Dans la rhétorique du Hezbollah, la défaite n’existe pas. Ses victoires sont la preuve de sa supériorité militaire. Ses revers servent à alimenter les croyances autour de la martyrologie, au cœur de la pensée chiite, qui font de ses hommes morts au combat des héros de la cause. C’est dans cette double logique que le secrétaire général du parti de Dieu, Hassan Nasrallah, a commenté, lundi, les affrontements qui ont opposé jeudi dernier des membres du tandem chiite Amal-Hezbollah à des éléments armés chrétiens appartenant probablement aux Forces libanaises, dans le secteur de Tayouné. D’un côté, il a fait étalage de sa force, en affirmant pour la première fois qu’il dispose de « 100 000 combattants », une façon d’effrayer l’adversaire, mais aussi de rassurer sa base. De l’autre, il a insisté sur son statut de victime, renouant avec un discours qui a longtemps été central pour le parti et qui réapparaît au premier plan à un moment où les choses se compliquent pour lui sur la scène nationale. Le Hezbollah a en effet été confronté à trois situations délicates en quelques mois, mettant en relief la détérioration de ses rapports avec les autres communautés : l’interception d’une de ses camionnettes transportant un lance-roquettes dans le village druze de Chouaya, les affrontements qui ont opposé des membres du parti aux tribus sunnites à Khaldé et enfin les événements de jeudi dernier.
Par le passé, la formation chiite est toujours sortie renforcée des « incidents » sécuritaires dans lesquelles elle était directement impliquée. Le 13 septembre 1993, l’armée libanaise ouvre le feu sur une manifestation du Hezbollah dans la banlieue sud de Beyrouth. À cette époque, le parti vient de faire son entrée sur la scène politique. Mais cette altercation lui permet de prendre plus de poids dans l’arène libanaise à la suite d’un accord avec le régime syrien, à l’époque puissance occupante. En 2003, le scénario est sensiblement le même. À la suite d’un autre conflit avec l’armée, qui fait des victimes dans la région de Hay el-Sellom, le Hezbollah renforce ses relations avec la Syrie, ce qui le conduit par la suite à participer pour la première fois au Conseil des ministres en 2005.
Rebelote en 2008. La milice chiite est une nouvelle fois opposée à l’armée dans des combats qui se déroulent près de l’église Mar Mikhaël à Chiyah. À la suite de l’incident, le commandant en chef de l’armée de l’époque, Michel Sleiman, est contraint de présenter ses excuses aux commandements du Hezbollah et du mouvement Amal, et des officiers et membres de l’armée sont sanctionnés. Tout cela se traduit politiquement ensuite par l’accord de Doha – après les événements sanglants du 7 mai, au cours desquels le Hezbollah a envahi plusieurs quartiers de Beyrouth et de la montagne – qui accorde une minorité de blocage au parti chiite.
« Pas question que le Hezb tombe dans ce piège »
Le Hezbollah cherche une nouvelle fois à convertir politiquement les derniers incidents. Il ne souhaite pas poursuivre l’escalade sur le plan militaire, mais affaiblir le plus possible le chef des Forces libanaises Samir Geagea dans le bras de fer qui l’oppose à son allié chrétien, Gebran Bassil. Il s’agit pour lui de contrecarrer ce qu’il assimile à un complot, mené par les États-Unis avec l’aide de l’Arabie saoudite et des FL. « Les incidents de Chouaya, de Khaldé et de Tayouné ont été planifiés. L’objectif est de semer la zizanie entre les communautés libanaises pour arriver à un nouvel accord politique qui exigera que le Hezbollah rende ses armes », assure un cadre du parti. Le Hezbollah a très souvent recours à la théorie du complot lorsqu’il s’agit d’analyser un événement sur la scène locale. « D’autres incidents de ce type vont avoir lieu. Mais il n’est pas question que l’on tombe dans ce piège », ajoute le cadre du parti.
Le Hezbollah a désormais un objectif clair : casser la dynamique des FL, à l’approche des élections législatives. Le parti pro-iranien semble considérer que les FL ont le vent en poupe dans la rue chrétienne et qu’elles sont les seules à pouvoir contester sa domination. Pour inverser la tendance, la formation chiite a d’abord envisagé l’arme judiciaire. L’idée était de recourir à la Cour de justice, afin de demander la dissolution des FL ou des poursuites contre Samir Geagea. Mais cette option a été abandonnée pour un certain nombre de raisons, dont la première est que le contexte n’est plus le même que dans les années 1990. En 1997, la Cour de justice avait condamné Samir Geagea à la peine de mort commuée en détention à perpétuité. Celui-ci avait dû attendre le départ des Syriens, en 2005, pour sortir de prison après l’adoption d’une loi d’amnistie par le Parlement. Le Liban n’est plus sous tutelle syrienne et Samir Geagea jouit aujourd’hui d’une certaine popularité dans la rue chrétienne. Une telle action aurait pu au contraire le renforcer. Dès lors, la formation chiite a décidé d’entamer la bataille politique, à quelques mois des législatives prévues pour le 27 mars prochain.
Risque
Le Hezbollah a pour objectif d’isoler les FL afin d’éviter un scénario qui les verrait sortir renforcées des prochaines élections. Hassan Nasrallah n’a pas ménagé ses efforts pour ternir l’image de Samir Geagea auprès des rues sunnite (en rappelant l’épisode de la démission forcée de Saad Hariri en 2017 depuis Riyad, affirmant que le chef des FL avait alors voulu aller directement à de nouvelles consultations parlementaires pour nommer un nouveau Premier ministre), mais surtout chrétienne, dans sa longue allocution de lundi. Le présentant comme la plus grande menace pour la paix civile, et même pour les chrétiens, il a mis en exergue toutes les « fautes » accumulées par le chef des FL par le passé et qui peuvent avoir un certain écho auprès des publics visés.
Mais la stratégie du Hezbollah suffira-t-elle à éviter que les FL l’emportent sur le Courant patriotique libre en mars prochain ? Est-elle en phase avec les attentes de la rue chrétienne ? Si celle-ci n’est pas acquise aux FL, elle semble toutefois de plus en plus hostile au Hezbollah, y compris au sein du public aouniste. D’autant que le parti chiite tente d’entraver l’enquête sur la double explosion du port, qui a ravagé plusieurs quartiers chrétiens de Beyrouth. Le Hezbollah prend clairement un risque, tout comme le CPL. La réaffirmation de leur alliance mais aussi les attaques ciblées contre Samir Geagea pourraient au contraire s’avérer contre-productives. Et faire le jeu de celui qui rêve de prendre la tête de l’opposition au Hezbollah.
Comment peut-on décemment continuer de nommer le parti dirigé par Hassan Nasrallah "parti de DIEU" ? Un parti dont le chef ne sait que menacer, accuser, et qui ose se vanter d'avoir 100 000 combattants ? Il ne connait apparemment pas du tout les enseignements du vrai DIEU dans le Coran et la Bible qui sont: amour du prochain, charité, humilité et une vie selon ses préceptes... - Irène Saïd
15 h 16, le 21 octobre 2021