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Lifestyle - Patrimoine mondial

Méroé, l’empire oublié des pharaons noirs

Inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, le site est un des joyaux du Soudan. Les textes égyptiens, grecs et romains, ainsi que la Bible en font mention, et Hérodote rapporte que l’on y attachait les prisonniers avec des entraves d’or. 

Méroé, l’empire oublié des pharaons noirs

Selon l’Unesco, l’ensemble pyramidal du royaume de Kouch est un des plus étendus au monde.Photos Ron Van Œrs/Unesco

Dans un océan de sable, émergent les vestiges des pyramides, des palais et grandes demeures de l’antique royaume Méroé, qui s’étendait sur 1 500 km, du sud de l’actuelle ville de Khartoum jusqu’à la frontière égyptienne. Appelé royaume de Koush par la Bible, Éthiopie – « pays des visages brûlés » –, par les Grecs et les Romains, ou encore Nubie, le royaume a rayonné du IIIe siècle avant J-C au IVe siècle de notre ère, avant d’être détruit par Axoum, le royaume chrétien d’Éthiopie. Ses souverains ont été tour à tour partenaires commerciaux, adversaires et vassaux des pharaons égyptiens. Mais leurs ancêtres ont régné sur l’Égypte entre les VIIIe et VIIe siècles avant J-C. Ce qui leur a valu le nom de pharaons noirs.


Sites archéologiques de l’île de Méroé (Soudan).

Dans la revue historique Clio, Claude Rilly, égyptologue et épigraphiste, directeur des fouilles archéologiques françaises de Sedeinga (Nubie soudanaise), relate qu’en 730 avant J-C, le roi koushite Piankhy s’empare de l’Égypte au nom d’Amon, et « les peuples du Proche-Orient abasourdis voient triompher jusqu’en Palestine ces guerriers hautains issus du cœur de l’Afrique, comme en témoigne le livre d’Isaïe ». Les koushites seront chassés d’Égypte par les Assyriens. Le royaume Kouch, qui fait aujourd’hui partie du Soudan moderne, abrite trois fois plus de pyramides que l’Égypte. D’après l’Unesco, « son ensemble pyramidal est l’un des plus étendus au monde ». 200 à 250 monuments funéraires sont répartis entre les sites de Méroé, de Naqa et Musawwarat as-Sufra. Mais les plus connus sont ceux qui ont été édifiés à Méroé, capitale du royaume de Koush, dont la civilisation bien particulière mêlait les influences africaines, égyptiennes et gréco-romaines. L’antique capitale présente d’exceptionnelles ruines, notamment des temples, des palais, des bâtiments d’habitation et de pyramides où ont été inhumés une quarantaine de rois et de reines, et autant de gens de la noblesse. Dressés en plein désert, ces monuments funéraires, de six à 30 mètres de haut, sont plus petits et nettement plus pentus que ceux de l’Égypte. Des sanctuaires à pylônes gravés sur les parois d’hymnes aux divinités leur sont accolés pour accompagner les défunts dans l’au-delà. Ceux-là n’étaient pas enterrés comme les momies égyptiennes : ils reposaient sur le dos, la tête tournée vers l’Occident.

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Et les souverains étaient tout à la fois associés au dieu égyptien Amon, illustré sous forme de bélier, et au dieu local Apédémak, à tête de lion. Garants de l’ordre du monde, ils étaient avant tout des guerriers, comme l’attestent les dessins des stèles ou bas-reliefs représentant des ennemis captifs et ligotés. Les reines qui ont accédé au pouvoir sous le titre de « candaces » figurent également dans une posture guerrière. À titre d’exemple, une stèle représente la candace Amanishakhéto brandissant une épée et tenant par les cheveux les soldats d’Auguste, qu’elle affronte à cheval.

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Statue méroïtique d’un roi archer Tabo (Argo), IIe siècle avant J-C, Khartoum, Soudan, photo musée national. Musée du Louvre/Georges Poncet

