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Société - Contestation

Routes coupées : colère populaire ou manipulations politiques ?

« Nous sommes en enfer » : les manifestants appellent le peuple à descendre dans la rue afin de réclamer ses droits.

Routes coupées : colère populaire ou manipulations politiques ?

L’autoroute de Zouk fermée hier durant plusieurs heures. Photo Marc Fayad

Que des manifestants bloquent les routes pour protester contre la détérioration des conditions de vie dans un pays en plein effondrement, rien de plus normal. Cependant, dans le mouvement de routes coupées hier en matinée, qui n’ont pas drainé les foules malgré les multiples appels lancés sur les réseaux sociaux, nombre d’observateurs ont vu l’empreinte de partis politiques qui se lancent des messages. Le courant du Futur (ou des membres de ce parti) est principalement pointé du doigt, d’autant plus que la plupart des manifestations ont eu lieu dans des régions où il a une influence. Pourtant, telle n’était pas l’intention des organisateurs de ce mouvement à la base. Samir Skaff, un infatigable contestataire du mouvement du 17 Octobre, insiste sur le fait que « ce sont les révolutionnaires qui ont lancé cet appel, en vue de protester contre la situation devenue intenable ». Il ne nie pas cependant que « des partis traditionnels se sont greffés sur le mouvement, une fois de plus, en plusieurs régions, demandant à leurs partisans de descendre dans la rue ».

Toutefois, du côté des partis dits « traditionnels », on voit les choses d’un autre œil. Selon des sources bien informées, la mobilisation principale à Beyrouth serait le fait d’un certain Ahmad Hachmiyé, un cadre du courant du Futur régulièrement en rivalité avec le secrétaire général de ce parti, Ahmad Hariri (cousin de l’ancien Premier ministre et chef de ce courant, Saad Hariri).

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Toujours selon ces sources, les manifestations d’hier seraient des messages lancés dans plusieurs directions : l’un à Ahmad Hariri, évidemment, à qui Hachmiyé voudrait signifier qu’il tient la rue sunnite beyrouthine. Le second serait destiné à Saad Hariri, afin de l’inciter à rentrer au pays en lui montrant que la rue sunnite est divisée en son absence. Le troisième viserait le président de la République Michel Aoun, en déplacement au Qatar depuis hier et qui sortirait affaibli d’un contexte de contestation populaire. Le Premier ministre Nagib Mikati en prendrait également pour son grade, puisque les instigateurs de certains de ces mouvements lui feraient comprendre que son propre environnement sunnite est prêt à se rebeller. Enfin, Baha’ Hariri, le frère aîné de Saad, qui ne cache pas ses ambitions politiques, serait aussi visé par ces manifestations afin de lui signifier que la rue ne veut pas de lui.

À Tripoli également, des militants de longue date ont cru voir, dans le blocage de routes hier, l’empreinte du courant du Futur et de certains services de sécurité, comme le rapporte notre correspondant Souhayb Jawhar. Selon lui, les groupes issus du 17 Octobre ont été étonnés de cet appel et de l’identité des meneurs sur le terrain. « C’est le jeu de la rue dans lequel excellent les partis au pouvoir, ils utilisent la faim des pauvres pour se lancer des messages politiques », constate amèrement Moustapha el-Ouwayek, membre du groupe « Le Nord se rebelle ». Il craint que la véritable intention des partis soit d’instaurer le chaos, en vue, notamment, de provoquer l’annulation des élections législatives de mars prochain. Yehia Maouloud, membre du parti « Lana », a même peur que Tripoli ne se transforme une nouvelle fois en boîte aux lettres sanglante à la disposition de dirigeants peu scrupuleux. Une source de l’opposition indique à notre correspondant que les observations montrent une synergie « entre des services de sécurité et des partis », en se basant sur l’identité des participants à ces manifestations, « qui sont des personnes suspectes depuis le début du mouvement de contestation en 2019 ». « C’est ce qui éloigne les foules de ces manifestations et fait que ces mouvements s’interrompent abruptement, sans que l’on comprenne pourquoi », constate-t-il.

