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Économie - Liban

Ce qu'il faut retenir de l'avant-projet de budget pour 2022 distribué aux ministres

Les directeurs des institutions publiques dénoncent un avant-projet basé sur des estimations dépassées. 

Ce qu'il faut retenir de l'avant-projet de budget pour 2022 distribué aux ministres

Le siège du ministère des Finances libanais. Photo d'archives M.A.

Préparé dans la plus grande discrétion par le ministère des Finances, l’avant-projet de budget pour 2022 sur lequel le Conseil des ministres doit se pencher dès lundi a été distribué jeudi aux membres du gouvernement, selon plusieurs sources concordantes, dont le service de presse du ministère concerné. L’Orient-Le Jour a consulté une copie du document de près de 1 300 pages, qui est très anticipé dans la mesure où il doit poser les bases des premières salves de réformes que le pays, en crise, a besoin de mettre en œuvre, notamment pour convaincre ses partenaires internationaux et le Fonds monétaire international (FMI) de l’aider à financer son redressement.

Les principaux chiffres

Selon le document consulté, les dépenses totales prévues atteignent 49 416 milliards de livres libanaises et les recettes 39 154 milliards de livres. Le déficit est de 10 262 milliards de livres, soit 20,77 % des dépenses, sans inclure les 5 250 milliards de livres allouées aux avances du Trésor à Électricité du Liban – dont les tarifs sont figés depuis le début des années 1990 – et qui sont comptabilisées à part. En intégrant ce montant, le déficit totalise 15 512 milliards de livres, soit 31,4 % des dépenses. Selon l’avant-projet, le déficit sera financé par des « bons du Trésor en livres à court, moyen et long terme », selon une répartition décidée par le ministère des Finances, sans plus de détail.

En valeur absolue, ces chiffres sont 2,5 à 3,5 fois plus élevés que ceux figurant dans l’avant-projet de 2021 préparé en janvier 2021 par le ministre de l’époque, Ghazi Wazni, et qui n’a jamais été débattu en Conseil des ministres. Le document tablait sur plus de 18 000 milliards de livres de dépenses et 13 500 milliards de livres de recettes, ainsi que des avances à EDL de 1 500 milliards. Cette hausse doit être relativisée par le fait que les équivalents des montants en dollars de l’avant-projet pour 2022 sont presque identiques à ceux de 2021 si on tient compte de l’évolution de la livre. En considérant un taux oscillant autour de 8 500 livres pour un dollar en janvier 2021, les dépenses totalisaient ainsi l’équivalent de plus d’environ 2,12 milliards de dollars, contre 1,6 milliard pour les recettes.

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En tenant compte du taux actuel de 23 000 livres pour un dollar (affiché en cours de journée), les chiffres du budget de 2022 sont quasiment les mêmes pour les dépenses (2,15 milliards de dollars) et les recettes (1,7 milliard). Seules les avances du Trésor à EDL ont sensiblement augmenté (228 millions de dollars en 2022 au taux de 23 000 livres, contre 176 millions en 2021 au taux de 8 500 livres. À noter que le gouvernement a débloqué une avance supplémentaire à EDL en cours d’année qui devrait en principe être intégrée au projet de 2022 (300 milliards de livres libanaises qui ont alors pu être converties en dollars au taux officiel de 1 507,5 livres, soit donc 200 millions de dollars).

Florilège de nouvelles dispositions

Parmi les autres points à noter, le texte autorise le Conseil des ministres à « octroyer des prêts subventionnés financés à partir des fonds privés de la Banque du Liban ou ceux provenant des réserves obligatoires » pour financer des investissements dans les secteurs agricole, industriel, touristique, technologique et environnemental. Les frais imposés pour émettre les passeports ont été multipliés par deux, et il n’est désormais plus possible d’en demander pour des durées inférieures à cinq ans.

Au niveau bancaire, la garantie de l’État sur les dépôts en banque pourrait être aussi relevée à 600 millions de livres, contre 75 millions selon le dernier relèvement acté en 2020. Les salaires doivent être obligatoirement domiciliés (être versés via une banque), qu’il s’agisse des rémunérations dans le public ou le privé. Une disposition qui contraint aussi les banques à rembourser les nouveaux dépôts dans la monnaie dans laquelle ils ont été versés, sans toutefois évoquer la question des « anciens dépôts ». En revanche, une garantie spécifique allant jusqu’à 50 000 dollars – ou son équivalent dans les autres monnaies étrangères – sur les montants des dépôts a en outre été instituée.

