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Économie - Réformes

L’examen du budget avance, les questions restent nombreuses

L’examen du budget avance, les questions restent nombreuses

S’agissant du taux de change dollar/livre à prendre en compte, le rapport du ministère des Finances semble, même s’il ne l’affirme pas directement, avoir tablé sur 20 000 livres pour un dollar (contre 23 000 à 24 000 livres actuellement) Photo Dalati & Nohra.

Après une paralysie de trois mois, le gouvernement s’est bien mis en ordre de marche, avec trois réunions consécutives en autant de jours, dont deux consacrées à l’examen de l’avant-projet de budget de l’État pour 2022.

Préparé par le ministre des Finances Youssef Khalil, le texte sert de base à l’élaboration d’une loi de finance pour cet exercice, laquelle sera votée en dehors des délais constitutionnels, quoi qu’il arrive. Les ministres présents ont poursuivi leur examen du texte de plus de 1 200 pages et au moins 139 dispositions, qui doit marquer le point de départ de plusieurs réformes devant amorcer un redressement du pays en crise depuis plus de deux ans. Si peu d’informations ont filtré sur le contenu des réunions, un rapport introductif distribué par le ministère des Finances en début de journée a dévoilé plusieurs éléments de réponses concernant les grandes orientations qui ne figuraient pas dans la copie du document circulant depuis près d’une semaine.

Croissance à 3 % en 2022...

Tout d’abord, le ministère s’est basé sur une prévision de 3 % de croissance réelle (en déduisant l’effet de l’inflation) pour 2022. Un niveau qui peut surprendre dans la mesure où ni la Banque mondiale ni le Fonds monétaire international (FMI) – avec qui le Liban va négocier le déblocage d’une assistance financière – ne sont parvenus à livrer d’estimations fiables. En octobre dernier, le FMI avait justifié sa réserve en invoquant la difficulté « d’anticiper une amélioration ou une dégradation de la situation » compte tenu de l’instabilité du pays.

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Autre mystère : le ministère estime que le PIB libanais s’est contracté de 2 % en 2021, un niveau aux antipodes du recul de 10,5 % estimé par la Banque mondiale pour ce même exercice. Toujours est-il qu’en se basant sur ses chiffres, le ministère s’attend à ce que le ratio déficit public/PIB soit à 2,33 % contre 1,11 % en 2021.

Dans le même rapport, le ministère a utilisé le taux de 10 083 livres pour un dollar pour calculer le PIB en 2021 (224 964 milliards de livres ou 22,31 milliards de dollars) et celui de 3 945 livres pour le PIB de 2020 (104 343 milliards de livres et 26,45 milliards de dollars).

Taux de change à 20 000

S’agissant du taux de change dollar/livre à prendre en compte pour les calculs de 2022, le rapport du ministère semble, même s’il ne l’affirme pas directement, avoir tablé sur 20 000 livres pour un dollar (contre 23 000 à 24 000 livres actuellement, et un taux officiel de 1 507,5 livres toujours en vigueur). C’est en tout cas ce taux qui a été utilisé pour calculer les montants, convertis en livres, que le pays doit débourser pour rembourser les intérêts sur ses eurobonds (titres de dette en devises) en 2022.

C’est aussi ce même taux qui a été utilisé – sans que cela ne soit explicité – lors du calcul du PIB en livres (440 225 milliards) et en dollars (22,01 milliards). Il reste que le ministère ne dévoile pas les calculs qui lui ont permis de se baser sur ce taux plutôt qu’un autre et assure simplement dans un des passages du rapport, qu’il cherche à se baser sur un taux « réaliste » pour notamment ajuster les modalités d’impositions à la dépréciation de la livre. Lundi, Youssef Khalil avait souligné qu’« il n’y avait pas d’accord jusqu’à présent concernant la modification du taux officiel de la livre ».

Dégraisser la fonction publique

Le rapport du ministère consacre un passage à la réduction du nombre de fonctionnaires dans la fonction publique (environ 300 000 en comptant l’armée et les forces de sécurité). Une mention qui est loin d’être anodine dans la mesure où il s’agit de l’une des principales réformes réclamées au Liban, notamment par le FMI, et sans doute l’une des plus difficiles à mettre en œuvre compte tenu de la précarisation de la population (trois quart des Libanais au moins vivent sous le seuil de pauvreté selon l’Escwa en 2021).

S’ajoute également le fait que nombre de postes de fonctionnaires ont été créés ou pourvus pour entretenir le clientélisme politique qui prospère depuis des décennies au sein de la vie institutionnelle libanaise. S’il ne propose pas d’approche pour aborder la question, le ministère reconnaît néanmoins que « quelques fonctionnaires » – sans les identifier – sont rémunérés sans pour autant « remplir les missions qui leur sont confiées ».

Les autres points

Parmi les autres points soulevés dans son rapport, le ministère suggère que l’avance de 5 250 milliards de livres du Trésor à Électricité du Liban (sans laquelle le fournisseur public ne pourrait pas importer de carburant) sera majorée d’un montant supplémentaire de « réserve » (dont il n’a pas fixé le montant) pour faire face aux fluctuations du taux de change. S’agissant enfin des moyens d’ajuster les recettes publiques dans leur ensemble, le ministère confirme qu’il souhaite mettre en place un « dollar douanier », soit un taux de change spécifique qui servira à calculer les frais de douanes. Le même procédé pourra être appliqué, de manière « graduelle », pour les prix des timbres fiscaux, des frais d’enregistrement au cadastre et autres frais administratifs, pour un effet « partiel sur les revenus du Trésor en 2022 ».

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Aucun de ces points n’a été publiquement abordé par les ministres à l’issue de la réunion d’hier. En revanche, selon le ministre de l’Information p.i. et de l’Éducation, Abbas Halabi, Youssef Khalil « a demandé au cabinet de retirer l’article 109 », une disposition critiquée ces derniers jours, parce qu’elle accorde au ministre des Finances, ainsi qu’à ceux qui dirigent les « ministères concernés » le cas échéant, des pouvoirs exceptionnels pour modifier les taux et les tranches d’imposition sur une période de deux ans. Notre correspondante à Baabda, Hoda Chedid, a confirmé que cet article avait bien été supprimé. Il reste que cette faculté est également intégrée dans d’autres articles de l’avant-projet que L’Orient-Le Jour a consulté (comme l’article 28 concernant l’impôt sur le revenu). Nous n’avons pu confirmer hier si toutes les dispositions concernées avaient été expurgées.

L’examen de l’avant-projet de budget doit se poursuivre aujourd’hui, tandis que le ministre Abbas Halabi a enfin souligné que samedi, les débats autour des budgets de chaque ministère pourraient commencer. Il n’y aura en revanche pas de réunion du Conseil vendredi.

Le cycle de discussions officielles entamé lundi entre l’équipe de négociateurs désignés par le Liban et le FMI se poursuit en parallèle, bien que la communication des autorités sur ce sujet soit presque inexistante. Si Abbas Halabi a assuré que l’organisation n’avait pas prise sur le contenu du budget, le gouvernement semble déterminé à donner un signal positif à la communauté internationale, qui exige des réformes pour venir en aide au Liban.

Après une paralysie de trois mois, le gouvernement s’est bien mis en ordre de marche, avec trois réunions consécutives en autant de jours, dont deux consacrées à l’examen de l’avant-projet de budget de l’État pour 2022. Préparé par le ministre des Finances Youssef Khalil, le texte sert de base à l’élaboration d’une loi de finance pour cet exercice, laquelle sera votée en...

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