![À Beyrouth, Hochstein remet les pendules à l’heure À Beyrouth, Hochstein remet les pendules à l’heure](https://s.lorientlejour.com/storage/attachments/1291/244896_512672.jpg/r/800/244896_512672.jpg)
Le médiateur américain Amos Hochstein, lors de sa visite chez le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun. Photo Direction de l’orientation de l’armée
La courte visite libanaise du négociateur américain Amos Hochstein a permis à Washington de remettre les pendules à l’heure concernant le dossier de la frontière maritime libano-israélienne. La zone disputée entre le Liban et son voisin israélien porte sur les 860 km2 situés entre la ligne 1 officiellement revendiquée par Israël et la ligne 23 revendiquée par le Liban auprès des Nations unies en 2011. C’est cette zone et uniquement cette zone qui doit être l’objet des négociations, si l’on en croit les propos du conseiller principal américain à la sécurité énergétique mondiale. D’où la nécessité à ses yeux, tant pour le Liban que pour Israël, de « faire des concessions », « de s’éloigner des distractions et des pressions extérieures », de prendre conscience qu’ils « ne peuvent obtenir la totalité de leurs revendications » sur le tracé de leur frontière maritime commune, préalable à l’exploitation d’hydrocarbures offshore. « Tout le monde sait, Israéliens et Libanais, que le différend qui dure depuis une décennie concerne la ligne 1 et la ligne 23, et qu’il faut aboutir à une solution qui assure la sécurité stratégique et nationale », a affirmé M. Hochstein à la chaîne LBCI, mercredi. « Je pense que c’est ce à quoi nous avons abouti actuellement », a-t-il ajouté. Dix ans après le début des négociations, et alors que les pourparlers sont interrompus à Naqoura pour cause de surenchère libanaise depuis mai 2021, « l’optimisme » américain s’affiche. Optimisme, car un accord semble aujourd’hui à portée de main, estime l’émissaire US. Et qu’il y a une « véritable opportunité » pour les deux parties « de combler les lacunes pour aboutir à un accord ». D’où la nécessité pour un Liban en crise économique aiguë de « ne pas rater le coche », d’envisager « ce qu’il a à gagner ». Pourtant, rien n’a filtré sur la nature de cette opportunité, pas plus que les solutions proposées pour combler ces « lacunes ». Car les pourparlers sont confidentiels.
Une chose est sûre, Amos Hochstein est soucieux d’écarter tout ce qui risque d’entraver le processus. D’autant qu’en 2016 déjà, les deux parties ont échoué à un cheveu de l’accord. Il a d’ailleurs balayé du revers de la main certaines solutions relayées par la presse qui lui auraient été attribuées, comme un possible troc entre le champ Karish (qui serait accordé à Israël) et le champ présumé Qana (qui serait accordé au Liban), ou même l’exploitation des hydrocarbures du Liban et d’Israël par un intermédiaire qui répartirait les gains entre les deux pays. Seul reste sur le tapis le tracé de la frontière maritime, que réclament les compagnies d’exploration d’hydrocarbures avant toute intervention, car il y va de leur sécurité.
Aucune mention de la ligne 29
Pour aboutir, le processus doit encore être validé par la partie libanaise qui, rappelons-le, s’est présentée aux négociations en rangs dispersés. En effet, la reprise des pourparlers sur base de l’accord-cadre conduit par le président du Parlement Nabih Berry s’était déroulée sans accroc en octobre 2020, sur base du décret 6433/2011 revendiquant une zone de 860 km2 délimitée au sud par la ligne 23. Mais au terme de quelques rounds, les négociateurs libanais formés d’experts militaires et civils ont présenté une revendication maximaliste de 1 430 km2 supplémentaires limitée par la ligne 29. Depuis, ils pressent les autorités d’amender le décret 6433 auprès des Nations unies, condition sine qua non pour officialiser cette requête. Ce qui n’a jamais été fait.Fin janvier 2022, en réponse à des protestations israéliennes auprès de l’ONU, les autorités libanaises ont adressé un message au secrétaire général ainsi qu’à la présidence du Conseil de sécurité, dans une volonté de « préserver les droits » du Liban. Aucune mention de la ligne 29 dans la lettre, mais l’allusion aux revendications maximalistes est claire, même si les autorités n’ont jamais amendé le décret 6433. « Je suis confiant du fait qu’il y aura une position libanaise unifiée de même qu’israélienne afin que nous puissions aller de l’avant », a souligné M. Hochstein avant de quitter Beyrouth. Il clôturait alors une visite au cours de laquelle il s’est entretenu notamment avec le chef de l’État Michel Aoun, le président du Parlement Nabih Berry, le Premier ministre Nagib Mikati, le ministre des Affaires étrangères Abdallah Bou Habib, le ministre de l’Énergie Walid Fayad, le commandant en chef de l’armée Joseph Aoun et le directeur général de la Sûreté générale Abbas Ibrahim.
Côté libanais, l’optimisme n’est pas partagé. « Amos Hochstein nous a ramenés au point de départ, à la ligne Hof (du nom du médiateur américain Frederic Hof entre 2010 et 2012, qui attribuait 55 % de la zone contestée des 860 km2 au Liban et 45 % à Israël) », gronde un expert proche du dossier, sous couvert d’anonymat. « En limitant la zone disputée entre les lignes 1 et 23, le médiateur a mis le champ Karish hors du conflit. Il a aussi retiré au Liban une carte lui permettant de revendiquer le champ Qana », se désole-t-il. Dans ce cadre, il se demande « sur quoi se base l’optimisme américain ». Mais au final, « la décision sera politique ».
Feu vert du Hezbollah
Il reste à savoir si les autorités réussiront à adopter une position unifiée, là où elles ont toujours affiché leurs divergences. Officiellement, le Hezbollah laisse l’État libanais gérer le dossier. « La délimitation des frontières est du ressort du gouvernement », affirme ainsi Afif Naboulsi, porte-parole du parti chiite. Mais la formation pro-iranienne semble vouloir utiliser ce dossier comme une carte, dans le cadre de négociations qui dépassent le Liban. Dans une interview à la chaîne iranienne al-Alam, le secrétaire général Hassan Nasrallah a rappelé que le parti était contre « toute suspicion de normalisation, de coopération ou de coordination avec l’ennemi dans le cadre de la délimitation des frontières ». Il paraît peu probable que le dossier aboutisse sans un feu vert du Hezbollah. Celui-ci pourrait dépendre notamment de l’évolution des négociations sur le nucléaire iranien qui se déroulent actuellement à Vienne et qui semblent sur la bonne voie. Pour bloquer le dossier de la délimitation de la frontière, le Hezbollah pourrait s’appuyer sur son allié Nabih Berry qui, affirme le député du mouvement Amal Kassem Hachem, est attaché « à chaque centimètre que revendiquerait l’État dans le cadre des lois et conventions internationales ».
"Il paraît peu probable que le dossier aboutisse sans un feu vert du Hezbollah." Et Nasrallah qui dit, qu'il ne s'ingère pas dans le Dossier ! Bozo le Clown, il est ! Comme dirait Yoda!
17 h 41, le 11 février 2022