Au niveau fiscal, les tranches de revenus des sociétés prises en compte pour calculer le montant de leur impôt sur le revenu ont toutes été multipliées par trois, mais les taux n’ont pas été modifiés. Les apports en argent frais en devises seront exonérés d’impôts pendant cinq ans, entre autres dispositions.

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Si l’avant-projet de budget dresse un contour global des orientations budgétaires du gouvernement, la version sur laquelle les ministres s’entendront pourra être modifiée par rapport au texte d’origine. La journée de lundi pourrait fournir de premiers éléments de réponse, dans la mesure où c’est également ce jour-là que doit se tenir la première d’une série de réunions en visioconférence entre l’équipe de négociateurs désignés par l’exécutif et les experts du FMI. Ces réunions s’inscrivent dans le processus de préparation des négociations pouvant aboutir à la souscription du Liban à un programme d’assistance financière mis en place par l’organisation internationale, alors que le pays avait fait défaut sur sa dette en devises en mars 2020. D’ailleurs, l’avant-projet budget 2022 n’inclut pas a priori de remboursements sur ces obligations.Une fois que le Conseil des ministres aura approuvé le projet de budget, le texte sera envoyé au Parlement qui devra l’adopter après un éventuel passage via les commissions parlementaires qui pourront y apporter des modifications. Une chose est certaine, le processus est déjà hors des clous au niveau du calendrier constitutionnel qui prévoit que le budget d’une année soit voté avant la fin de l’année précédant son exécution.

Différence de traitement

Contactés, plusieurs directeurs d’institutions publiques dénoncent déjà cet avant-projet de budget présenté en indiquant que les chiffres inclus « n’ont aucun sens et ne leur permettront même pas d’assurer un minimum de leurs services ». « Les chiffres présentés nous concernant se basent sur des calculs que nous avons effectués et transmis en mars et avril derniers, soit la période à laquelle nous soumettons habituellement nos budgets pour l’exercice suivant. Or, en avril 2021, les prix en livres étaient bien moindres qu’aujourd’hui et les carburants étaient toujours subventionnés, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui », a indiqué un des directeurs contactés.

« De plus, nos dépenses d’exploitation sont calculées en livres au taux de 1 507,5 livres pour un dollar, alors que nos fournisseurs n’acceptent d’être payés qu’en dollars ou en livres au taux du marché parallèle », a ajouté un autre responsable. Selon une source officielle citée par l’agence Reuters, le taux de change appliqué aux dépenses d’exploitation des directions oscille, lui, entre « 15 000 et 20 000 livres pour un dollar ».

« Le budget qui nous est alloué nous permettra de tenir à peine 2 mois, suite à quoi nous ne pourrons même plus payer les salaires. Si l’article 135 de ce budget accorde un mois supplémentaire de salaire de base aux fonctionnaires des directions générales chaque mois (leur salaire est donc presque multiplié par deux), le budget des institutions publiques n'est pas concerné, bien qu’ils occupent le même rang. Les dépenses de générateur qui nous sont accordées pour toute l’année ne nous permettent même pas de les faire fonctionner pendant un mois », ajoute-t-elle.


Préparé dans la plus grande discrétion par le ministère des Finances, l’avant-projet de budget pour 2022 sur lequel le Conseil des ministres doit se pencher dès lundi a été distribué jeudi aux membres du gouvernement, selon plusieurs sources concordantes, dont le service de presse du ministère concerné. L’Orient-Le Jour a consulté une copie du document de près de 1 300 pages, qui...

commentaires (2)

On patauge dans l'inconnu.

Esber

01 h 11, le 22 janvier 2022

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Commentaires (2)

  • On patauge dans l'inconnu.

    Esber

    01 h 11, le 22 janvier 2022

  • Qui ment dans toute cette histoire ? Les ministres actuels ne peuvent pas être cons à ce point pour discuter d’un budget débile selon les directeurs généraux. Il y a quelque chose de non crédible dans votre article

    Lecteur excédé par la censure

    23 h 23, le 21 janvier 2022

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