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Économie - Invasion de l’Ukraine

Le Liban ne sera pas épargné par le chaos sur le marché mondial du pétrole

Importateur de carburant, le pays risque de subir plusieurs réactions en chaîne.

Le Liban ne sera pas épargné par le chaos sur le marché mondial du pétrole

En raison de l’absence de transports publics fiables, de nombreux Libanais dépendent de leur voiture personnelle pour se déplacer, le coût de l’essence constituant alors une charge importante. Frederic J. Brown/AFP

L’invasion russe de l’Ukraine commencée hier a fait exploser les prix mondiaux du pétrole, qui ont dépassé les 100 dollars le baril et ont ainsi atteint leur niveau le plus élevé depuis sept ans. Or le Liban importe ses besoins en carburant de l’étranger et a levé depuis la fin de l’été 2021 une grande partie des subventions sur l’énergie, laissant les consommateurs libanais à la merci des prix mondiaux du brut.

En milieu d’après-midi, le prix du baril de Brent en mer du Nord, la référence de l’or noir en Europe, s’envolait de 7,84 % à 104,43 dollars et le baril de West Texas Intermediate grimpait de 7,31 % à 98,81 dollars. Quant au prix du gaz naturel, il s’est envolé de 40 %, la plus importante hausse en une journée depuis 2019. Dans ce contexte d’invasion, le sort des prix mondiaux du pétrole reste incertain.

Contacté, le porte-parole du syndicat des propriétaires de stations-service Georges Brax a affirmé « qu’il est certain que nous allons assister à une hausse des prix du carburant », ajoutant que le prix du bidon de 20 litres d’essence dépassera les « 400 000 livres ». Toutefois, il précise également que ce changement aura lieu dans « une, deux, voire trois semaines ». En effet, le ministère de l’Énergie et de l’Eau utilise l’indice de la société S&P Global Platt, qui mesure la moyenne des cours du pétrole sur 4 semaines. Ainsi, à un taux de change dollar/livre constant (un dollar s’échangeant à près de 20 000 livres depuis la mi-janvier), les prix devraient augmenter pendant « au moins un mois ». Toutefois, une source proche du dossier relativise ces déclarations, indiquant que le ministère pourrait céder aux pressions des importateurs, argumentant que les prix mondiaux sont bien plus élevés que les prix en vigueur au Liban.

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L’augmentation des factures d’essence et de diesel, conséquence la plus immédiatement visible de la flambée des prix du pétrole, n’est qu’un début. Les ramifications des bouleversements sur les marchés pétroliers lointains sont sur le point de se répercuter sur un Liban affaibli, en crise depuis plus de deux ans, avec des infrastructures en ruine et une population dont plus de 74 % vit sous le seuil de pauvreté et qui tente de joindre les deux bouts. La monnaie nationale a elle perdu plus de 90 % de sa valeur et le taux d’inflation a atteint 239,68 % à fin janvier en glissement annuel.

« L’augmentation des prix du carburant dans le monde entier se traduira certainement par une hausse des frais des transports et des coûts de l’énergie, les deux principaux intrants des coûts industriels, a déclaré Mounir Bissat, membre du conseil d’administration de l’Association des industriels. Nous nous attendons bientôt à un effet sur la plupart de nos achats de matières premières et de matériaux d’emballage, qui se répercutera également sur le prix du produit fini. »

