L’exercice n’était pas facile. Pour la première fois depuis qu’il est devenu secrétaire général du Hezbollah en 1992 après l’assassinat de Abbas Moussaoui, Hassan Nasrallah s’est adressé tout au long d’un discours de 90 minutes aux chrétiens du Liban. Après les incidents sanglants de Tayouné, jeudi dernier, il s’agissait d’une démarche difficile qui s’est articulée autour de trois points : d’abord, attaquer le chef des Forces libanaises et le présenter aux yeux des chrétiens comme le plus grand danger qui les guette en raison de sa volonté permanente, selon lui, de provoquer une nouvelle guerre civile, alors que les rapports de force ne lui donnent pas l’avantage ; ensuite ménager l’armée libanaise en affirmant qu’en dépit de quelques crises, la relation reste excellente avec la troupe ; et enfin, trouver le moyen de ne pas nuire à son allié le Courant patriotique libre et le camp aouniste en général, en évitant de braquer les chrétiens contre sa formation.
Il est vrai que le discours de lundi soir était prévu depuis longtemps et que Hassan Nasrallah avait lui-même annoncé dans sa précédente intervention du 10 octobre qu’il s’exprimerait de nouveau à l’occasion de la naissance du Prophète. Mais après les événements de Tayouné, le discours a pris une nouvelle dimension et a d’ailleurs été suivi à grande échelle. Si les chaînes LBCI et MTV, considérées « chrétiennes », avaient décidé de ne pas le diffuser en direct, chacune pour ses propres raisons, toutes les autres chaînes locales l’avaient fait ainsi que la chaîne al-Jazeera et même, selon des sources proches du Hezbollah, une chaîne israélienne. C’est dire qu’il s’agissait d’un discours important, un de ceux qui marquent un tournant dans la politique du parti chiite, comme celui que Hassan Nasrallah avait prononcé le 25 mai 2000 ou encore celui d’août 2006, après la fin de la guerre de juillet.
Outre sa longueur inhabituelle, cette intervention était donc marquée par le fait qu’il s’adressait principalement à la communauté chrétienne. Dans un exposé détaillé, le numéro un du Hezbollah a rappelé aux chrétiens du Liban ce qu’il appelle « le passé sanglant » du chef des Forces libanaises et les confrontations multiples qu’il a menées pendant les années de la guerre civile et qu’il a, toujours selon lui, toutes perdues. Il est intéressant à ce stade de relever le fait que Hassan Nasrallah a parlé de Samir Geagea sans jamais le nommer, comme il le fait des Israéliens. Pour la première fois, il l’a qualifié d’ennemi et il a essayé d’appliquer avec lui ce qu’il appelle « l’équation de dissuasion » qu’il réserve aux Israéliens. Il a ainsi clairement accusé le chef des FL d’avoir voulu provoquer une nouvelle guerre civile au Liban, à travers les incidents de Tayouné, avant de lui rappeler que le Hezbollah est bien plus fort qu’il ne le croit avec près de 100 000 combattants. Il a aussi mentionné la situation régionale et internationale pour rappeler que désormais, nul n’est prêt à voler à son secours, si une nouvelle guerre devait éclater. C’est exactement la même logique que le parti chiite utilise avec les Israéliens en les menaçant de missiles sophistiqués, de drones et autres armes que sa formation posséderait en quantité, et en insistant sur le retrait américain imminent de la région.
C’est en réalité la première fois que le Hezbollah traite de cette façon une partie libanaise. En général, Hassan Nasrallah est connu pour réserver toujours son attitude menaçante aux Israéliens, aux Américains et à leurs alliés, préférant jouer l’apaisement dans les questions intérieures et avec les autres parties politiques du pays. Comme le parti pro-iranien est connu pour ne pas réagir impulsivement à un événement, même s’il s’agit de la mort inattendue de 7 de ses proches ou membres du mouvement Amal, on peut donc dire que ce changement de ton et de qualification de sa part à l’égard des Forces libanaises, et nommément de leur chef, est voulu et marque le début d’une nouvelle étape dans la politique interne de cette formation.
