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Économie - Restrictions bancaires

Clôtures « abusives » de comptes : le barreau interpelle la Commission de contrôle des banques

Clôtures « abusives » de comptes : le barreau interpelle la Commission de contrôle des banques

Un distributeur de billets vandalisé dans une rue de Beyrouth. Photo d’illustration João Sousa

La commission formée par l’ordre des avocats de Beyrouth pour défendre les droits des déposants lésés par les restrictions bancaires en vigueur depuis plus de deux ans a demandé hier à la Commission de contrôle de banques (CCB) de rappeler à l’ordre et sanctionner les établissements qui ont récemment commencé à clôturer les comptes de leurs clients de manière « abusive ».

Dans un courrier adressé à Maya Dabbagh, chef de la CCB et daté d’hier, la commission émanant du barreau affirme avoir été contactée par des déposants – dont des avocats – à qui certaines banques ont fermé les comptes de façon péremptoire en les obligeant à récupérer leurs fonds sous forme de chèque bancaire directement auprès d’un notaire, au cas où ils refuseraient de le faire auprès de l’agence.

La commission a présenté la requête sur délégation spéciale du bâtonnier (car elle ne dispose pas de la personnalité morale indépendante).

Selon les rédacteurs du courrier, certains déposants concernés accusent ces banques d’avoir pris ces mesures après qu’ils eurent simplement demandé « une copie de leur contrat d’ouverture de compte, ou un relevé de compte ». Cette commission pointe également du doigt Bank Audi, qui selon elle a unilatéralement clôturé « un nombre important de comptes appartenant à des déposants qui détiennent la nationalité britannique, en les notifiant par téléphone », un procédé qualifié d’« illégal ». Des mesure prises dans le sillage de la condamnation, rendue publique par un jugement daté de lundi dernier d’une juridiction britannique, de Bank Audi et de la Société générale de banque au Liban (SGBL), suite à une action en justice de l’homme d’affaires libano-britannique Vatché Manoukian, visant à contester des refus de transfert de plus de 4 millions de dollars depuis ses comptes au Liban vers l’étranger.

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Dans ces cas également, la banque concernée a déposé les chèques bancaires contenant les montants des fonds enregistrés sur les comptes clôturés auprès de notaires au Liban, poursuivent les rédacteurs du courrier. Compte tenu de la dépréciation de la livre et des restrictions bancaires illégalement mises en place, la valeur réelle des chèques bancaires équivaut à « moins de 20 % » de leur valeur nominale. La commission du barreau a en outre souligné que Bank Audi avait proposé de rouvrir et recréditer avec les montants initiaux les comptes détenus par les clients britanniques, à condition que ces derniers s’engagent par écrit à ne pas poursuivre la banque en justice. Contactée hier soir à l’heure de passer sous presse, la banque n’avait pas encore réagi à cette information.

L’agence Reuters a rapporté hier que plus de 30 comptes appartenant à des clients de Bank Audi détenteurs de la nationalité britannique ou à des proches avaient été clôturés dans la foulée de l’annonce du jugement de la juridiction britannique. Selon Dina Abou Zour, membre de l’Union des déposants, l’enveloppe totale concernée se chiffre en dizaines de millions de dollars.

De plus, Reuters cite un responsable de Bank Audi qui précise que sa banque « demandait aux résidents britanniques d’appliquer les conditions applicables à toute personne ouvrant un nouveau compte : pas de transferts internationaux et pas de retraits d’espèces ». « Si ces termes ne sont pas acceptés, alors la banque n’a pas d’autre choix que de fermer le compte ». Selon les nouveaux formulaires d’ouverture de compte que l’agence de presse a pu consulter, ces derniers stipulent entre autres que seuls les tribunaux de Beyrouth seraient compétents en cas de litige.

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De son côté, le responsable de Bank Audi a déclaré à Reuters que la banque n’avait pas demandé à ses clients de « renoncer à leur droit d’intenter des poursuites », selon les termes employés par l’agence.

Blanchiment d’argent et financement du terrorisme

La commission du barreau soulève enfin le fait que ces traitements abusifs de la part de certaines banques et dont se seraient plaints des « milliers de clients » poussent ces derniers hors du secteur bancaire, réduisant ainsi l’inclusion financière et donc la capacité du pays à assurer la traçabilité des fonds, ainsi qu’à lutter contre le blanchiment d’argent et du financement du terrorisme.

Elle considère que cela va à l’encontre des principes mondiaux de bonne gouvernance et de transparence consacrés par les instances internationales dont l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) et le Groupe d’action financière (GAFI), et risque d’inscrire le Liban sur la liste noire des pays non conformes. Une situation qui engagerait alors la responsabilité de la CCB à qui il est reproché de ne pas avoir pleinement rempli sa fonction de surveillance depuis le début de la crise.

En conclusion de leur courrier, les auteurs – les avocats Karim Daher et Ali Zbib, respectivement président et vice-président de la commission du barreau – demandent « avec instance » à la CCB d’appliquer les lois en vigueur en « demandant à toutes les banques d’arrêter de clôturer arbitrairement les comptes de leurs clients et de rouvrir et recréditer ceux qui ont déjà été fermés ».

La démarche du barreau intervient dans le sillage de sa mobilisation décrétée lundi par son président Nader Gaspard, qui a adressé un véritable ultimatum au gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, lui demandant d’enclencher dans le délai d’une semaine une procédure de mise sous tutelle de toute banque qui n’est plus en mesure de poursuivre ses activités.

La commission formée par l’ordre des avocats de Beyrouth pour défendre les droits des déposants lésés par les restrictions bancaires en vigueur depuis plus de deux ans a demandé hier à la Commission de contrôle de banques (CCB) de rappeler à l’ordre et sanctionner les établissements qui ont récemment commencé à clôturer les comptes de leurs clients de manière...

commentaires (3)

Nous sommes devenus un pays totalitaire et non plus un pays de droit. Comment voulez vous que la balance commerciale reprenne si nous n avons plus confiance dans les banques ? Pauvre Liban, nos pères fondateurs doivent se retourner dans leurs tombes

fadi labaki

20 h 33, le 05 mars 2022

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Commentaires (3)

  • Nous sommes devenus un pays totalitaire et non plus un pays de droit. Comment voulez vous que la balance commerciale reprenne si nous n avons plus confiance dans les banques ? Pauvre Liban, nos pères fondateurs doivent se retourner dans leurs tombes

    fadi labaki

    20 h 33, le 05 mars 2022

  • Les banques mafieuses ! toujours en action! ? ON VEUT TOUT NOTRE ARGENT,et à la valeur du jour de notre dépôt! pas en monnaie de singe, singes que vous êtes!

    Marie Claude

    08 h 02, le 05 mars 2022

  • Voleurs, faussaires mais aussi arrogants ? La crapule bancaire n'a pas fini de nous etonner ! Malheureusement, la justice de ce pays n'a pas les tripes qu'il faudrait.

    Michel Trad

    07 h 04, le 05 mars 2022

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