Les gravures rupestres repérées en 2018 dans la vallée de Wadi Fazaa et à Kroum Metowmeh – terrains relevant du domaine de la municipalité de Mounjez, au Akkar – constituent une « découverte exceptionnelle » et « un patrimoine unique pour le Liban », affirme Tara Steimer-Herbet, archéologue suisse de l’Université de Genève et chef de mission à Mounjez, dans l’extrême nord du Liban.Leur modélisation 3D, financée par l’Université de Genève et la fondation suisse Gandur pour l’Art, a été effectuée en juin dernier, avec la collaboration de la Direction générale des antiquités, de Florian Cousseau (Université de Genève) et de Zuzanna Wygnanska, de l’Académie polonaise des sciences de Varsovie. Trois technologies ont été utilisées : des photographies par drone, de la photogrammétrie et des photographies avec éclairage rasant. Le rendu est à plusieurs échelles, allant de la vallée dans son ensemble jusqu’aux gravures, avec des vues rapprochées pour les détails des dessins: signes géométriques comme des triangles, des cercles ou des croix, mais aussi des lignes sinueuses gravées, piquetées, représentant une iconographie ophidienne, le serpent ayant un rôle important dans les cultures néolithique et chalcolithique.
« La numérisation 3D de ces deux sites n’a pas son équivalent à ce jour au Liban, ni même au Proche-Orient, c’est un travail littéralement pionnier au Levant. Il constitue une sauvegarde tridimensionnelle des gravures et de leur contexte », signale l’archéologue Samar Karam, responsable de la région Liban-Nord à la Direction générale des antiquités (DGA). Mais il reste à savoir qui a gravé ces signes et ces serpents dans les affleurements de basalte du village de Mounjez.. Quelle est la signification de ces signes apparus à la même époque que les tombes mégalithiques des IVe et IIIe millénaires avant l’ère chrétienne ? Pour répondre à ces questions, un projet de recherche ambitieux, le « MEG-A : les premiers bâtisseurs de mégalithes dans le Levant nord » , sera lancé en 2022. Il comprend une approche multidisciplinaire des vestiges archéologiques et paléo-environnementaux du Akkar aux IVe et IIIe millénaires av. J.-C.
Financé pour quatre ans (2022-2025) par le Fond national suisse et le Narodowe Centrum Nauki (The National Science Centre, de Cracovie, Pologne), il regroupera archéologues, géologues, archéo-botanistes, archéozoologues, et spécialistes de la télédétection, de la modélisation, de l’analyse spatiale et de l’art rupestre. « Malgré les nombreuses études qui ont fourni des preuves de l’existence d’environ 15 000 tombes mégalithiques au Proche-Orient, on sait encore très peu de choses sur les communautés qui ont construit et utilisé ces tombes. L’absence de chronologie absolue de ces monuments constitue un obstacle majeur. La recherche proposée explorera l’identité culturelle des bâtisseurs de mégalithes du Akkar, leurs stratégies de subsistance, leurs interactions avec le paysage et avec d’autres communautés mégalithiques du Levant, ainsi que leur rôle dans l’émergence des premières cités-États », indique Mme Karam, ajoutant que « seule une approche multidisciplinaire permettra d’obtenir une image holistique, de répondre à des questions importantes et d’expliquer les moyens de subsistance des communautés mégalithiques dans la zone du Akkar au cours des IVe et IIIe millénaires avant J.-C. (chalcolithique tardif - bronze ancien I) ». Les études seront menées par deux équipes basées à UniGe-LAP (l’Université de Genève) et à l’Iksio PAN (Académie polonaise des sciences – Varsovie).
La plus large nécropole mégalithique sur la côte Est
« Les communautés préhistoriques du Akkar ont érigé des tombes monumentales, dans un environnement sous-optimal dans les hautes terres basaltiques. Cette période se caractérise par la mise en place d’une autorité de plus en plus centralisée dans les plaines et le littoral corrélée à une complexité économique », précise pour sa part Tara Steimer-Herbet. Elle signale que contrairement aux autres sites mégalithiques de la région, les tombes du Akkar sont accompagnées de structures de type maison et de deux sites d’art rupestre en plein air. Pour un petit rappel, 87 tombes ont été étudiées et enregistrées par le père jésuite Maurice Tallon dans les années soixante. Il n’en reste aujourd’hui qu’une cinquantaine. Selon le site de l’Unesco, les monuments « constitueraient la plus large nécropole mégalithique découverte sur la côte Est de la Méditerranée ». Et toujours selon le site de l’Unesco, « si quelques-unes ont été démantelées par des paysans, leurs pierres sont restées intactes, et on peut facilement reconstituer leur forme originale et retrouver leur localisation ».
