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Société - Thérapie

« Mémoires d’images », voyage graphique au cœur de la double explosion au port

Un ouvrage commémoratif et caritatif réalisé par Roula Melhem-Chamieh, et présenté par David Sahyoun, Myrna Gannagé et Elio Sassine
« Mémoires d’images », voyage graphique au cœur de la double explosion au port

La couverture de l’ouvrage : un bel immeuble traditionnel... avant sa destruction.

La marque d’un bon livre, c’est qu’en le refermant, on se sent mieux. C’est le but recherché par Roula Melhem-Chamieh, psychopraticienne, auteure d’un ouvrage, Mémoires d’images, consacré à la double explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth. Juriste reconvertie dans la thérapie et les techniques de libération émotionnelle, Mme Chamieh, qui vit entre Paris et Londres, a produit Mémoires d’images comme un album qui transpose, sous forme de dessins au crayon, des épisodes douloureux du terrible drame qui a fait 220 morts et près de 3 000 blessés. Au lecteur ensuite de s’identifier à l’épisode dessiné et de le colorier s’il en a l’envie en un moment de méditation et d’extériorisation de ses sentiments. Chaque image véhicule des valeurs : le partage, la rencontre, la construction, la création, etc. L’ouvrage comprend quatre textes introductifs de Roula Melhem-Chamieh, du psychanalyste David Sahyoun, du psychiatre Elio Sassine et de Myrna Gannagé, présidente de l’Association pour la protection de l’enfant de la guerre, organisme bénéficiaire exclusif des ventes de l’ouvrage. « Chaque image, écrit Myrna Gannagé, permettra d’entreprendre un nouveau voyage (…) et la transformation de la mémoire traumatique des Libanais en une mémoire oublieuse travaillée par la pensée et en transformation incessante, selon l’expression de Micheline Enriquez. »

En avant-propos, le psychanalyste David Sahyoun explique ainsi cette démarche : « Le travail d’extériorisation des affects par le dessin entrepris par Mme Melhem-Chamieh est important, sinon nécessaire, particulièrement auprès des enfants. (…) Ceci est encore plus prévalent lorsqu’on sait que le particularité d’un traumatisme est que ses effets ne peuvent se réduire aux signes extérieurs. Pour le sujet qui le subit, les répercussions agissent en profondeur, elles demeurent enfouies, enkystées en quelque sorte, et peuvent continuer à affecter son existence à son insu. Il s’agit donc de se méfier de la tendance à considérer que si l’enfant (ou l’adulte) ne parle plus du traumatisme subi, cela signifie “qu’il a oublié” ou que “c’est passé”, comme certains le disent un peu trop rapidement. »

« L’expérience clinique, ajoute le psychanalyste, nous révèle qu’à ce jour, au Liban, des enfants, des adolescents et des adultes manifestent encore des symptômes post-traumatiques tels qu’une grande vulnérabilité affective, des troubles alimentaires, des sommeils troublés de cauchemars, de la rage et de la colère inhibés, des angoisses, de la culpabilité, des signes de dépression, le recours à des solutions addictives, sans ignorer la gravité de l’effroi causé par un sentiment de mort imminente. »

« Il m’a été reproché de ne pas avoir mis une courte explication à chaque illustration, se défend Mme Chamieh. Mais l’idée est précisément de ne pas figer ces histoires traumatiques et de permettre à travers leur lecture méditative – silencieuse ou colorée – de transformer ce vécu et ses traumas, sans jamais les effacer. On ne peut pas effacer ces traumatismes, on les travaille pour les transformer. » « Ces récits, précise-t-elle quand même, sont tantôt ceux d’amis, tantôt ceux de personnes accompagnées en thérapie. » Il y a donc, cachés sous l’anonymat des dessins, des récits de survivants de la double explosion, la tête criblée d’éclats de verre, errant dans les rues à la recherche d’un ambulance ; il y a la narration de la femme sur son balcon qui a couru vers l’intérieur dès la première explosion et dont l’appartement s’est volatilisé quelques secondes plus tard ; il y a le souvenir de la personne de l’immeuble Skyline sauvée de la mort par le blindage d’un ascenseur ; celui d’un jeune secouriste qui, après avoir balayé jour et nuit les rues jonchées de débris, quitte le Liban, effaré par l’indifférence et l’absence de l’État ; celui de cette femme tétanisée en plein cours de yoga enveloppée de bris de verre et dont mantra om a été englouti par le tonnerre de la déflagration.

Dans son avant-propos, l’architecte Fadlallah Dagher, membre de la Beirut Heritage Initiative, écrit : « Au matin du 5 août (…), ce qui frappe, c’est le silence. Les oiseaux sont partis, emportés par le souffle de l’explosion et la terreur (…) Un chaton, April, et un chiot, Ivy, eux aussi ont disparu. On les retrouvera plus tard, seize heures après le blast, terrés au fond d’une armoire éventrée. Plusieurs jours durant, ils resteront sonnés, sourds et muets. (…) Les fêlures sont là, en moi et en chacun, comme dans les murs de chacune des maisons (…) »

« Pour chaque histoire, commente Mme Chamieh, un artiste a fait un dessin que le lecteur peut colorier à loisir, dans un essai pour comprendre le vécu de la personne dont le drame est symbolisé graphiquement. Au nombre des dessinateurs, figurent des victimes, des bénévoles ainsi que des artistes dont nous avons décidé de ne pas publier les noms dans l’édition libanaise pour ne pas laisser leur notoriété interférer avec l’effet thérapeutique de la démarche. » « La mémoire peut être guérie, mais à condition de la « travailler », conclut Mme Chamieh. Les traumatismes dus aux explosions du 4 août 2020 sont complexes du fait qu’ils sont certes individuels, chacun dans son vécu et son histoire, mais que, dans le fond, il s’agit aussi d’un traumatisme collectif. En thérapie, nous savons aujourd’hui qu’une restauration, une réparation éthique, sinon juridique, est indispensable pour accélérer le processus de guérison. Or, nous sommes bien loin de ce schéma. J’ose croire que Mémoires d’images servira à accepter sans honte nos propres émotions et à les travailler pour les générations à venir. »

Les recettes des ventes de l’ouvrage seront versées intégralement à l’ONG libanaise L’Association pour l’enfant de la guerre, présidée par Myrna Pierre Gannagé. Créée en en 1996 après le bombardement par Israël du camp de la Finul, près de Cana, cet ONG, qui assure le suivi psychologique des personnes affectées par des traumatismes, a rendu service entre 1996 et 2021 à quelque 9827 enfants et adultes atteints de pathologies diverses et assuré le suivi de quelque 700 enfants et adolescents signalés par le juge des mineurs. Elle a été récompensée en 2008 par le Prix des droits de l’homme de la République française.

Le lien pour la vente au Canada et aux USA de l’ouvrage est déjà actif : https://boutique.bouquinbec.ca/memoires-d-images.html

En France, il sera disponible à la FNAC. Il est en vente au Liban dans les librairies Antoine (hors centres commerciaux), Boueri (Kaslik), Valiza (Verdun) et Idéale (Antélias), et quelques points de vente : musée MIM et le café Lina’s (ABC Achrafiyé et Dbayé).

La marque d’un bon livre, c’est qu’en le refermant, on se sent mieux. C’est le but recherché par Roula Melhem-Chamieh, psychopraticienne, auteure d’un ouvrage, Mémoires d’images, consacré à la double explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth. Juriste reconvertie dans la thérapie et les techniques de libération émotionnelle, Mme Chamieh, qui vit entre Paris et Londres, a...

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