Le pillage par Ferlini

La nécropole royale de Méroé a été découverte en 1822 par le Français Frédéric Cailliaud, minéralogiste officiel du vice-roi d’Égypte Méhémet Ali, et qui, à ce titre, explorait la région à la recherche des mines. Remontant la vallée du Nil, il découvre les temples et les pyramides de Méroé et laisse des descriptions complètes des principaux vestiges archéologiques. En 1834, l’Italien Giuseppe Ferlini, médecin militaire au service de l’armée du même Méhémet Ali, utilise habilement les plans de Frédéric Cailliaud pour démanteler et piller le tombeau pyramidal de la reine Amanitore qui régna sur le royaume de Koush de l’an 1 avant J-C à 20 après J-C. Ferlini en exhuma des centaines de bracelets, de bagues, d’amulettes et autres. Un trésor que se partagent aujourd’hui les musées de Berlin et de Munich, et dont une grande partie a été donnée à voir lors d’une exposition au musée du Louvre en 2010, à côté des céramiques, des stèles inscrites, orfèvrerie, art statuaire et ornements provenant du royaume de Koush. Tous témoignent d’une époque brillante et de la vie quotidienne des Méroïtes. Selon Claude Rilly, les Méroïtes possédaient une administration forte, des armées redoutées qui ont infligé des défaites à l’Empire romain. Mais Méroé était surtout une exceptionnelle voie commerciale reliant deux mondes, la Méditerranée et l’Afrique subsaharienne, passage obligé de l’or, de l’ivoire, de l’ébène ou des peaux de panthères vers des contrées lointaines. En atteste l’épave de l’âge du bronze qui a sombré à Uluburun, site archéologique sous-marin, situé au sud de Kas, en Turquie, dans la mer Méditerranée. Entre 1984 et 1994, plusieurs campagnes de fouilles ont été menées pour faire remonter à la surface des lingots de cuivre et de cobalt, des défenses d’éléphants et d’hippopotames, des coquillages du type murex, des jarres cananéennes contenant des olives, des vases chypriotes, des bijoux et objets en or, des agates, cornalines, quartz, ainsi que des armes telles des pointes de flèches, têtes de lance, masses, dagues et épées en bronze et or. Roi ou reine dominait une brillante civilisation, basée également sur une agriculture prospère. D’après l’Unesco, les réservoirs d’eau découverts contribuent « à la compréhension du paléoclimat et du régime hydrologique de la région aux derniers siècles avant J-C et aux premiers siècles après J-C ». Reste toutefois qu’après des décennies de tentatives, le déchiffrement de l’écriture méroïtique reste infructueuse. « La langue méroïtique, l’“étrusque de l’Afrique”, est une des énigmes les plus difficiles que nous aient léguées les civilisations antiques », indique Claude Rilly, l’incontournable spécialiste de l’épigraphie méroïtique. Il explique que cette civilisation avait connu l’écriture égyptienne, mais, à partir du IIe siècle avant notre ère, elle a créé sa propre écriture.

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Ou plus exactement ses deux écritures de 24 signes chacune. L’une, hiéroglyphique, servait uniquement pour les textes religieux et les inscriptions royales. L’autre, cursive, à usage plus vaste. Aucun document bilingue, comparable à la pierre de Rosette (pour les hiéroglyphes), n’a encore été mis au jour, pour résoudre le mystère de cette langue.

Kerma, Napata et Méroé

Les archéologues ont adopté le terme de Royaume de Koush, car c’est l’ancien nom donné à la Nubie, un mot grec apparu au IIIe siècle avant Jésus-Christ. L’autre nom donné est le Royaume de Kerma, qui fut la première capitale (2600-1520 avant notre ère) des trois périodes koushistes. Il y a eu ensuite le Royaume de Napata puis celui de Méroé, qui va dominer la région (de 275 avant J-C à 350 de l’ère chrétienne).

Dans un océan de sable, émergent les vestiges des pyramides, des palais et grandes demeures de l’antique royaume Méroé, qui s’étendait sur 1 500 km, du sud de l’actuelle ville de Khartoum jusqu’à la frontière égyptienne. Appelé royaume de Koush par la Bible, Éthiopie – « pays des visages brûlés » –, par les Grecs et les Romains, ou encore Nubie, le royaume...

commentaires (1)

Merci à May Makarem pour cet article très intéressant qui donne l’envie d’aller visiter le soudan dès que ce Pays aura retrouvé le calme nécessaire à l’attrait du tourisme. On avait vaguement entendu et lu quelques ouvrages succincts sur les Pharaons noir, mais l’article pousse notre curiosité d’aller voir un jour de plus près.

Le Point du Jour.

20 h 32, le 22 août 2021

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Commentaires (1)

  • Merci à May Makarem pour cet article très intéressant qui donne l’envie d’aller visiter le soudan dès que ce Pays aura retrouvé le calme nécessaire à l’attrait du tourisme. On avait vaguement entendu et lu quelques ouvrages succincts sur les Pharaons noir, mais l’article pousse notre curiosité d’aller voir un jour de plus près.

    Le Point du Jour.

    20 h 32, le 22 août 2021

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