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Idées - Électricité

Lettre ouverte à Walid Fayad : la crise est une opportunité de nous engager dans une transformation durable

Lettre ouverte à Walid Fayad : la crise est une opportunité de nous engager dans une transformation durable

Le ministre libanais de l'Énergie et de l'Eau, Walid Fayad. Photo DR

Monsieur le Ministre,

En premier lieu, nous aimerions vous féliciter pour votre récente prise de fonction, compte tenu notamment de la considérable responsabilité qui incombe en particulier au ministère de l’Énergie et de l’Eau, en raison de l’incapacité de l’État à garantir l’approvisionnement en électricité, de la chute du pays dans l’obscurité, et des citoyens asphyxiés par les émissions des générateurs et assourdis par leurs nuisances sonores, pour peu que le carburant assurant leur fonctionnement soit disponible.

Nous avons l’espoir que ce ministère saura accomplir des progrès concrets et tangibles dans ce secteur, qui aboutiront à un changement systémique et au commencement d’une nouvelle ère. Nous considérons la crise énergétique que nous traversons comme une opportunité d’envisager une alternative propre, sûre et renouvelable. Aujourd’hui, cette alternative est dorénavant plus que jamais une solution à la faisabilité économique évidente. En effet, plutôt que de conférer au Liban le contrôle d’une source énergétique, cela lui permet de produire sa propre énergie, évitant ainsi de drainer les fonds en dollars du Trésor et des citoyens.

Le secteur de l’énergie est en tête de liste des secteurs polluants au Liban. D’après de nombreuses études et rapports internationaux longtemps négligés au cours des précédentes étapes de planification, il exerce un impact nocif considérable sur la santé publique et l’économie. Selon une étude de Greenpeace, le taux de mortalité et les pertes économiques estimées résultant de la pollution de l’air au Liban figuraient parmi les plus élevés de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.

Les pertes d’Eléctricité Du Liban (estimées à environ 1 à 2 milliards de dollars par an) étant l’un des contributeurs majeurs à la dette publique massive et à la crise économique actuelle, il est plus que jamais nécessaire d’investir dans les énergies renouvelables, notamment en raison des obstacles liés à l’obtention du carburant nécessaire au fonctionnement des centrales thermiques.

Rien n’empêche le Liban de s’orienter rapidement vers l’adoption des énergies renouvelables à grande échelle, que favorisent la géographie du pays et la mutation des facteurs économiques, au lieu de continuer à investir dans le secteur de la technologie utilisant des énergies fossiles, désormais plus onéreuses que les énergies renouvelables sur les marchés mondiaux, et pour lesquelles les communautés paient le prix fort en termes d’impacts néfastes, comme la pollution et les troubles de santé.

Investir dans des programmes d’énergie solaire et encourager leur adoption massive requiert de l’audace, de la volonté et de la positivité, tant à l’échelle politique que sur le plan sociétal. Nous sommes de ceux qui estiment que la société libanaise est prête à relever un tel défi, en particulier à la lumière de la nécessité urgente apparue au cours de l’année dernière, marquée par une succession de crises. Nul besoin de compétences financières, économiques et commerciales pour mesurer les résultats d’une telle transition, mais plutôt de vision et de prévoyance pour rendre compte de l’intérêt général pour cette génération et toutes les générations à venir.

Un large éventail d’études, dont la nôtre, ont démontré la nécessité de définir les énergies renouvelables, notamment l’énergie solaire, en tant que pierre angulaire de tout plan lié au développement de ce secteur au Liban, ou destiné à le sauver d’une crise profonde comme celle que nous traversons aujourd’hui. Il est incontestable que les bénéfices directs et indirects dépasseront grandement ceux liés à tout nouvel investissement dans des énergies fossiles destinées à produire de l’électricité.

L’État libanais s’est engagé à produire 18 % de la demande en électricité à partir de sources d’énergie renouvelables d’ici 2030, et cet engagement atteindra à 30 % en cas d’octroi de l’aide financière internationale soumise à conditions. Le ministère a approuvé ces pourcentages, mais nous sommes aujourd’hui confrontés à une situation critique qui nous incite à agir rapidement pour les atteindre, voire les dépasser. La crise survenue au Liban a révélé de nombreux aspects négatifs résultant de la dépendance vis-à-vis de l’extérieur pour répondre à nos besoins énergétiques.

Il est impératif que le ministère renonce à ses plans et agissements irresponsables antérieurs, notamment axés sur des mesures rapides et à court terme et sur la production d’électricité temporaire, et ayant conduit à notre situation actuelle.

Sachant que le mandat du ministère devrait être de courte durée jusqu’à la tenue des élections législatives, nous recommandons d’établir des bases solides qui ouvriront la voie aux ministères suivants. L’élaboration d’une vision pour le secteur de l’énergie et les consultations doivent être appropriées et transparentes avec toutes les parties prenantes, y compris la société civile et les ONG.

Une réforme clé pouvant garantir la continuité au fil des mandats ministériels est la création d’un organisme de réglementation indépendant fondé sur la loi 462 de 2002, et détenant les pleins pouvoirs pour la délivrance de licences et la détermination de tarifs.

En outre, l’aide financière censée être reçue (comme le programme du FMI et les droits de tirage spéciaux du FMI d’environ 860 millions de dollars) ne devrait pas être allouée à des solutions à court terme comme ce fut le cas, mais plutôt à des réformes sectorielles et des solutions durables qui édifient des bases solides pour le secteur de l’énergie. Par exemple, le financement d’un mécanisme de subvention des systèmes d’énergie solaire décentralisés pourrait être privilégié par rapport aux subventions des carburants, afin de réduire la dépendance vis-à-vis des générateurs diesel polluants. L’obtention de financements pour moderniser le réseau électrique devrait également être une priorité.

Le ministère devrait par ailleurs immédiatement mettre fin aux négociations et délivrer des licences pour l’appel d’offres des 180 mégawatts mis aux enchères en 2020, et concernant la construction de 12 centrales solaires à travers le pays.

Enfin, La priorité devrait être octroyée à la soumission au Parlement d’un projet de loi sur les énergies renouvelables décentralisées et l’efficacité énergétique.

Nous devons considérer la crise actuelle comme une opportunité de rompre avec nos activités et pratiques habituelles centrées sur des solutions à court terme non durables et nocives, comparables à des injections de morphine, et nous engager dans une transformation durable du secteur électrique basée sur les énergies renouvelables.

Ghiwa Nakat est directrice exécutive de Greenpeace pour la zone Mena.

Monsieur le Ministre,En premier lieu, nous aimerions vous féliciter pour votre récente prise de fonction, compte tenu notamment de la considérable responsabilité qui incombe en particulier au ministère de l’Énergie et de l’Eau, en raison de l’incapacité de l’État à garantir l’approvisionnement en électricité, de la chute du pays dans l’obscurité, et des citoyens asphyxiés...

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