vladimir Poutine usera probablement de ses deux armes favorites, la propagande et la répression, jusqu’à ce que ses adversaires intérieurs et extérieurs finissent par se lasser. Le syndrome Assad, c’est surtout cela : la capacité d’un dirigeant à sacrifier son propre pays pour ne pas céder un pouce de terrain. Vladimir Poutine n’est pas encore dans cette situation. Mais plus les jours passent et plus il en prend le chemin.
commentaires (12)
Il faut rappeler à tous les défenseurs de Poutine et la non compréhension de l’attitude de l’Ukraine de cette sale guerre que les armes de l’OTAN qui se trouvent depuis des décennies dans ce périmètre n’ont jamais posé problème à Poutine puisqu’un accord de non agression a été signé entre tous les belligérants à l’époque. Poutine a décidé de récupérer les pays qui se sont éloignés de la dictature pour s’allier à des pays démocratiques et c’est surtout ça que Poutine n’arrive pas à digérer . Pour rappel plus Poutine envahit des pays non alliés à l’OTAN, plus il se rapproche des armes de l’OTAN. L’Ukraine était un tampon entre la Russie et les alliés de l’OTAN et en l’’annexant il se rapproche dangereusement de leurs armes. Il est mégalomane et veut étendre son pouvoir quitte à provoquer une 3 eme guerre mondiale. Ça n’est pas parce que l’Ukraine faisait partie de L’URSS qu’il faut accepter qu’il déclenche une guerre pour la récupérer. Que les libanais imaginent une seconde que leur pays soit annexé à la Syrie qui n’a de cesse de répéter que le Liban est une chimère et qu’il a toujours appartenu à la grande Syrie.
Sissi zayyat
12 h 35, le 11 mars 2022