Un peu plus d’un mois après la mise du gouvernement de Nagib Mikati dans un coma artificiel, le président de la Chambre Nabih Berry s’apprêterait à lancer dans les jours qui viennent une initiative dans le but de relancer les réunions du Conseil des ministres. Sauf que les efforts du chef du législatif risquent de buter sur l’intransigeance du Hezbollah. Ce dernier maintient sa position contre vents et marées : pas question de reprendre les réunions du cabinet avant que le juge Tarek Bitar, chargé de l’instruction sur le drame du port, ne soit déboulonné.
Le gouvernement Mikati ne s’est plus réuni depuis le 12 octobre dernier. Ce jour-là, le ministre de la Culture Mohammad Mortada (affilié au mouvement Amal de M. Berry) avait appelé le cabinet à prendre une position ferme au sujet du juge Bitar, agitant le spectre de la démission des ministres chiites qui, jusqu’à nouvel ordre, boycottent le gouvernement. Le 14 octobre, les développements ont pris une tournure plus violente quand des affrontements ont opposé, dans le secteur de Tayouné, des miliciens relevant du duo chiite et des éléments chrétiens présumés proches des Forces libanaises, faisant 7 morts et 32 blessés.
Initiative pas morte
Dans une tentative de désamorcer la crise, le patriarche maronite Béchara Raï s’était rendu à Aïn el-Tiné pour un entretien avec Nabih Berry, le 26 octobre dernier. Le prélat avait alors annoncé « une solution politique » à la crise gouvernementale, restée jusque-là lettre morte. Celle-ci consistait à ce que les responsables politiques poursuivis dans l’enquête du port soient jugés devant la Haute Cour formée à cette fin, comme le veulent Amal et le Hezbollah. « Cette initiative n’est pas morte, en dépit de toute l’opposition qu’elle a suscitée et le tollé qu’elle a provoqué », affirme un proche du chef du législatif à L’Orient-Le Jour, ajoutant que les contacts que Nabih Berry serait en train de mener vont dans le même sens, espérant une proche réanimation du cabinet, d’autant que le Premier ministre Nagib Mikati serait tenu informé des efforts actuellement en cours, indique le proche du président de la Chambre.
Toutefois, une source proche du chef du gouvernement confie à L’OLJ que le milliardaire tripolitain « n’est pas au courant d’une initiative politique » liée à l’affaire Bitar. De même source, on ajoute que la position du chef du gouvernement à ce sujet n’a pas bougé d’un iota : l’exécutif n’interviendra pas dans l’action de la justice. « Nagib Mikati a toujours exprimé ce point de vue, et continue de demander que tous les problèmes soient réglés en Conseil des ministres », rappelle la source précitée.
Les regards sont donc braqués sur le Hezbollah qui mène la campagne pour le dessaisissement de Tarek Bitar qu’il accuse de « politiser » l’enquête sur l’explosion du 4 août 2020. La question est de savoir si le parti chiite serait prêt à retrouver à mi-chemin M. Berry, son allié de longue date.
« Pas de retour en Conseil des ministres avant que le juge Bitar ne soit dessaisi de l’enquête du port », répond sans ambages un cadre du Hezbollah qui a requis l’anonymat, soulignant que le parti n’est pas au courant d’une initiative que lancerait le président de la Chambre.
Cette position ne facilite pas la tâche à un Nagib Mikati soucieux de redynamiser son équipe et d’accomplir sa mission principale : la mise en place des réformes exigées par les pays donateurs et l’organisation des élections législatives. Sauf que le Hezbollah estime que le cabinet n’est pas paralysé. « Chaque ministère au sein du gouvernement mène normalement son travail au quotidien. Seul le Conseil des ministres ne se réunit pas », lance le proche du parti pro-iranien.
Du côté de Bkerké, rien ne prête à croire que Béchara Raï est disposé à avaliser ou à appuyer des démarches à même d’entraver l’enquête menée par Tarek Bitar, surtout que l’initiative concoctée en octobre dernier avait suscité la colère des parents des victimes de la tragédie du 4 août. Dans son homélie dominicale hier, le chef de l’Église maronite a critiqué implicitement le Hezbollah, le jugeant responsable de la crise politique, mais aussi de la crise diplomatique avec l’Arabie saoudite et plusieurs monarchies du Golfe, suscitée par les propos du ministre de l’Information Georges Cordahi sur la guerre au Yémen. « Aucun parti n’a le droit d’imposer son avis aux autres Libanais ou de porter atteinte aux relations avec le Golfe, ou même de paralyser le gouvernement et la justice », a tonné le prélat maronite. « Faire courir aux Libanais le risque d’être expulsés (des pays du Golfe) et de tomber dans le chômage, la pauvreté et l’isolement arabe est une atteinte à la dignité et à la souveraineté », a-t-il ajouté, dans une critique adressée au Hezbollah et à son camp qui jugent qu’une démission de M. Cordahi sur demande des pays du Golfe porterait atteinte à la souveraineté et la dignité du Liban.
Le chef de la diplomatie turque attendu à Beyrouth
Les nouvelles critiques de Béchara Raï, qui a de nouveau prôné la neutralité du Liban, interviennent au lendemain d’une interview du chef de la diplomatie saoudienne, Fayçal ben Farhane, accordée samedi dernier à la chaîne France 24. « Le problème va bien au-delà des simples commentaires d’un ministre », a répété le ministre. « Il n’y a pas de crise avec le Liban. Il y a une crise au Liban », a souligné le prince saoudien. Et d’insister sur le fait que cette crise est provoquée par le Hezbollah « qui a imposé sa volonté au gouvernement et au peuple libanais par la force militaire », appelant les responsables libanais à « libérer le pays de l’emprise du Hezbollah ».
Nagib Mikati s’est de son côté vu obtenir un appui de la part du secrétaire d’État américain, Antony Blinken. « Je pense que le Premier ministre a un bon programme pour faire avancer le Liban et essayer de faire progresser l’économie, tout d’abord en travaillant avec les institutions financières internationales », a estimé M. Blinken vendredi dernier, lors d’une conférence de presse tenue à Washington avec son homologue qatari, Mohammad ben Abdel Rahman al-Thani. Il a dans ce cadre encouragé les « amis et parties qui soutiennent le Liban à l’aider et à lui donner l’opportunité d’avancer, sur base du programme mis en place » par M. Mikati pour faire face aux défis économiques et, à terme, assurer sa stabilité. Une activité diplomatique est par ailleurs prévue cette semaine, avec notamment la visite du chef de la diplomatie turque, Mevlut Cavusoglu, mais aussi avec un possible déplacement cette semaine de Nagib Mikati en Égypte.
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LA LIBRE EXPRESSION
20 h 40, le 15 novembre 2021