Le pic de 2008

Dépourvu de ses propres ressources pétrolières, du moins jusqu’à présent, le Liban dépend des importations de carburant, ce qui met le pays à rude épreuve lorsque les prix mondiaux du pétrole flambent. Quand les prix du pétrole ont atteint des sommets historiques au premier semestre 2008, l’État libanais a été confronté à une facture énergétique faramineuse, selon un rapport de la Lebanese Oil and Gas Initiative (LOGI, un groupe de pression spécialisé dans les enjeux de gouvernance dans le secteur des hydrocarbures). « Si les prix étaient restés ainsi pendant six mois ou un an, nous aurions souffert des mêmes conditions que celles que nous connaissons actuellement », a déclaré l’ancien ministre de l’Énergie de l’époque, Alain Tabourian, à la LOGI, dans un rapport publié en juin 2021.Dans un contexte de bouleversements géopolitiques, les craintes se sont accrues concernant le prix du Brent qui pourrait atteindre 150 dollars le baril, soit plus que le pic historique de 143 dollars atteint en juillet 2008. Alors que les prix du pétrole de 2008 pourraient se refléter en 2022, la facture énergétique publique du Liban a radicalement changé depuis. À court d’argent, l’État libanais a considérablement réduit en 2020 et 2021 les avances du Trésor à Électricité du Liban, qui contribue à 46 % de la dette publique du pays depuis 1992. L’établissement public a dû augmenter les heures de rationnement, poussant habitants et entreprises à se tourner vers les générateurs privés, qui ont besoin de diesel importé pour fonctionner, les responsables politiques faisant alors supporter les coûts à la population.

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Jusqu’au 17 novembre 2021, le Liban a alloué 525 millions de dollars pour la consommation de carburant d’EDL. L’Orient Today estime que davantage a été dépensé l’année dernière en importations de diesel, en grande partie subventionné, pour les générateurs. Le projet de budget 2022 n’a pas inclus d’avances du Trésor pour les dépenses supplémentaires d’EDL cette année, renvoyant la question à une commission ministérielle formée notamment par le ministre de l’Énergie Walid Fayad. EDL dépend quant à elle du carburant fourni dans le cadre d’un accord d’échange opaque avec l’Irak, alors que les importations de gaz égyptien et d’électricité jordanienne, soutenues par les États-Unis depuis l’été 2021, n’ont toujours pas obtenu le financement de la part de la Banque mondiale.

Réactions en chaîne

Le coût élevé du diesel pour faire fonctionner les générateurs représente un fardeau important pour la population. Selon un sondage publié en début de mois par Konrad-Adenauer-Stiftung (KAS), 46,2 % des personnes interrogées ont déclaré avoir été contraintes de réduire la capacité de leur abonnement et 21,5 % l’ont même complètement suspendu. De leur côté, les infrastructures d’eau et de télécommunications du Liban ont été financièrement dévastées par le coût du carburant. Ainsi, le réseau de distribution d’eau subit plusieurs interruptions, l’Office des eaux de Beyrouth et du Mont-Liban consommant jusqu’à 800 000 litres de diesel par mois. D’un autre côté, le mois dernier, le ministre des Télécommunications Johnny Corm a déclaré à l’agence Reuters que le coût du carburant pour le secteur des télécommunications libanais devrait passer de 7 % à deux tiers de ses dépenses budgétaires.

En raison de l’absence de transports publics fiables, de nombreux Libanais dépendent de leur voiture personnelle pour se déplacer, le coût de l’essence constituant alors une charge importante. Depuis la levée des subventions à la fin de l’été 2021, de nombreux travailleurs, y compris les enseignants, ont déclaré que le prix de l’essence rendait leurs trajets domicile-travail inabordables. En conséquence, le sondage de KAS a révélé que 75 % des résidents ont réduit leur mobilité.

Le sort des prix mondiaux du pétrole reste incertain, en raison de la succession rapide des événements depuis l’invasion russe de l’Ukraine, ainsi que ses répercussions au Liban. Les États-Unis, du moins pour l’instant, semblent chercher à calmer les marchés boursiers, y compris les prix du brut, à la suite d’une série de sanctions américaines contre la Russie. Un responsable anonyme du département d’État a déclaré à Reuters, un jour avant la campagne militaire à grande échelle de la Russie, que Washington ne ciblerait pas les flux de pétrole et de gaz russes avec des sanctions. Le plus grand pays du monde produit 10 millions de barils de pétrole par jour, soit environ 10 % de la demande mondiale. Près d’un tiers des besoins en pétrole et 40 % des besoins en gaz de l’Europe sont couverts par la Russie. « Rien de ce qui se passe sur le terrain en Ukraine maintenant, ni dans les jours à venir, ne devrait affecter le flux de pétrole vers les marchés mondiaux », a déclaré à Reuters ce responsable américain anonyme.

