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Économie - Liban

Le projet de budget 2022 adopté en Conseil des ministres

Le texte, qui sera voté en dehors des délais constitutionnels, doit encore être approuvé par le Parlement. 

Le projet de budget 2022 adopté en Conseil des ministres

Le Conseil des ministres réuni au palais présidentiel de Baabda sous la houlette du chef de l'Etat libanais, Michel Aoun, le 10 février 2022. Photo Dalati et Nohra

Malgré quelques points pouvant encore être modifiés par le ministère des Finances, le projet de budget 2022 a été approuvé jeudi par le Conseil des ministres, réuni au palais présidentiel de Baabda. Ce texte ne sera toutefois effectif qu’une fois étudié et adopté par les commissions parlementaires avant d’être validé par le Parlement, dont le président Nabih Berry a confirmé jeudi deux réunions les 21 et 22 février pour discuter de plusieurs lois, dont celle de finances.

Adopté en dehors des délais constitutionnels, comme les trois précédents (au minimum), l’avant-projet de budget, préparé par le ministre des Finances Youssef Khalil, prévoyait des dépenses atteignant 49 416 milliards de livres libanaises et des recettes de 39 154 milliards de livres. Quant au déficit, toujours selon ce ministre, il était de 10 262 milliards de livres, soit 20,77 % des dépenses. Ces montants semblent toutefois avoir été modifiés au cours de la réunion. Dans son allocution télévisée à l’issue de la réunion, le Premier ministre Nagib Mikati a expliqué en effet que le déficit était de « 17 % » des dépenses et que, selon lui, le budget serait « presque à l’équilibre » avec un déficit de « 7 000 milliards de livres », représentant les réserves budgétaires.

Qualifiant cette loi de finances d’« étape transitoire », il a également déclaré que le gouvernement travaille actuellement sur le plan de redressement économique du pays, mais que celui-ci « n’est pas simple et prend du temps ». Un plan qui est également discuté avec le Fonds monétaire international (FMI), à qui Beyrouth a adressé en mai 2020 une demande d’assistance financière. La validation de ce budget revêt en effet un intérêt crucial pour le Liban, pressé de lancer des réformes devant amorcer un redressement du pays et convaincre le FMI de financer ses efforts via un programme dédié.

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Depuis deux semaines, des équipes de négociateurs libanais et du FMI discutent d’ailleurs à cette fin, sans que rien ne fuite jusqu’à présent dans la presse quant au contenu de ces négociations. Toutefois, le porte-parole de l’organisation, Gerry Rice, a fait état jeudi de « progrès », mais aussi de la nécessité de poursuivre « un travail approfondi ». La semaine dernière, l’institution financière a néanmoins demandé au Liban de revoir son plan de redressement, qui faisait endosser la plus grande partie des pertes aux déposants, au bénéfice d’autres acteurs économiques, comme la Banque du Liban et le secteur bancaire. Un état de fait que Nagib Mikati a démenti jeudi, qualifiant ce qui était dernièrement paru dans la presse et dans nos colonnes de « faux » et précisant que le cabinet discute de plusieurs scénarios avec le Fonds pour une sortie de crise qu’il a estimée à « d’ici à 2 ou 3 ans ». À ce propos, en début de séance, le chef de l’État Michel Aoun a appelé à une « restructuration des banques, une recapitalisation et une restructuration de la BDL, la mise en place de réformes structurelles et la lutte contre la corruption, à commencer par l’audit juricomptable » de la banque centrale.

