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Lifestyle - Photo-roman

Où est passée la magie des Noëls libanais ?

Cette période de fêtes n’a jamais été aussi triste, c’est vrai. Mais il y a encore des petites choses, des petits gestes qui continuent d’insuffler au milieu de la morosité ambiante quelque chose qui ressemble à une poignée d’espoir.

Où est passée la magie des Noëls libanais ?

Beyrouth, le 23 décembre 1987. Des soldats de l’armée libanaise plantent un sapin de Noël sur la ligne verte. Photo Nabil Ismaïl

Je la connais par cœur, cette photo signée Nabil Ismaïl. Pour l’avoir tant documentée, ce photographe est à lui seul les yeux de la guerre civile libanaise. Mais à chaque fois que je retombe sur cette image, je me demande si elle n’a pas été prise sur le plateau de tournage d’un film de série B, ou d’horreur. Non. La scène a lieu le 23 décembre 1987, quelque part sur la ligne verte, brûlante ligne verte qui tout le long de la guerre a tailladé Beyrouth entre Est et Ouest. C’était sans doute un jour d’accalmie, une trêve d’avant les fêtes, où partout dans la capitale on ramassait nos débris de verre et nos forces en miettes, avant la prochaine bataille dont personne ne savait quand et où elle sévirait. Au milieu des bâtiments caviardés par les combats de la veille, entre les mines et les gravats, quatre soldats de l’armée libanaise, kalachnikov par-dessus l’épaule, traînent un sapin de Noël. Ils le portent à bout de bras, leurs bras qui ont connu le poids du sang et des cadavres, mais les boules et les guirlandes de fortune font briller l’arbre d’un éclat insoupçonné. Et ils sourient, ces soldats, des sourires d’enfant. Sont-ils beaux ou fous ? Un sapin de Noël planté parmi les décombres. Il faut être né au Liban pour comprendre la symbolique de ce geste qui défie l’absurdité. Pour savoir qu’ici, plus la mort frappe, et plus la fête, c’est-à-dire la vie à son point le plus culminant, est là, prête à mordre la mort.

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La guerre et la fête

En revoyant cette image, et tout ce qu’elle véhicule, me reviennent les photos des Noëls de ma famille pendant les événements, et dont je ne pouvais pas penser un instant que ces soirs de fête se déroulaient en pleine guerre si on ne me l’avait pas dit. Je pense à mes grands-parents qui, coûte que coûte, se débrouillaient pour déjouer les obus et se pointer à notre porte le 24 décembre au soir, avec toujours un monticule de cadeaux parfaitement enrubannés dans du papier glacé. C’était comme une apparition, ma grand-mère hissée sur ses talons, mon grand-père dans son costume, alors qu’ils avaient parfois passé les jours d’avant écroués dans leurs abris avec la peur au ventre. Étaient-ils beaux ou fous, comme les quatre soldats et leur sapin en plein champ de guerre ? Comment faisaient-ils ? Les présents débordant de leurs mains étaient des babioles sans valeur, le peu de chose qu’on pouvait trouver dans un pays en guerre, mais l’intention était là, il fallait marquer le coup. Quoi qu’il advienne, mettre des étoiles dans les yeux des enfants, même le temps d’un soir.

Dehors, tout était détruit, souvent les fous au pouvoir, les mêmes qui sont encore là aujourd’hui, étaient en train de se battre et abattre tout sur leur passage ; souvent il n’y avait ni eau ni courant électrique, souvent nous finissions dans l’abri, mais il suffisait d’un rien pour que la magie de Noël fasse scintiller nos cœurs. « Noël n’a jamais été aussi triste », m’a dit N. quand je l’ai croisée l’autre jour rue Gouraud à Gemmayzé. Il faisait si noir, si glauque, en cette fin d’après-midi, que nous avons mis du temps à nous reconnaître derrière nos masques. N. m’a parlé de ceux qui ne viendront pas cette année, pour qui cette fête n’est même plus une raison suffisante pour rentrer ; des parents qui n’auront rien à offrir à leurs petits, puisque même les besoins élémentaires sont devenus de l’ordre du luxe ; des sapins qu’on ne prendra même plus la peine de décorer; de ces tables vides comme autant de poches trouées ; des enfants dont les yeux seront éteints.

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Entre joie et larmes, les associations incarnent l’esprit de Noël

Quand N. a disparu, avalée par l’obscurité de cette rue qui jadis explosait de lumière, j’ai regardé ma ville dont les monstres de dirigeants ont arraché la dernière possibilité de bonheur, et j’ai eu envie de chialer.

