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Nos Lecteurs ont la Parole

Qui est fort n’a pas besoin d’être violent

Qui est fort n’a pas besoin d’être violent

Anwar Amro/AFP

Brusquement, une fenêtre s’ouvrit sur l’enfer. Beyrouth en proie à la violence : spectacle monstrueux. Les tristes hommes armés groupés sur le boulevard Sami Solh sentirent entrer en eux une âme épouvantable ;

ils cessèrent d’être eux-mêmes et devinrent démons. Il n’y eut plus un seul Libanais ; il y eut on ne sait quels fantômes accomplissant une besogne horrible dans une lueur de vision. Il n’y eut plus de drapeau, plus de loi ; il n’y eut plus d’humanité, plus de patrie ; il n’y eut plus de Liban, on se mit à assassiner. Les hommes en noir apparurent dans les ténèbres, mitraillant et massacrant. Il y a des massacres dans l’histoire, abominables, certes, mais ils ont leur raison d’être ; la Saint-Barthélémy s’explique par la religion, les vêpres siciliennes s’expliquent par la patrie. Mais le carnage du boulevard Sami Solh est le crime sans savoir pourquoi. Le pourquoi existe cependant. Il est effroyable. Disons-le. Deux choses sont debout dans un État, la loi et le peuple. Un homme tue la loi. Il sent le châtiment approcher. Il ne lui reste plus qu’une chose à faire, tuer le peuple. Il tue le peuple. Contre l’indignation qui se lève, on fait surgir l’épouvante. Subitement, à un signal donné, un coup de fusil tiré n’importe où par n’importe qui, la mitraille commence. Elle tue et passe. Et en même temps, elle a une espèce d’âme ; elle est préméditée ; elle exécute une volonté. Être un passant, c’est un crime. Pourquoi êtes-vous à la maison ? Que venez-vous faire là ? Mourez. La guerre de quinze ans est soi-disant terminée, mais les lignes de démarcation subsistent. Les mêmes accusations subsistent. Le vivre-ensemble est en danger. Pourtant, ce siècle et celui d’avant ont civilisé bon nombre de pays, ont dignifié la femme, ont amoindri les pénalités, ont condamné la peine de mort et ont aboli les supplices. Ces deux siècles ont proclamé la souveraineté du citoyen et l’inviolabilité de la vie. Ils ont couronné le peuple et ont sacré l’homme.

Et pourtant, au Liban, on agit comme si de rien n’était. On a toujours recours à la violence quand nous savons que le Liban a été membre fondateur des Nations unies et signataire de la Convention des droits de l’homme.

Se faire du Liban une proie, grand Dieu. En un jour, l’absurde a été le possible. Tout ce qui était mensonge est devenu fait vivant. La révolution du 17 octobre 2019, la civilisation, le progrès, l’intelligence, la liberté, tout s’est arrêté un beau matin.

Vous vous imaginez que notre Constitution existe, que ce corps législatif existe, que ce gouvernement existe ? Tout cela est chimère.

Être vrai, tout est là. Oui, le droit, le bon sens, l’honneur et la vérité ont raison d’être indignés. Ce n’est pas avec de petits coups qu’on agit sur les masses. Nous voulons avoir un jour le droit d’arrêter les représailles, de nous mettre en travers des vengeances, d’empêcher, s’il se peut, le sang de couler et de sauver toutes les têtes, même celles des gouvernants et des hommes politiques. Comme citoyens libanais, nous voulons semer dans les cœurs, au milieu de nos paroles indignées, l’idée d’un châtiment autre que le carnage. Ayez notre but présent à l’esprit : clémence implacable.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Brusquement, une fenêtre s’ouvrit sur l’enfer. Beyrouth en proie à la violence : spectacle monstrueux. Les tristes hommes armés groupés sur le boulevard Sami Solh sentirent entrer en eux une âme épouvantable ;ils cessèrent d’être eux-mêmes et devinrent démons. Il n’y eut plus un seul Libanais ; il y eut on ne sait quels fantômes accomplissant une besogne horrible dans une...

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