« Dollar douanier » et aides sociales

Les réunions consacrées au budget se sont donc enchaînées ces deux dernières semaines, les ministres s’accordant rapidement sur de nombreux articles, tout en discutant plus en profondeur sur d’autres, notamment le « dollar douanier », c’est-à-dire le taux de change utilisé pour calculer les droits de douane, pour lequel les responsables ont finalement décidé d’adopter le taux de la plateforme de change Sayrafa, publié quotidiennement par la BDL (20 600 livres pour un dollar jeudi). Au cours d’un entretien la semaine dernière sur une chaîne locale, Youssef Khalil, lui-même ancien cadre de la BDL, avait expliqué ce choix par la nécessité d’unifier les taux au Liban, qui se trouve être l’une des demandes du FMI. Concernant ce « dollar douanier », Nagib Mikati a expliqué que le ministre des Finances sera responsable de « désigner le taux de change à appliquer pour chaque mois ».

Parmi les autres points rapidement discutés et approuvés par le cabinet, et en marge de la crise qui a poussé plus de 74 % des résidents sous le seuil de pauvreté selon l’ONU, les ministres ont décidé d’octroyer des aides aux fonctionnaires, qui ont vu leurs salaires diminuer de plus de 90 % en raison de la dépréciation de la livre. La parité de 1 507,5 livres pour un dollar est toujours officielle, alors que le dollar s’échangeait jeudi sur le marché parallèle autour de 21 000 livres. Les employés et militaires en service recevront donc un salaire supplémentaire chaque mois durant l’année 2022, qui sera compris entre 2 et 6 millions de livres.

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La question des aides octroyées aux retraités a elle aussi été réglée. Les ministres ont ainsi décidé d’accorder un mois de pension supplémentaire, à condition que ces aides ne soient pas inférieures à 1,75 million de livres et pas supérieures à 5,1 millions de livres. Ce dossier avait créé beaucoup de remous lors des débats précédents. L’avant-projet de budget prévoyait en effet dans son article 135 que les retraités recevraient un paiement mensuel supplémentaire équivalent à 50 % de leur pension. Puis, il y a deux semaines, le ministre des Finances avait précisé que cette proportion pourrait monter à 75 %. Enfin, la semaine dernière, le ministre de l’Information p.i. et de l’Éducation Abbas Halabi avait précisé que ce seuil était d’un million de livres.

Enfin, Nagib Mikati a également annoncé l’allocation de 400 milliards de livres pour diverses aides sociales, notamment pour les personnes âgées et les victimes de l’explosion au port de Beyrouth du 4 août 2020.

Assiette fiscale et électricité

Lors de son entretien télévisé de la semaine dernière, Youssef Khalil avait indiqué la nécessité de modifier le taux de change aux douanes afin d’augmenter les taxes perçues par l’État (l’assiette fiscale) et donc de pouvoir financer les aides sociales susmentionnées. Cependant, Nagib Mikati s’est défendu jeudi de toute augmentation des prix des produits, expliquant que « si elle avait lieu, elle ne serait que de l’ordre de 3 à 5 % ». Cet argument avait déjà été présenté par le ministre des Finances, déclarant que les commerçants avaient d’ores et déjà répercuté cette hausse sur le prix des biens. La primature a de plus précisé que ce budget incluait « des exemptions fiscales », citant par exemple la baisse des taxes foncières de « 5 à 3 % », celle de l’imposition des gains de capital provenant des intérêts bancaires et, surtout, celle sur l’annulation des droits douaniers pour les médicaments et « toutes » les denrées alimentaires. La semaine dernière, Abbas Halabi avait précisé que « les équipements médicaux » étaient eux aussi exemptés de ces droits.

Cependant, plusieurs articles du projet de loi ont suscité certains litiges entre les ministres. Parmi eux, une révision à la hausse des tarifs des télécoms pour répercuter la dépréciation de la monnaie nationale, ainsi qu’une avance du Trésor à Électricité du Liban. Dans son préambule distribué à la presse mercredi dernier, le ministre des Finances avait précisé que cette avance pourrait être majorée d’un montant supplémentaire, non communiqué, pour faire face à la dépréciation de la livre. Cette avance était prévue à 5 250 milliards de livres pour que l’établissement public puisse acheter du carburant afin de faire fonctionner ses centrales, les tarifs étant fixés depuis les années 1990, lorsque le prix du baril était de 20 dollars, contre plus de 60 dollars actuellement.