Cependant, une source responsable du courant du Futur, interrogée par notre correspondant, dément catégoriquement toute implication dans ces mouvements, estimant qu’il aurait été répréhensible « d’exploiter la misère des gens, leur peur du lendemain et l’incapacité du gouvernement à résoudre les crises dont ils souffrent ».

Fermetures des routes partout

Malgré tout, la colère s’est emparée quelques heures durant des différentes régions du pays. « Nous sommes en enfer », « Je n’ai plus rien à perdre », « Descends dans la rue et défends tes droits » : les manifestants étaient dans la rue dès 6h du matin, à travers le territoire, afin de protester contre la détérioration de leurs conditions de vie.


Une journée de colère à Beyrouth. Photo Hussam Chbarro

À Beyrouth, la circulation a été bloquée à Verdun, Corniche

Mazraa, au niveau de la Cité sportive et de la place des Martyrs dans le centre-ville. Des dizaines de personnes présentes sur cette place centrale ont affirmé être venues de tout le Liban pour exprimer leur « colère », rapporte notre journaliste présente au centre-ville, Lyana Alameddine. « Nos salaires ne nous suffisent plus », a déploré Ali Beydoun, un quadragénaire de Bint Jbeil (Sud), alors que des chants révolutionnaires résonnaient en fond.

Dans le Kesrouan, l’autoroute de Zouk-Jounieh a également été temporairement bloquée au niveau de Zouk Mosbeh à l’aide de voitures. Au Liban-Nord, des protestataires ont coupé la route principale reliant Tripoli, Minié, Denniyé et le Akkar à l’aide de barricades et de camions, celle de Beddaoui avec des camions, et également l’entrée nord de Tripoli en face de l’hôtel Palma. Les accès menant à la place al-Nour, dans la ville, où se sont rassemblés des dizaines de manifestants, ont également été bloqués, rapporte notre correspondant dans la région Michel Hallak.

« Peuple libanais, descends dans la rue et défends tes droits », scandait un groupe de militants. « Nous appelons tous les habitants de Tripoli et le peuple libanais à descendre dans la rue », lançait notamment un homme, alors que d’autres réclamaient « une révolution contre le président Aoun ».

Par ailleurs, un groupe de contestataires est entré de force, en début d’après-midi, dans le sérail de Halba et a écrit des slogans de la thaoura sur les murs et les portes du bureau du mohafez de la région et du bâtiment. Les manifestants ont ensuite pénétré dans des bureaux de l’administration chargée de traiter les questions de soins de santé, afin de réclamer que des médicaments et du lait pour enfants leur soient assurés. Une brigade de la force antiémeute est intervenue et a demandé aux contestataires de quitter le bâtiment.

Une trentaine de manifestants se sont également rassemblés, en début d’après-midi, près du domicile du Premier ministre, Nagib Mikati, à Tripoli.

« Je n’ai plus rien à perdre »

Dans le sud du Liban, des manifestants ont également coupé les routes au niveau de Saïda ainsi que les accès menant à diverses localités de la région, notamment à l’aide de bennes à ordures enflammées. Des protestataires se sont rassemblés devant les bureaux des agents de change dans la rue des banques à Saïda, réclamant leur fermeture. L’armée était déployée en plusieurs points. « Nous sommes descendus pour protester contre la classe politique corrompue qui a volé les biens du peuple libanais, qui nous a fait sombrer dans la faim. Comme l’avait prédit le président de la République, nous sommes en enfer », a déploré un homme parmi les manifestants bloquant une route au niveau de Saïda.

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« Personne ne compatit avec nous, alors que nous peinons à nous approvisionner en eau, en électricité, en carburant et en aliments. Ce qui représente nos droits les plus basiques », a encore regretté le manifestant, interrogé par notre correspondant Mountasser Abdallah. « Nous continuerons à nous révolter jusqu’à ce que nous obtenions nos droits », a-t-il ajouté. « Je n’ai plus rien à perdre », déplorait pour sa part un père de famille, qui a confié à notre correspondant qu’il ne parvenait presque plus à subvenir aux besoins alimentaires de ses enfants.

Les appels à la mobilisation avaient été massivement partagés sur les réseaux sociaux depuis dimanche soir. À la suite de ces appels, le ministre de l’Éducation, Abbas Halabi, a laissé aux écoles la responsabilité de décider si elles voulaient ouvrir ou non leurs portes. Selon nos correspondants, de nombreuses écoles de la Békaa et de Saïda sont restées fermées en ce début de semaine.

