Le pape François, qui a reçu jeudi au Vatican le Premier ministre libanais, Nagib Mikati, a assuré à ce dernier qu'il œuvrait à "un effort commun" pour aider le Liban à sortir de la pire crise socio-économique de son histoire moderne. Le Saint-Siège, par la voix de son secrétaire d'Etat, Pietro Parolin, s'est dans ce contexte dit inquiet de la situation au pays du Cèdre, englué dans une impasse politique depuis plusieurs semaines. Toutefois, une source diplomatique libanaise proche du dossier exclut à ce stade toute initiative politique concrète de la part du Vatican.
Nagib Mikati était arrivé à 10h (heure de Beyrouth) au palais apostolique au Vatican, où il a été reçu pour une audience privée de trente minutes avec le souverain pontife. Il était accompagné de sa famille, ainsi que de plusieurs responsables libanais, notamment les ministres de la Justice, Henri Khoury, du Tourisme, Walid Nassar, et de l'ambassadeur du Liban au Vatican, Farid el-Khazen.
Selon des propos rapportés par le bureau de presse du Premier ministre, Nagib Mikati a affirmé au pape que le Liban "a besoin aujourd'hui de l'aide de ses amis à tous les niveaux, notamment sur les plans économique et social". Il a par ailleurs évoqué la question de la présence des chrétiens au Liban et au Moyen-Orient, rappelant qu'ils "ont toujours constitué un pilier des libertés et des droits de l'Homme, et ont trouvé refuge au Liban". "Si les chrétiens du Liban se sentent en sécurité, cela se reflétera sur les chrétiens de la région", a ajouté M. Mikati, se disant "confiant du grand rôle que pourra jouer le Saint-Siège sur ce plan".
"Effort commun"
A sa sortie du palais du Vatican, le chef du gouvernement libanais a déclaré que le pape François lui "assuré qu'il déploiera des efforts sur la scène internationale afin d'aider le Liban à traverser la période difficile qu'il vit actuellement, et lui rendre la paix et la stabilité".
A ce sujet, un communiqué publié jeudi sur le site du Vatican précise que le pape "a assuré (ses interlocuteurs libanais) de "ses prières et sa proximité", leur promettant "d'œuvrer à ce qu'un effort commun puisse prendre forme pour aider le Liban à se redresser".
"Le pape s'est dit confiant en la capacité des Libanais à sortir de la crise actuelle", a déclaré le chef du gouvernement, indiquant que le chef de l’Église catholique a insisté sur "l'importance pour les Libanais, de continuer à jouer leur rôle et d'interagir avec leur entourage arabe".
Ces propos du pape interviennent alors que les rapports entre le Liban et plusieurs monarchies arabes du Golfe sont au plus bas depuis fin octobre. Une crise politico-diplomatique avait éclaté entre le Liban et ces pays, à la suite de propos polémiques du ministre de l'Information, Georges Cordahi, sur le rôle de Riyad dans la guerre au Yémen. Cette crise, doublée de celle suscitée par le désaccord autour de l'enquête menée par le juge Tarek Bitar sur l'explosion meurtrière du 4 août 2020 au port de Beyrouth, paralyse l’exécutif qui devrait pourtant lancer un chantier de réformes à même de sortir le pays du marasme actuel. "Le pape a espéré que la justice, les réformes nécessaires et le soutien de la communauté internationale aideront à redresser le pays du Cèdre", souligne encore le communiqué du Vatican.
Dans ce contexte, Nagib Mikati a indiqué avoir exposé au pape les grandes lignes des orientations de son équipe ministérielle pour faire face aux défis qu'affronte le pays du Cèdre. "J'ai senti que le pape est rassuré quant aux efforts que nous déployons afin de préserver la sécurité et la stabilité du pays", a souligné le milliardaire sunnite.
Pas d'initiative politique
Se félicitant du modèle libanais en matière de vivre-ensemble islamo-chrétien, le Premier ministre a assuré que le Liban continuera à donner cet exemple au monde. Il a par ailleurs transmis au pape François une invitation pour se rendre au Liban. "Tous les Libanais attendent ce déplacement et y voient un nouvel espoir pour eux, comme ce fut le cas lors des visites des papes précédents, notamment celle de Jean-Paul II, qui a brandi le fameux slogan: "Le Liban est plus qu'un pays, c'est un message", a affirmé M. Mikati.