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Jeudi, Nagib Mikati a précisé que ce dossier fera l’objet d’une séance séparée, comme convenu avec Michel Aoun au début de la réunion. À ce propos, le Premier ministre a souligné que « l’État ne pouvait plus fournir gratuitement l’eau, l’électricité et les télécoms », désignant par là une partie partisane privilégiée de la population. Selon une source présente à Baabda à la réunion, un accord entre les différentes forces politiques aurait été conclu pour ne pas inclure cette avance du Trésor à EDL dans le budget, mais au sein d’un plan à part. Rien ne permettait toutefois de confirmer cette information au moment de passer sous presse.

La semaine dernière, le ministre de l’Énergie et de l’Eau Walid Fayad avait précisé que cette avance devrait être accordée durant la première année, mais qu’elle s’inscrira dans un plan plus global pour le secteur, en déficit depuis de nombreuses années. Une commission rassemblant les ministres des Finances, de l’Énergie, de la Justice et de l’Économie et du Commerce devra étudier ce dossier.

Dans son communiqué publié avant la réunion, Michel Aoun avait souhaité que « l’État ne paie pas les intérêts de la dette (publique) libellée en livres à hauteur de 6 400 milliards de livres ». Selon lui, deux tiers de ce service de la dette est destiné à la BDL et le tiers restant aux banques. Le chef de l’État voudrait ainsi que les deux tiers de ce montant soient alloués au secteur de l’électricité à la place de cette avance du Trésor, et que le tiers restant serve à augmenter les salaires des fonctionnaires. Ayant fait défaut sur sa dette en devise en mars 2020, le Liban ne paie plus le service de la dette en devise et n’a pas inclus ces montants dans le budget 2022. 

Malgré quelques points pouvant encore être modifiés par le ministère des Finances, le projet de budget 2022 a été approuvé jeudi par le Conseil des ministres, réuni au palais présidentiel de Baabda. Ce texte ne sera toutefois effectif qu’une fois étudié et adopté par les commissions parlementaires avant d’être validé par le Parlement, dont le président Nabih Berry a confirmé...

commentaires (6)

Les générations futures, ceux qui n'émigreront pas entre-temps, vous maudiront pour des siècles...

Wlek Sanferlou

20 h 21, le 11 février 2022

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Commentaires (6)

  • Les générations futures, ceux qui n'émigreront pas entre-temps, vous maudiront pour des siècles...

    Wlek Sanferlou

    20 h 21, le 11 février 2022

  • Quel culot...

    Gemayel GABRIEL

    14 h 02, le 11 février 2022

  • Ils pensent avoir ainsi accompli leur devoir. Tout ce qu’ils ont fait c’est refiler le bébé au parlement, qui a son tour et après en avoir fait tout un cinéma bien sûr, le refilera au FMI, qui les enverra revoir leur copie, et le cycle recommencera… et en attendant, les bandits (pardon, banques) nous pillent.

    Gros Gnon

    10 h 18, le 11 février 2022

  • "...que l'Etat ne pouvait plus fournir gratuitement l'eau, l'électricité et les télécoms..." Très cher Monsieur Mikati, décidément ce n'est pas la honte qui vous étouffe de pouvoir déclarer de telles paroles insultantes envers nous, le peuple ! Vous tous, les dirigeants, qui nous avez volés, détroussés de nos biens, affamés et même envoyés à la mort pour certains !!! De quelle eau, électricité et télécoms (les plus chers de la région !) parlez-vous ??? - Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 08, le 11 février 2022

  • Qu'est-ce qu'il dit?

    Marwan Takchi

    20 h 17, le 10 février 2022

  • on a rien compris.

    PPZZ58

    19 h 28, le 10 février 2022

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