Une apparition

Puis, au moment d’écrire ces lignes, ne sachant pas ce que je pourrais raconter à propos de ce pays où rien ne se passe, où plus rien ne passe, où rien n’est plus, j’ai regardé à travers ma fenêtre et j’ai vu un appartement à peine éclairé dans la nuit. Un jeune homme masqué s’était pointé à l’entrée avec ses bagages. Sa mère avait ouvert la porte, elle avait vu son fils. Elle ne s’y attendait pas, elle s’était frottée les yeux, puis avait fondu en larmes. Il lui était revenu, comme une apparition, un miracle. Ce retour, c’était comme une victoire contre la tristesse à laquelle nous avons été assignés. Et ces victoires, elles sont là, certes fragiles, certes minuscules, mais elles sont là.

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C’est ce jeune homme qui surprendra ses parents le 24 au soir, quand ils pensaient qu’il avait abdiqué, qu’il ne rentrerait plus jamais. C’est cette grand-mère qui préparera, en dépit de tout, son repas de Noël à la lueur d’une bougie, quitte à épuiser le peu d’économies qui lui restent. Ce sont ces associations qui continuent à fédérer des milliers de mains pour nourrir, pour emballer des cadeaux, des babioles sans valeur mais qui feront scintiller les yeux des enfants qui n’ont plus rien. Ce sont ces fêtes qui s’organisent déjà, avec les moyens du bord, la vie qui mord la mort. Ce sont ces lampions épileptiques, ces guirlandes hirsutes, ces crèches bizarres et toute cette déco kitsch qui n’appartient qu’à Beyrouth, et qu’on a ressortie, juste pour marquer le coup. C’est cette poignée d’activistes qui sillonnent la ville, les yeux aux aguets, pour s’assurer qu’aucun homme au pouvoir n’aura droit à un dîner tranquille. Ce sont ces ONG qui se sont pliées en quatre pour s’assurer que les habitants des quartiers impactés par la double explosion du 4 août pourront fêter chez eux, dans leurs appartements retrouvés presque deux ans plus tard. C’est cette bande d’amis éparpillés aux quatre coins du monde et qui s’est donné rendez-vous à Beyrouth, cette année encore, malgré tout. See you in Beirut, no matter what. Ce sont ces valises qui arrivent, pleines de médicaments et de lait pour nourrissons. C’est le « to2borné  » d’une mère qui revoit ses enfants aux arrivées de l’aéroport. Cette enveloppe que ses enfants déposeront discrètement sur sa table de chevet, pour ne pas l’humilier davantage. Et comme les quatre soldats et leur sapin en plein champ de ruines, ce sont ces petites choses, toutes petites choses, qui continueront de conserver quelque part la magie des Noëls libanais.

Chaque semaine, « L’Orient-Le Jour » vous raconte une histoire dont le point de départ est une photo. C’est un peu cela, une photo-roman : à partir de l’image d’un photographe, on imagine un minipan de roman, un conte... de fées ou de sorcières, c’est selon...

Je la connais par cœur, cette photo signée Nabil Ismaïl. Pour l’avoir tant documentée, ce photographe est à lui seul les yeux de la guerre civile libanaise. Mais à chaque fois que je retombe sur cette image, je me demande si elle n’a pas été prise sur le plateau de tournage d’un film de série B, ou d’horreur. Non. La scène a lieu le 23 décembre 1987, quelque part sur la ligne...

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ECLIPSEE PAR LA TRINITE DIABOLIQUE DU MAL DU TANDEM DE BELZEBUTH LE BARBU ET DE SES DEUX LIEUTENANTS INFERNAUX LES DEUX BELIERS BISCORNUS DE LA BERGERIE DE RAI. MAIS MALGRE CE FLEAU LES LIBANAIS FETERONT NOEL ET LE NOUVEL AN. - LIBANAISES, LIBANAIS, JOYEUX NOEL ET BONNE ANNEE 2022 AVEC INCHALLAH LE PAYS LIBERE DES SATANS. AMEN !

LA LIBRE EXPRESSION

06 h 30, le 20 décembre 2021

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  • ECLIPSEE PAR LA TRINITE DIABOLIQUE DU MAL DU TANDEM DE BELZEBUTH LE BARBU ET DE SES DEUX LIEUTENANTS INFERNAUX LES DEUX BELIERS BISCORNUS DE LA BERGERIE DE RAI. MAIS MALGRE CE FLEAU LES LIBANAIS FETERONT NOEL ET LE NOUVEL AN. - LIBANAISES, LIBANAIS, JOYEUX NOEL ET BONNE ANNEE 2022 AVEC INCHALLAH LE PAYS LIBERE DES SATANS. AMEN !

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