Silencieuse en début de semaine, Bank Audi a réagi mercredi soir à l’annonce du jugement rendu par la Haute Cour de justice britannique (High Court of Justice in London) – la Queen’s Bench Division (division du Banc de la Reine) spécialisée dans les affaires civiles – via un communiqué dans lequel l’enseigne s’en prend vertement aux autorités libanaises et dénonce l’inégalité que va créer ce précédent entre les déposants pouvant ester en justice à l’étranger pour contester les restrictions bancaires en place depuis le début de la crise, et les autres.
Saisie par l’homme d’affaires libano-britannique Vatché Manoukian dans un litige l’opposant à Bank Audi et la SGBL, la cour londonienne a condamné les deux banques libanaises qui avaient refusé au plaignant l'exécution de plusieurs demandes de transferts de fonds vers l’étranger depuis ses comptes au Liban, pour des montants totalisant près de quatre millions de dollars libellés en plusieurs devises. Le plaignant avait également réclamé des dommages et intérêts s’élevant à 500 dollars par jour de retard accusé par les deux banques pour exécuter sa requête. La cour a considéré qu’elle était compétente pour trancher le litige, malgré le fait que les fonds ont été déposés dans des comptes au Liban.
Le jugement a été publié lundi, sans les motifs, qui doivent en principe faire l’objet d’une seconde publication du même jugement, comme l’autorise la procédure britannique.
Réduction de « l’argent disponible »
Dans son communiqué, Bank Audi affirme premièrement ne pas encore s’être décidée à faire appel de la décision de la cour, mais assure qu’elle se pliera en attendant aux exigences de la procédure. Les banques condamnées ont jusqu’au vendredi 4 mars pour se plier à cette décision tandis que le délai d’appel est de 21 jours à partir de la date de publication de la décision motivée. Les fonds réclamés doivent entre-temps être transférés sur un compte « escrow » (dépôt fiduciaire) ouvert par les avocats du plaignant. Ils ne lui seront distribués qu’une fois toutes les voies de recours des demandeurs épuisées.
Dans un second temps, Bank Audi prend acte du jugement la condamnant, en même temps que la SGBL, à exécuter les ordres de transferts refusés au client en novembre 2019 et souligne qu’un tel jugement n’aurait pas pu être rendu si une loi instaurant un contrôle formel des capitaux avait été adoptée au Liban. Les banques du pays ont en effet unilatéralement restreint l’accès de nombreux déposants à leurs comptes en devises depuis le début de la crise qui frappe le pays depuis la seconde moitié de 2019, et plus précisément dans le sillage du mouvement de contestation contre la classe politique qui a éclaté dans le pays le 17 octobre 2019. Une source proche du dossier contactée par L’Orient-Le Jour a jugé peu probable qu’un appel des banques puisse aboutir.
Ni les différents gouvernements, ni la Banque du Liban, ni le Parlement n’ont été au bout ou n’ont réellement encouragé toute forme de régularisation de cette situation sur le plan légal ou réglementaire malgré les moyens légaux disponibles. L’Association des banques du Liban (ABL), qui avait commencé mi-novembre 2019 à harmoniser unilatéralement ces restrictions, a également joué un rôle ambigu. Selon plusieurs voix, dont celle de l’ancien directeur général du ministère des Finances, Alain Bifani, certaines banques ont autorisé une partie des déposants à transférer leurs fonds à l’étranger, pendant que des clients plus modestes se voyaient refuser ce même droit.
Dans un troisième point, Bank Audi estime que la décision londonienne consacre une « inégalité de traitement » en faveur des « riches déposants, résidents au Royaume-Uni » qui pourront obtenir « 100 % de leurs fonds payés à partir des dépôts » des autres clients « qui n’ont pas la possibilité d’ester en justice hors du territoire libanais ». « Cela réduira significativement l’argent disponible pour les autres déposants », poursuit la banque.
Dans un quatrième point, elle juge que la « profusion d’actions en justice intentées par des déposants contre des banques libanaises devant des juridictions locales et étrangères est une conséquence directe de la mauvaise gestion de la crise par les autorités (libanaises) depuis 2019 », que ce soit au niveau du contrôle des capitaux ou des réformes à mettre en place pour redresser le pays. Elle note que la combinaison de ces facteurs avec la gravité de la crise économique et financière a encouragé une panique bancaire, face à laquelle les établissements du pays ont été « forcés d’adopter des restrictions » censées pallier l’absence d’un contrôle formel des capitaux.
Dans son cinquième point, la banque se réserve le droit de prendre « toutes les mesures nécessaires pour maintenir, dans la mesure du possible, un traitement égal entre ses (clients) déposants et de protéger une majorité d’entre eux ». Un message que certaines voix sur les réseaux sociaux ont assimilé à un projet de clôturer les comptes des déposants détenant la nationalité britannique, à moins de signer un document dans lequel ils renoncent à leur droit de poursuivre l’enseigne en justice. Contactée, une source à Bank Audi n’a pas confirmé le bien-fondé de cette interprétation.
La banque a enfin conclu en indiquant que tout délai supplémentaire dans la mise en œuvre d’une loi instaurant un contrôle formel des capitaux « ajouterait au mal déjà causé et accroîtrait les inégalités entre déposants ». De nombreuses procédures ont été lancées par des clients de banques libanaises contestant les restrictions bancaires mises en place depuis fin 2019, que ce soit au Liban où à l’étranger.
commentaires (7)
l'arrogance de jobrano bassil n'a d'egake que celle des banques libanaise. les voila t elles parler justice, defendre les droits de leurs clients ! du jamais vu ! elles qui avaient traficote a souhait avec leurs gros clients lorsqu'elles avaient ferme leurs portes aux libanais 2 semaines durant en oct 2019.
Gaby SIOUFI
10 h 45, le 04 mars 2022