Vue d’une expatriée : l’avantage de regarder son pays de loin

L’avantage de vivre les événements qui se déroulent dans mon pays à travers la seule lecture des journaux et des commentaires des lecteurs, c’est que ce ne sont plus les tripes qui parlent, puisque je ne suis pas sur place, que je ne « risque rien », mais la raison seule, l’analyse du vocabulaire des commentateurs et les idées qui circulent.

La manifestation « pacifique » des factions chiites destinée à intimider le juge Bitar a donné lieu à des commentaires qui donnent pour la première fois un éclairage sur la voie vers laquelle se dirige le Liban. Même si cette voie était présente dans les esprits depuis fort longtemps, le fait qu’elle soit verbalisée à de nombreuses reprises dans les commentaires des lecteurs lui donne davantage de pertinence.

Personne ne semble étonné de voir affirmer que les affrontements, quels qu’en soient les réels initiateurs, aient eu lieu lors de ce qui est décrit comme un « envahissement d’un territoire chrétien par des miliciens en armes » chiites.

Or, lorsque l’on veut chasser de « chez soi » ceux qui n’y sont pas bienvenus, parce qu’ils ont leur propre « chez eux », c’est que « chez soi », ce n’est plus un territoire que l’on souhaite partager avec les « autres ». D’autant plus que les « autres » chiites arrivent armés et avec des slogans hostiles afin d’affirmer bien clairement que même dans ce que les chrétiens considèrent comme leur territoire, ils font la loi.

Or, cette contestation affirmée maintes fois par les commentaires des lecteurs de L’OLJ en particulier vont bien au-delà de la libération de la parole qui a désacralisé le leader des chiites dont la rhétorique va-t-en-guerre, les menaces et son doigt levé ne font plus guère peur à personne.

Ne plus avoir peur du loup-garou dit clairement que les Libanais ne sont plus dupes en ce qui concerne les motivations dudit loup qui ne veut rien moins que les manger tout crus, mais affirmer que ses sbires ne sont pas bienvenus dans les territoires chrétiens va bien au-delà de la simple émancipation du pouvoir irano-chiite.

Ce que je perçois en regardant mon pays de loin, c’est que l’idée de séparatisme commence à réapparaître comme étant la seule solution qui redonnera à chaque communauté la possibilité d’exprimer son originalité en dehors de toute mainmise d’un pouvoir étranger sur sa destinée.

Quand « chez-soi », les « autres » ne sont plus les bienvenus, c’est que l’idée d’un futur commun a disparu.

C’est aujourd’hui un processus qui a commencé sa marche vers l’éclatement du Liban en plusieurs entités indépendantes.

C’est peut-être mieux qu’un pays uni subissant la tutelle d’obscurantistes mollahs étrangers !

Chypre

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.