Que des manifestants bloquent les routes pour protester contre la détérioration des conditions de vie dans un pays en plein effondrement, rien de plus normal. Cependant, dans le mouvement de routes coupées hier en matinée, qui n’ont pas drainé les foules malgré les multiples appels lancés sur les réseaux sociaux, nombre d’observateurs ont vu l’empreinte de partis politiques qui se...

commentaires (4)

Que des partis patriotiques se greffent sur les manifestants et un atout de plus pour pouvoir gagner. La question ne devrait même pas être posée. Ne réclamons-nous pas une union sacrée de tous les enfants du pays pour battre les vendus? Je ne vois pas où réside le problème. Plus on est nombreux et plus on a la chance de leur tenir tête pour les exterminer. Ceux qui préfèrent la division ne sont pas dignes de faire partie des protestataires. La rédaction de L’OLJ devrait changé son titre pour le remplacer par une invitation de tous les patriotes quelque soit leur couleur à se joindre aux manifestants pour libérer le pays des vendus. On ne fait pas la fine bouche lorsqu’on crève de faim.

Sissi zayyat

11 h 51, le 01 décembre 2021

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Commentaires (4)

  • Que des partis patriotiques se greffent sur les manifestants et un atout de plus pour pouvoir gagner. La question ne devrait même pas être posée. Ne réclamons-nous pas une union sacrée de tous les enfants du pays pour battre les vendus? Je ne vois pas où réside le problème. Plus on est nombreux et plus on a la chance de leur tenir tête pour les exterminer. Ceux qui préfèrent la division ne sont pas dignes de faire partie des protestataires. La rédaction de L’OLJ devrait changé son titre pour le remplacer par une invitation de tous les patriotes quelque soit leur couleur à se joindre aux manifestants pour libérer le pays des vendus. On ne fait pas la fine bouche lorsqu’on crève de faim.

    Sissi zayyat

    11 h 51, le 01 décembre 2021

  • AU LIEU DE DIRE C'EST UN ESPOIR DE VOIR CES MALHEUREUX GENS SE MANIFESTENT DANS LES RUES ET DE LES ENCOURAGER, ON LES ACCUSENT D'ÊTRE MANIPULER ! C'EST QUOI CETTE QUESTION LOUCHE ? ELLE EST POSÉE PAR IGNORANCE OU PAR UN MEMBRE D'UN PARTI AU POUVOIR ?

    Gebran Eid

    10 h 45, le 30 novembre 2021

  • DE PLUS A SE DEMANDER POUR QUOI A CE JOUR LES MEDIAS PASSENT OUTRE / PAR DESINTERET? PAR IGNORANCE? PAR INCONSCIENCE? PAR INSOUCIANCE?- JE NE SAIS PAS- PASSENT OUTRE UN FAIT EVIDENT : LE PEUPLE A T IL OUI OU ZUT RAISON DE SE SOULEVER/ LE PEUPLE CREVE T IL DE FAIM? OUI OU PAS? LE PEUPLE VIE L'ENFER PROMIS OU PAS? LE PEUPLE A T IL OUI OU NON TOIUTES LES RAISONS DE SE SOULEVER? ALORS POURQUOI POSER TOUJOURS CETTE MEME QUESTION RIDICULE :"" LES PARTIS POLITIQUES POUSSENT ILS LE PEUPLE A DESCENDRE DANS LES RUES?"" MAIS C QUOI CA? ON FAIT EXPRES D'OCCULTER LES FAITS EN VUE DE MINIMISER L'IMPACT DU SOULEVEMENT POPULAIRE? LES MEDIAS SE LIGUENT ILS CONTRE LE PEUPLE ?

    Gaby SIOUFI

    09 h 15, le 30 novembre 2021

  • a se demander pourquoi pose t on aux partis & Co cette une meme question dont on connait d'avance la reponse, vu que le mensonge et le raffinement de la politique en generale ne permet qu'une seule et meme replique : "" on dément catégoriquement toute implication dans ces mouvements""

    Gaby SIOUFI

    08 h 27, le 30 novembre 2021

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