Le blé à un niveau inédit

Les prix des céréales flambaient hier à la mi-journée sur le marché européen, avec un pic totalement inédit pour le blé à 344 euros (382 dollars) la tonne, quelques heures après le début de l’invasion russe de l’Ukraine. Les cours du blé et du maïs, dont l’Ukraine est respectivement le cinquième et le quatrième exportateur mondial, se sont envolés dès l’ouverture. Le précédent record pour le blé remonte au 24 novembre 2021, qui avait atteint 313,5 euros la tonne en séance sur l’échéance de décembre (et au 23 novembre pour le cours à la clôture à 311,5 euros), a indiqué à l’AFP Edward de Saint-Denis, de la société de courtage Plantureux et Associés. Le cours du blé a ensuite dégonflé, tout en se maintenant à un niveau très élevé, autour de 320 euros la tonne sur l’échéance de mars.

Sans atteindre ces niveaux inédits, le maïs a aussi vu son cours flamber, grimpant jusqu’à 304 euros la tonne (280 euros à l’ouverture). Sur le marché européen, le précédent record pour le maïs remonte au 4 août dernier : le cours avait atteint les 320 euros en clôture, a rappelé l’analyste. Les conséquences de l’attaque lancée dans la nuit par la Russie sont encore difficiles à prévoir pour les marchés agricoles. Après l’invasion russe de la Crimée en 2014, « les prix avaient augmenté de 15 à 20 % sur les marchés, avant de dégonfler au bout de 4 à 5 mois, alors que les combats s’étaient essentiellement cantonnés au Donbass, qui n’est pas une grosse région agricole, et la crise était restée centrée sur la Crimée. Ce que l’on voit aujourd’hui est d’une tout autre ampleur », a affirmé Sébastien Poncelet, du cabinet Agritel.

Les cours des céréales sont très élevés depuis l’été 2021 et la reprise économique post-Covid : le blé, en particulier, n’est jamais redescendu sous les 250 euros la tonne à brève échéance depuis le fin septembre sur le marché européen.

Le Liban, quant à lui, importe plus de 60 % de ses besoins en blé de la région de la mer Noire (Ukraine, Russie, Kazakhstan et Roumanie).

L’invasion russe de l’Ukraine commencée hier a fait exploser les prix mondiaux du pétrole, qui ont dépassé les 100 dollars le baril et ont ainsi atteint leur niveau le plus élevé depuis sept ans. Or le Liban importe ses besoins en carburant de l’étranger et a levé depuis la fin de l’été 2021 une grande partie des subventions sur l’énergie, laissant les consommateurs libanais...

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Mr Planche Bernard

13 h 12, le 25 février 2022

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    Mr Planche Bernard

    13 h 12, le 25 février 2022

  • Monde 100$ le baril = 0,63$ le litre. Admettons 30% pour les frais de raffinerie, transports et distribution, soit un prix à la pompe avant les taxes de 0,82$ le litre. Par exemple, la France consomme 10 000 000 000 de litres par an au prix moyen actuel de plus de 1,75€ ou 2$. Soit un gain fiscal de 1,18$ par litre ou 11 800 000 000$ ou 12 milliard de $ par an. Liban 15$ (300 000 LL) le gallon (20litres) = 1,33$ le litre. Soit une marge fiscale de seulement 0,70$ par litre. Le litre est une unité très petite que la France veut imposée à ses partenaires et futurs ''amis'' ; Le prix du litre parait plus acceptable que le prix du gallon. A vos calculettes et future constitution !!!

    Mr Planche Bernard

    13 h 08, le 25 février 2022

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