
Le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah. Photo d’archives AFP
Comme il en a l’habitude, le Hezbollah va prendre le temps de digérer les messages qui lui ont été envoyés et mûrir les réponses qu’il compte livrer. Il ne faudra donc pas s’attendre de sitôt à une réaction officielle du parti chiite, subtilement ciblé par le discours prononcé lundi par le chef de l’État Michel Aoun. Ce dernier, qui a voulu effectuer un bilan des dysfonctionnements de la vie politique et du système en place, a remis en cause pour la première fois depuis le début de son mandat l’arsenal du parti pro-iranien avec lequel il avait pourtant conclu un accord d’entente en 2006. Dans son allocution, Michel Aoun a affirmé que « seul l’État » définit sa stratégie de défense et veille à sa mise en œuvre, une pique claire à l’adresse du Hezbollah qu’il a convié indirectement à la table de dialogue pour en discuter. La réponse à cette suggestion sera toutefois réservée au secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, qui donnera le ton dans un discours prévu le lundi 3 janvier, soit au lendemain de l’allocution que le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, doit prononcer. « Le Hezbollah ne sera pas d’accord pour discuter en ce moment de la question de la stratégie de défense. En elle-même, la question ne pose pas problème. Sauf que c’est le mauvais timing », confie à L’Orient-Le Jour un responsable du parti. Dans la logique défendue par ce dernier, la priorité n’est pas à l’arsenal du Hezbollah, mais au redressement de la situation économique et financière qui est de l’ordre de l’urgence pour les citoyens. « C’est le dialogue avec le Fonds monétaire international (FMI) et la question du gouverneur de la Banque centrale Riad Salamé qui doivent être réglés avant de passer à la question des armes », affirme le responsable, dans ce qui peut apparaître comme une main tendue au chef de l’État et au camp aouniste qui bataillent depuis des mois pour déboulonner le gouverneur de la BDL.
Ce n’est pas non plus, fait-on valoir de même source, le bon timing pour évoquer la stratégie de défense, du fait d’un contexte régional et international défavorable au parti chiite et à son allié iranien, « qui font l’objet de pressions israéliennes et américaines en relation avec les pourparlers de Vienne sur le nucléaire ».
Pressé par la communauté internationale, mais aussi par une base populaire chrétienne en colère contre le Hezbollah et le mouvement Amal depuis que des hauts responsables proches du tandem chiite sont pointés du doigt dans l’explosion au port du 4 août 2020, le chef de l’État, dont le mandat s’achève dans quelques mois, ne pouvait plus se permettre de garder le silence dans lequel il s’est muré des années durant. Un silence auquel il semble avoir décidé de mettre fin, surtout depuis que le tandem chiite a décrété la paralysie du dernier gouvernement du sexennat, sur fond de mécontentement de la prestation du juge d’instruction Tarek Bitar dans l’affaire de l’explosion au port. Gebran Bassil, qui a récemment fait monter les enchères en multipliant les menaces voilées à l’égard du parti pro-iranien – il était question même de divorce et d’abrogation de l’accord d’entente conclu entre les deux partenaires en 2006 –, aurait cependant décidé de baisser quelque peu le ton, ainsi que Michel Aoun dont le discours de lundi s’est avéré moins fort qu’annoncé, après avoir rencontré le chef du comité de coordination du Hezbollah, Wafic Safa. « Il n’en est rien. C’est archifaux », jure-t-on à Baabda. La rencontre a bien eu lieu, assure pourtant une source du parti chiite, et le mot d’ordre était bel et bien à l’accalmie. Selon une source proche de M. Bassil, une rencontre entre les deux hommes a bien eu lieu il y a dix jours, soit avant la décision du Conseil constitutionnel (relative au recours présenté par le CPL concernant les amendements à la loi électorale), mais elle n’était en aucun cas liée au discours du président.
La durée de vie de l’accord n’a pas expiré
Quoi qu’il en soit, dans les milieux proches du Hezbollah, on persiste et signe : personne n’a intérêt à ce que la tension augmente. La relation doit se développer loin des doutes et des surenchères via les médias. « Le parti est tout à fait disposé à absorber la teneur du discours du président, qui n’était pas agressif ni reflétait une volonté de couper les ponts », assure le responsable du parti de Hassan Nasrallah cité plus haut.
Depuis que le chef du CPL a haussé le ton face à son partenaire chiite, laissant entendre qu’il compte annoncer le divorce bientôt, ce dernier envoie, par différentes sources, autant de messages sur sa volonté de pacifier les relations. Il laisse également entendre que ce n’est pas seulement la base populaire chrétienne qui est contrariée par l’état auquel sont parvenus les rapports entre les deux formations politiques, mais que même la base du Hezbollah est dérangée et offusquée par la campagne orchestrée contre lui. « Nous avons souvent dit aux gens du CPL que si le Hezbollah a la capacité d’encaisser, ce n’est pas le cas de sa base populaire qui ne tolère plus les attaques contre le parti », confie le responsable.
Toutefois, rares sont ceux qui dans l’entourage du Hezbollah croient à une rupture du partenariat. « La durée de vie de l’accord n’a pas expiré. Les divergences se règlent en privé et non en public », estime un ancien ministre proche du parti chiite.
Conscient que l’accord autant que les relations bilatérales ne sont plus aussi solides qu’avant, le responsable du Hezbollah mise toutefois sur la branche considérée comme « modérée » au sein du CPL qui, à ce jour, ne serait toujours pas disposée à couper les ponts avec l’allié chiite.
Au sein du courant aouniste, plusieurs membres restent persuadés qu’à quelques mois des législatives, il est effectivement très risqué pour la formation chrétienne de se défaire de l’accord d’entente conclu avec le Hezbollah qui est susceptible de la soutenir dans plusieurs circonscriptions. « Même si plusieurs membres de la formation sont convaincus que le partenariat avec le parti n’a fait que nuire au CPL, des voix sages s’élèvent pour calmer le jeu, du moins jusqu’aux législatives », confie une source proche de la formation de Gebran Bassil.
commentaires (16)
J’espère qu’il va se taire celui là très bientôt !
Wow
00 h 51, le 30 décembre 2021