
Le port de Beyrouth dévasté par l’explosion du 4 août 2020. Anwar Amro/Archives AFP
Comme un signe de méfiance envers l’action du parquet de cassation dans l’affaire de la double explosion au port, l’ordre des avocats de Beyrouth, mandataire de plusieurs personnes touchées par la tragédie du 4 août 2020, a présenté lundi un recours pour suspicion légitime contre le procureur général de cassation par intérim, Ghassan Khoury, devant la sixième chambre de la Cour de cassation présidée par Randa Kfoury, pour le dessaisir du dossier. Au cas où la Cour de cassation juge que les critères d’impartialité ne sont pas appliqués par M. Khoury, elle pourrait alors l’écarter de l’affaire qui serait confiée à un autre magistrat.Ghassan Khoury remplace à son poste Ghassan Oueidate qui s’était récusé en décembre dernier en raison de son lien de parenté avec le député Ghazi Zeaïter, mis en cause dans le dossier.
« L’ordre des avocats considère que Ghassan Khoury ne conduit pas de manière objective et énergique l’action publique dont il a la responsabilité dans ce dossier qui concerne pourtant des centaines de morts et des milliers de blessés », résume un avocat bien informé de la démarche de l’ordre présidé par Melhem Khalaf. « Il a donc demandé à la chambre de la Cour de cassation en charge de statuer sur l’objectivité des magistrats d’examiner tous les agissements dont fait montre le procureur depuis plus d’un an, pour s’assurer qu’ils sont conformes au rôle du parquet, à savoir la représentation de la société libanaise », note-t-il. Un autre avocat ayant requis l’anonymat explique à L’Orient-Le Jour que « la requête de l’ordre des avocats n’est pas une plainte portée contre le procureur, mais l’expression d’un doute quant à son indépendance ». « Plutôt que d’être le fer de lance de l’action contre toute personne impliquée dans le crime, M. Khoury tente d’épargner aux hauts responsables et fonctionnaires une reddition des comptes », argue l’avocat, déplorant dans ce cadre que « le procureur n’ait pas porté plainte devant le juge Bitar contre les anciens ministres impliqués et ne se soit pas opposé au refus du ministre sortant de l’Intérieur, Mohammad Fahmi, d’autoriser les poursuites contre le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, ni à celui du Conseil supérieur de la défense de permettre l’interrogatoire du directeur de la Sûreté de l’État, Tony Saliba ».
Dans les milieux proches de Ghassan Khoury, on rétorque plus particulièrement que seul le Parlement est compétent pour mettre en accusation les anciens ministres concernés, les actes qui leur sont reprochés constituant des négligences de leurs obligations professionnelles et non des crimes de droit commun, contrairement à ce que soutient le juge d’instruction Tarek Bitar.
Un crime en soi
L’avocat précité évoque par ailleurs « un manquement » dont le procureur aurait fait preuve avant l’explosion. « M. Khoury avait gardé sans suite un rapport faisant état de la présence d’une énorme quantité de nitrate d’ammonium, alors qu’il occupait le poste d’avocat général près la Cour de cassation », avance-t-il, estimant qu’« il aurait dû ouvrir une enquête du fait même de la présence de cette matière explosive, indépendamment de la survenue de l’explosion ». « Il aurait dû considérer que stocker cette marchandise dangereuse en pleine ville est en soi un crime, puisque le nitrate d’ammonium doit être emmagasiné dans les entrepôts de l’armée, sous la supervision du ministère de la Défense. » On sait que le parquet de cassation avait à l’époque simplement ordonné l’obturation d’une brèche constatée dans le mur du hangar numéro 12 contenant le nitrate d’ammonium. Sur le plan procédural, « la Cour de cassation devra d’abord notifier la requête à Ghassan Khoury, ainsi qu’aux parties mises en cause dans le procès, au Liban et à l’étranger », précise l’avocat, soulignant qu’« elle doit attendre dix jours à partir de la dernière notification avant de statuer sur le fond ». « À partir de sa notification, le procureur dispose d’un délai de dix jours pour répondre au recours présenté devant la Cour de cassation. Celle-ci statuera au bout de ce délai, même si la réponse ne lui est pas parvenue », explicite-t-il. « Entre-temps, l’instance aura demandé au juge d’instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, de lui communiquer les procès-verbaux de l’enquête pour vérifier si M. Khoury s’était comporté comme un véritable mandataire des citoyens », indique-t-il, précisant par ailleurs que « dans l’attente du jugement, le procureur n’est pas légalement obligé de suspendre ses fonctions du seul fait qu’il fait l’objet de suspicion, sauf si la Cour de cassation en décide ainsi ».
Une source proche du parquet de cassation affirme à L’OLJ que Ghassan Khoury ne compte pas geler son action en l’absence d’une décision judiciaire en ce sens. De même source, on critique le fait que l’ordre des avocats a demandé le dessaisissement du juge alors qu’en réalité celui-ci est partie au procès et non pas chargé du procès.
Comme un signe de méfiance envers l’action du parquet de cassation dans l’affaire de la double explosion au port, l’ordre des avocats de Beyrouth, mandataire de plusieurs personnes touchées par la tragédie du 4 août 2020, a présenté lundi un recours pour suspicion légitime contre le procureur général de cassation par intérim, Ghassan Khoury, devant la sixième chambre de la Cour...
commentaires (7)
Quelque soient nos commentaires, le complot, la dislocation du pays et la mainmise dessus par le 10eme siècle AD, continuent.
Wlek Sanferlou
20 h 56, le 02 septembre 2021