"Ce qui importe le plus au Saint-Siège, c’est que des solutions soient apportées à la crise socio-économique", confie à L’Orient-Le Jour une source diplomatique libanaise ayant suivi de près les entretiens de Nagib Mikati au Vatican. "Le Saint-Siège est prêt à contribuer à tout ce qui pourrait aider à sortir le Liban du marasme actuel", assure cette source. Elle exclut toutefois une initiative politique de la part du Vatican, dans le sens traditionnel du terme. De même source, on indique en outre que le président français, Emmanuel Macron, est attendu vendredi au Vatican. "La question du Liban sera probablement évoquée lors des entretiens du chef de l’Elysée", croit savoir cette source.
Le secrétaire d’État du Vatican inquiet
La délégation libanaise s'est également entretenue avec le secrétaire d’État du Saint-Siège, Pietro Parolin. Tout comme le pape, le cardinal Parolin a affirmé à la délégation libanaise que le Vatican déploiera des efforts sur la scène internationale pour soutenir le Liban, selon des propos rapportés par le bureau de presse du Premier ministre. De même source, on apprend que le cardinal a lui aussi insisté sur l'importance pour le Liban d'avoir les meilleures relations avec son entourage arabe et la communauté internationale.
Le secrétaire d’État auprès du Saint-Siège s'est par ailleurs dit "inquiet" quant à la situation économique et sociale au Liban, soulignant que la crédibilité de tout gouvernement réside dans le respect des engagements conclus avec la communauté internationale
Âgé de 65 ans, M. Mikati, un musulman sunnite comme le veut le Pacte national pour cette fonction, a formé le 10 septembre un gouvernement de "sauvetage" dans un pays en plein effondrement. Il est parvenu à mettre sur pied son équipe, treize mois après la démission du cabinet de Hassane Diab dans la foulée de la double explosion meurtrière du 4 août 2020 au port de Beyrouth. Toutefois, le gouvernement Mikati ne s'est plus réuni depuis le 12 octobre en raison d'une grave crise politique interne.
En attendant une entente politique pour sortir de l'impasse, "Nagib Mikati compte remplir ce temps mort par des déplacements à l’étranger", confie une source informée citée par notre chroniqueur politique, Mounir Rabih. Le Premier ministre devrait ainsi se rendre prochainement à Ankara, après une invitation de la part du chef de la diplomatie turque, Mevlut Cavusoglu, qui était à Beyrouth récemment. M. Mikati est également attendu en Egypte, Le Caire étant impliqué dans les efforts visant à mettre fin à la paralysie du Conseil des ministres. "Au-delà de la question de l’importation du gaz égyptien, M. Mikati évoquera au Caire les contacts en cours pour résoudre la crise avec les monarchies du Golfe, dans la mesure où l’Egypte, de par son rôle et sa présence sur la scène arabe, peut efficacement contribuer à la solution", explique à L’Orient-Le Jour Ali Darwiche, député de Tripoli affilié au groupe parlementaire du Premier ministre. Le chef de l'Etat, qui tente également d'aboutir à une sortie de crise dans la dernière année de son mandat, devrait se rendre au Qatar le 30 novembre.
Le pape François a multiplié ces derniers mois les messages de soutien au Liban et manifesté son intention de s'y rendre. En août, il avait appelé la communauté internationale à des "gestes concrets", un an après l'explosion au port de Beyrouth qui avait fait plus de 200 morts. Depuis, le pays continue de sombrer dans la misère, sur fond d'une inflation galopante et de l'effondrement de sa monnaie.
Début juillet, le pape avait accueilli au Vatican neuf chefs religieux chrétiens libanais et adressé un message d'espoir à la population, l'exhortant à "ne pas se décourager". Le souverain pontife avait déjà reçu en avril l'ancien Premier ministre Saad Hariri, à qui il avait exprimé le souhait de se rendre au Liban "dès que les conditions seront réunies".
commentaires (6)
Dites, Monsieur Mikati, est-ce le pape qui va: 1) diminuer le prix de 10'000 LL le grand paquet de pain 2) arrêter le taux grimpant du dollar...entrainant une hausse vertigineuse de tous les prix de l'alimentation au Liban ? Pendant que vous vous pavanez...avec votre famille...!!!...au Vatican, nous le peuple vivons un cauchemar quotidien...et ce ne sont pas les promesses du pape qui vont nourrir ceux qui n'ont plus rien à manger, par votre faute à vous tous, les soi-disant responsables de ce pays depuis des années ! - Irène Saïd
Irene Said
14 h 54, le 26 novembre 2021