À travers les FL, Hassan Nasrallah a donc adressé un message clair à toutes les autres parties libanaises qui se résume ainsi : désormais, nous ne serons plus indulgents avec tous ceux qui veulent nous entraîner dans une confrontation armée et nous les classerons parmi les « ennemis ». La paix interne est donc pour lui une ligne rouge, et tous ceux qui veulent la mettre en danger seront traités sans ménagement, exactement comme le furent les groupes terroristes qui menaçaient la Békaa du Nord et le reste du Liban ou d’autres. Mais c’est certainement la première fois que le secrétaire général du Hezbollah parle de cette façon d’un parti libanais reconnu et ayant des députés au Parlement. Il s’agit donc d’un changement radical dans l’attitude du parti qui soulève de nombreuses interrogations. Est-ce le signe d’une faiblesse, qui le pousserait à une sorte de fuite en avant pour cacher ses multiples problèmes, ou au contraire celui d’une force, puisqu’il ne craint plus désormais de parler en toute franchise d’une partie locale qui a sa représentativité populaire ?
Justement, ce point a été longuement étudié dans les cercles fermés du Hezbollah entre Hassan Nasrallah et ses conseillers, selon des sources proches du parti. N’y avait-il pas un risque que ces accusations poussent une bonne partie des chrétiens à se rallier aux Forces libanaises et finalement aboutissent à l’affaiblissement du CPL sur le plan populaire ? Finalement, il a été convenu de placer les chrétiens devant une alternative : soit ils se rallient aux FL et se laissent entraîner dans des guerres interminables, coûteuses et difficiles, car les développements internationaux et régionaux ne sont pas en faveur de cette formation ; soit ils cherchent à conclure des accords et des ententes, en dépit des divergences, pour préserver l’unité du pays et la spécificité libanaise.
D’ailleurs, Hassan Nasrallah a consacré une longue partie de son discours au rôle de l’armée libanaise qui, pour lui, reste la garantie du Liban. Alors que beaucoup pensaient qu’il allait aussi critiquer la troupe, il lui a au contraire rendu hommage, rappelant que c’est elle qui constitue l’élément rassembleur entre les Libanais et qu’elle est partie intégrante de la fameuse équation qui, à ses yeux, protège le Liban : « armée-peuple-résistance ».
Comment les Libanais, et en particulier les chrétiens, vont-ils réagir à ce discours essentiel, surtout à l’approche des élections législatives ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais il est certain qu’il y aura un avant et un après discours du 18 octobre 2021.
L’exercice n’était pas facile. Pour la première fois depuis qu’il est devenu secrétaire général du Hezbollah en 1992 après l’assassinat de Abbas Moussaoui, Hassan Nasrallah s’est adressé tout au long d’un discours de 90 minutes aux chrétiens du Liban. Après les incidents sanglants de Tayouné, jeudi dernier, il s’agissait d’une démarche difficile qui s’est articulée...
commentaires (21)
On sent un frémissement dans les lignes de Scarlette. Elle ne doit plus se sentir sereine dans ses décryptages qui ressemblent toujours à des propagandes sans l’ombre d’objectivité. Elle y va en se livrant à des suppositions qui veulent dissuader les libanais de la bonne foi de ce vendu qui a tous les jours un ennemi à ajouter à sa liste qui l’éloigne de plus en plus de sa cause des palestiniens derrière laquelle il se cache depuis des décennies pour justifier son but à posséder des armes qui n’a de but que de terroriser les libanais et les soumettre. Il s’est démasqué tout seul comme un grand, signe de sa détermination à faire hara-kiri devant la gifle qu’il vient de recevoir des libanais courageux qui ne reculeraient jamais face à des mercenaires qui viennent les intimider dans leur région et menacer leurs familles dans leurs maisons. L’honneur donne des ailes et rend les personnes invulnérables et insensibles aux menaces des envahisseurs, et ils l’ont appris à leurs dépens les vendus déguisés en manifestants pacifiques bardés d’armes et de lâcheté comme leurs deux zaims vendus. Les libanais ne sont pas dupes et même ceux qui sont contraints à porter des armes pour les servir finiront par se rendre à l’évidence et rejoindront les vrais héros de la partie pour enfin vivre dans un pays de droits sans armes ni terreur pour bénéficier d’une vie digne et dormir sur leurs deux oreilles sachant que plus personne ne les obligerait à mourir pour rien contre une bouchée de pain.
Sissi zayyat
16 h 04, le 20 octobre 2021