« Cela fait un moment que j’étudie la question et si je n’avais pas des garanties extérieures, je n’aurais pas accepté cette mission. » Cette déclaration du Premier ministre désigné Nagib Mikati, à l’issue de sa nomination par 72 députés lundi, laisse à penser qu’il a perçu un appui international à sa personne dans sa difficile tâche de former un gouvernement qui puisse sortir le pays de la crise. Et dans sa première interview après sa désignation, accordée hier au journal an-Nahar, il a repris la formule des « garanties internationales et américaines » pour éviter un effondrement du Liban.
Or les réactions internationales à la nomination de Nagib Mikati sont rares et caractérisées par un ton que l’on peut qualifier de prudent. La France a pris « note » de la désignation de M. Mikati, dans une déclaration de la porte-parole de la diplomatie française. « L’urgence est désormais de former un gouvernement compétent et capable de mettre en œuvre les réformes indispensables au relèvement du pays, que tous les Libanais attendent », avait ajouté Agnès von der Mühll. « La France appelle l’ensemble des dirigeants libanais à agir en ce sens le plus rapidement possible. Leur responsabilité est engagée. »
De même pour l’Union européenne, qui dans un communiqué affirme avoir « pris note de la nomination de Nagib Mikati en tant que Premier ministre désigné ». « Il est maintenant d’une importance cruciale qu’un gouvernement crédible et pouvant rendre des comptes soit formé au Liban sans délai, une équipe qui peut répondre à la sévère crise économique et sociale à laquelle le pays fait face », poursuit le texte.
Après deux échecs de Premiers ministres désignés – l’ambassadeur Moustapha Adib et l’ancien président du Conseil Saad Hariri (qui s’est récusé en juillet après neuf mois) – et un effondrement imminent du pays, la confiance dans la capacité de la classe politique à former un gouvernement semble au plus bas et l’attentisme reste de mise. Alors de quelles « garanties » parle Nagib Mikati ?
Du côté de la France, pays vivement engagé en faveur de la formation d’un gouvernement au Liban depuis l’annonce de l’initiative française par le président français Emmanuel Macron suite à la double explosion meurtrière au port de Beyrouth en août 2020, on estime que la priorité est à l’aboutissement de la mission du Premier ministre désigné plutôt qu’à l’appui à une personne donnée. « La France soutient toute personne désignée par le Parlement libanais suivant un processus démocratique », souligne une source diplomatique française à L’Orient-Le Jour. L’important est de former un gouvernement compétent pour sortir la population de la crise, quelle que soit sa composition, poursuit-elle.
Pour notre chroniqueur politique Mounir Rabih, la réalité est plus nuancée. « Les Français, malgré la tiédeur apparente de leur réaction, encouragent la nomination de Nagib Mikati. Ils auraient même conseillé à Saad Hariri de se retirer en sa faveur, estimant qu’il a les relations internationales nécessaires pour mener à bien sa mission », dit-il.
Attitude saoudienne inchangée
Pour ce qui est des garanties « américaines » entre autres, évoquées par M. Mikati lui-même, rien dans les déclarations officielles des autorités de ce pays ne permet de confirmer le soutien qu’elles apporteraient à la personne du Premier ministre désigné, selon les observateurs. Une déclaration d’une source officielle de l’ambassade des États-Unis à L’Orient-Le Jour vient confirmer cette impression : « Les États-Unis ont toujours fait preuve d’un engagement auprès du peuple libanais depuis des décennies et ils continueront à le faire. Le choix et la nomination d’un nouveau gouvernement participent d’une décision propre au peuple libanais. »
Dans ce nouvel épisode gouvernemental, le silence arabe, notamment celui des monarchies du Golfe, est éloquent. L’hostilité à peine voilée de l’Arabie saoudite à l’arrivée de Saad Hariri au pouvoir, un froid que celui-ci n’a pu dissiper malgré tous ses efforts et ses pérégrinations, marquera-t-elle également le mandat de Nagib Mikati ? Mounir Rabih pense que ce sera le cas. « Les Saoudiens adoptent avec Nagib Mikati la même attitude qu’avec Saad Hariri, c’est-à-dire de l’indifférence et même un rejet du personnage, due au fait que selon eux, cette période de l’histoire du Liban aurait requis une personnalité nouvelle n’ayant pas été engagée dans la politique au sein de cette classe politique, dit-il. Or ce n’est pas le cas de Nagib Mikati. Cette position est clairement exprimée par les tweets récents de l’ambassadeur d’Arabie saoudite, Walid Boukhari. »
commentaires (7)
Je ne défends point Mikati ! De quoi se mêlent les Saoudiens dans la nomination de NOTRE PREMIER MINISTRE ! Est-ce MBS me donne un droit de regard sur sa politique intérieure et ses nominations? Est-ce que j'ai un droit de regard sur les nominations en France, USA, Angleterre ? NON ! Nous sommes Libanais, Pas Saoudiens, ou du Qatar, France, Iran ou autre. Le choix est interne ! Quoi faudra-t-il demander à son éminence MBS si je peux aussi aller à la toilette?
Marwan Takchi
17 h 17, le 28 juillet 2021