Tara Steimer-Herbet explique par ailleurs qu’en utilisant la documentation numérique et l’enregistrement des sites de Mounjez dans la base de données Arches (Assessing Regional Changes to Habitats, ou Support pour l’évaluation des changements régionaux des habitats), le Getty Conservation Institute et le World Monuments Fund pourront fournir au secteur du patrimoine international un système d’information géographique (SIG) basé sur le Web, qui permettra l’inventaire et la gestion du patrimoine immobilier. Ainsi, la DGA pourra surveiller un patrimoine archéologique majeur en danger. « Rien qu’à Mounjez et Freidis, cinq monuments bien conservés ont été détruits depuis nos travaux de valorisation en 2018 », dit-elle. Rappelons qu’en 2017 et 2018, Mounjez a fait l’objet d’un projet de valorisation et de protection des tombes mégalithiques grâce à un fonds du British Council et à l’action conjointe de l’Université de Genève, du musée de Préhistoire libanaise et du Château-Musée français de Préhistoire de Bélesta, de la municipalité de Mounjez et de la DGA. Un parcours pédestre a été élaboré pour découvrir 11 tombes mégalithiques et une maison du patrimoine, ainsi que les vestiges du château croisé, les églises Notre-Dame du Fort et Saint-Daniel, mais aussi le temple romain, unique édifice cultuel construit avec de la pierre basalte au Liban et dont l’origine exacte n’a pas été déterminée jusqu’à présent.
Certains affirment que la partie visible du site est dédiée au dieu romain Apollon, symbolisé par l’aigle. D’autres experts avancent que le site est un temple hellénistique, dédié à Némésis, déesse de la vengeance. Il a été édifié près de la source de Hajjoul, connue actuellement sous le nom de « Makam el-Rab » (le domaine de Dieu). Situé sur la route des caravanes qui traversait le littoral phénicien vers l’intérieur de la région, notamment Homs, Baalbeck et la Palestine, le temple était dans l’Antiquité un haut lieu de pèlerinage. Pour la petite histoire, il a été découvert par hasard au début des années soixante-dix, quand le propriétaire du terrain retournait sa terre en prévision des semailles. Des pierres noires sculptées, des objets en cuivre et des pièces de monnaie anciennes sont repérés. Sitôt alertée, la DGA a entrepris des fouilles, mettant au jour un nombre de statues, d’objets et de bijoux en or et en argent. Durant la guerre du Liban, le site a été la cible des vandales et des pillards.
*Pour la visite de la maison du patrimoine de Mounjez, contacter Samia Kamar au +961 96/736027
Un décor de serpent
La tombe 9 est l’une des mieux conservées de la nécropole de Mounjez. Elle possède un enclos trapézoïdal de 12 m de long et de 5 à 9 m de large qui englobe un monument circulaire de 5,50 m de diamètre. Celui-ci abrite un espace funéraire composé d’un couloir donnant sur une chambre circulaire de 2,50 m de diamètre. Cette dernière est marquée par une couronne de pierres dressées qui forme sa paroi. La pierre dressée, ou orthostate, possède un décor de serpent en bas-relief. La langue du serpent est représentée par une fissure dans la partie basse du bloc.
Toute cette region de Akkar et Koura (Liban nord) est tres impressionant. Les tresors archeologiques du Liban sont pour moi un souvenir inoubliable du beau pays qui est le Liban. Je n'ai pas ete a Mounjez mais je sais situer l'endroit car je m'en souviens d'une excursion vers 'Akkar al Atika' (qui est aussi tres beau), par manque de temps je n'ai pas pu voir Mounjez, mais surement j'espere d'y retourner une fois ... Toute cette region verte et montagneuse du Liban est impressionante et tres belle.
12 h 59, le 27 juillet 2021