Sept personnes froidement abattues, une trentaine d’autres blessées. Quoi de neuf ? En 1975-76, avec des bilans quotidiens d’une trentaine de morts tous les jours dans des bombardements aveugles, cette information aurait à peine fait un « point noir » dans le journal. Nous avons oublié qu’à une époque, nous nous sommes joyeusement massacrés les uns les autres, nous avons tiré sur tout ce qui bouge, nous avons égorgé sur la base de l’appartenance confessionnelle ou partisane, nous avons pris un plaisir diabolique à nous adresser des « messages » en déchiquetant, avec des voitures piégées, les Libanais massés devant les boulangeries, les supermarchés et les zones résidentielles.
Notre guerre a été une pure barbarie. Mais nous en avons tourné frivolement la page avec une loi d’amnistie qui puait l’impunité, l’amnésie. Personne n’a eu à rendre des comptes. La mémoire de ces massacres s’est estompée avec le temps et le grand malheur de l’oubli est venu avec l’occupation.
C’est une leçon universelle de toutes les guerres, de tous les moments d’égarement où l’homme revient spirituellement à l’âge de pierre et à l’idolâtrie. Où l’homme est traité comme un rebut dont il faut se débarrasser.
On l’a vu dans l’histoire de l’Allemagne nazie, dans la Russie communiste, dans l’Empire ottoman, au Cambodge, au Kosovo et au Rwanda. Avec de bonnes jumelles, on peut le voir aujourd’hui au Soudan ou en Éthiopie.
La mémoire est indispensable pour que cette barbarie ne se répète pas. Mémoire et pardon sont les deux mots-clés d’une situation autrement insoluble, destinée à se répéter. Mémoire parce que l’oubli est fatal. Pardon parce qu’il efface l’offense, sans en effacer la mémoire.
Sensible à la dimension confessionnelle des incidents de Tayouné, le chef de l’Église maronite a affirmé, dans son homélie dominicale : « La jeunesse libanaise n’a pas été faite pour la guerre, mais pour la fraternité (…). Les jeunes chrétiens sont invités à connaître la vérité de l’islam, sa foi et ses valeurs, et les jeunes musulmans sont invités à connaître la vérité du christianisme, sa foi et ses valeurs. C’est l’essence de ce vivre-ensemble qui est la caractéristique du Liban et sa mission, l’essence de la diversité culturelle et religieuse dans l’unité. »
Au-delà des dépits, des lassitudes, du traumatisme « de trop » que nous venons de subir, ou de la jouissance secrète ressentie par certains, cette approche reste la seule digne de nous et du Liban que nous voulons. Notre guerre ne sera finie que lorsque le pardon sera sollicité et accordé. Des excuses présentées du bout des lèvres ne feront pas l’affaire. Il faut que la sincérité y soit.
La charte des Nations unies, à laquelle a contribué un Libanais, Charles Malek, a été conçue pour « préserver les générations futures du fléau de la guerre qui, deux fois en l’espace d’une vie humaine, a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances ». L’effroyable bilan de ces deux guerres mondiales s’élève respectivement à 20 millions et 70 millions de morts. Dans son préambule, l’acte constitutif de l’Unesco proclame que « les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ». Nous avons peut-être inventé l’alphabet, mais certainement pas la poudre.
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Depuis les nuits du temps Il n’y a jamais eu, et il n’y aura jamais de guerre propre. Dire qu’une guerre a été une pure barbarie est un euphémisme. Rendre le peuple Libanais responsable de la guerre 75/90 et de pure mauvaise foi, et malhonnête à souhait. Nasser, Arfat, Assad nous ont collé les Palestiniens sur le dos…depuis nous subissons d’une manière ou d’une autre la volonté de l’étranger. Le libanais est hospitalier, généreux et courageux. Mais comment pardonner ? à ceux que nous avons accueilli les bras ouverts, et qui nous ont trahis sans vergogne, comment oublier ceux à qui nous avons fait confiance, et qui nous ont vendus sans hésiter un instant. Comment vivre encore ensemble, avec ceux qui nous ont égorgé, pourtant amis d’enfance, camarades d’école, voisins, voisines qui se prétendaient nos frères. Comment calmer nos douleurs pour un frère, sœur, cousine, cousins morts en allant à son boulot, retrouvé criblé de balles. Le Libanais est bon c’est sa nature, mais à force on le prend pour un Con ! Ils sont venus en tant que réfugiés, ils se sont incrustés comme nos égaux, et aujourd’hui ils veulent nous surplanter pour prendre notre place. N’oublions pas le passé, ni le mal qu’ils nous ont causé, s’il faut encore continuer à nous battre faisons le pour notre chère Liberté. Ils sont de Palestine, Syrie, Iran, Irak, et d’ailleurs. Pas de pardon ! pour l’ingratitude, pas d’oubli pour les crimes. Pas de soumissions devant l’arrogance de religieux qui nous menaces de mort.
Le Point du Jour.
22 h 18, le 20 octobre 2021