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Politique - Éclairage

Fort d’un « appui externe », Mikati peut-il faire mieux ?

Le Premier ministre désigné peut tabler sur quelques atouts : sa flexibilité et sa volonté affichée, tout comme celle de Baabda, de dépasser les obstacles.

Fort d’un « appui externe », Mikati peut-il faire mieux ?

Le chef de l’État, du Parlement, en compagnie de Nagib Mikati, à l’issue de sa désignation. Photo Dalati et Nohra

Blanc bonnet ou bonnet blanc. Pour une large frange de la population, la désignation de Nagib Mikati hier au poste de Premier ministre a ressemblé en tout point à celle de Saad Hariri à la même fonction il y a neuf mois. Comme à l’accoutumée, la mise en scène du processus démocratique était presque parfaite. Sauf qu’il s’agissait tout simplement d’entériner un accord déjà concocté en coulisses entre les blocs depuis plusieurs jours et qui s’est soldé par la désignation de l’ancien chef de gouvernement, qui a reçu 72 voix sur 118, certains blocs, comme le Courant patriotique libre (CPL) s’étant abstenu de le nommer alors que le Hezbollah, son allié, l’a appuyé. Cette désignation n’est toutefois que le début du processus et le plus dur reste à faire. Il s’agit désormais pour M. Mikati – qui fut à deux reprises Premier ministre en 2005 (pendant trois mois) et en 2011 (jusqu’à sa démission en 2013) – de réussir là où son prédécesseur Saad Hariri a échoué.

Saad Hariri, Nagib Mikati, même combat ? Toute la question est de savoir ce qui pourrait véritablement changer aujourd’hui et rendre possible ce qui ne l’était pas hier. Dès son premier discours, le nouveau Premier ministre a tenu à apporter des éléments de réponse. « Cela fait un moment que j’étudie la question et si je n’avais pas des garanties extérieures, je n’aurais pas accepté cette mission », a déclaré, M. Mikati, plutôt confiant. Une façon de dire que, contrairement à Saad Hariri, il bénéficie d’un soutien international. Le chef du courant du Futur n’était pas parvenu à retrouver les faveurs de l’Arabie saoudite, son ex-parrain, ce qui l’avait considérablement affaibli dans les négociations. Si Nagib Mikati n’a pas de différends personnels avec le royaume, cela ne lui garantit pas pour autant son soutien. Riyad est clair depuis des mois qu’il n’« appuiera le gouvernement que s’il change de trajectoire, tant par rapport à la place du Hezbollah, qu’au niveau des réformes structurelles attendues par la communauté internationale ». Les puissances occidentales, France et États-Unis en tête, sans être hostiles à sa nomination, attendent probablement aussi de voir la suite. Paris a réagi hier en disant « prendre note » de la désignation du nouveau Premier ministre.

« Former le gouvernement en coopération »

Mais les forces locales semblent considérer que le contexte externe est plus propice. Même le Hezbollah a évoqué cet appui externe, relève Kassem Kassir, un analyste politique proche du parti chiite. Selon lui, le Hezbollah a motivé son appui à M. Mikati en soulignant que sa désignation « est le fruit de la convergence entre plusieurs États concernés par la situation libanaise », comme le précise une note que le parti a fait fuite.

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Suffisant pour changer la donne ? Il faudra pour cela défaire les nœuds locaux, surtout celui qui concerne la désignation des ministres chrétiens, pierre d’achoppement entre Saad Hariri et Michel Aoun pendant des mois. Côté sunnite, on sait déjà que le député tripolitain disposera de la marge de manœuvre que lui ont consentie le bloc du courant du Futur qui l’a désigné hier, ainsi que le club des anciens chefs de gouvernement dont il fait partie. Sa visite, dès sa désignation, aux ex-Premiers ministres, Saad Hariri, Tammam Salam, Fouad Siniora et à Dar el-Fatwa, la plus haute instance religieuse sunnite, sonnait comme un acte de redevabilité à ses parrains politiques. Quelle que soit la difficulté qui l’attend dans les tractations avec le président de la République, Michel Aoun, M. Mikati ne pourra pas facilement dépasser certaines lignes rouges.

Il sera donc acculé à protéger les constantes sunnites, c’est-à-dire à refuser qu’une partie puisse obtenir la minorité de blocage et, surtout, que ses prérogatives en tant que Premier ministre désigné ne soient pas bafouées. Sur cette dernière problématique, l’on peut toutefois percevoir une évolution, dans la mesure où le nouveau Premier ministre désigné a cherché, dès sa nomination, à ménager ses rapports avec le président Michel Aoun, en annonçant depuis le perron de Baabda qu’il compte « former le gouvernement en coopération avec le chef de l’État ». Une phrase-clé qui annonce un dégel en amont des tractations à venir autour des portefeuilles.

« Pas les mêmes erreurs »

Côté aouniste, on semble miser sur le fait que Nagib Mikati est un homme plus susceptible de faire un compromis. « Il est du genre à coopérer, à donner autant qu’il reçoit et c’est avec un dialogue sincère qu’on peut résoudre les problèmes les plus graves », a dit de lui Michel Aoun samedi dans un entretien avec al-Joumouriya.

Lors des négociations précédentes, Michel Aoun marchandait une augmentation de « sa part » – déterminée à huit ministres dans le cadre de l’initiative d’un gouvernement de 24 répartis entre les trois camps en présence. Or, et c’est peut-être là où pourrait résider la différence, Baabda pourrait revoir à la baisse ses calculs et ses conditions, ne serait-ce que pour sauver ce qui reste des meubles. À en croire des informations diffusées sur la LBCI, Michel Aoun aurait dit à Nagib Mikati lors de leur rencontre qu’il souhaitait « sauver son mandat ». Une phrase qui signifierait que le président serait prêt au compromis. Une source de Baabda a confié à L’Orient-Le Jour que l’entretien a porté sur la constitution d’un gouvernement dit de « sauvetage ». La réunion s’est conclue sur une note très positive, selon la source, les deux parties ayant démontré leurs dispositions à dépasser tous les obstacles. « Nous sommes certains qu’il ne refera pas les mêmes erreurs que son prédécesseur », commente une source du CPL qui a requis l’anonymat.

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La solution serait à rechercher précisément dans l’attitude, apparemment paradoxale, du bloc aouniste qui a refusé d’accorder hier son soutien à M. Mikati, « l’expérience précédente (avec lui) n’étant pas très encourageante », a justifié hier le chef du CPL, Gebran Bassil.

Ce dernier, qui a dîné samedi chez Nagib Mikati, aurait concocté une sorte de « gentlemen’s agreement » avec l’ancien chef de gouvernement : le chef du CPL maintiendrait sa position de principe préalablement annoncée, à savoir qu’il refuserait d’avaliser la candidature de Nagib Mikati, mais renoncerait en contrepartie à voter en faveur de Nawaf Salam, un juge international qui a servi en tant qu’ambassadeur du Liban à l’ONU. C’est ce que confie à L’OLJ un analyste proche du Hezbollah, Salem Zahran.

Opposition

Cette manifestation de convivialité et surtout de reconnaissance à l’égard de M. Bassil de la part de Nagib Mikati semble avoir porté ses fruits, alors que le chef du CPL était boudé jusque-là par Saad Hariri qui n’a jamais voulu se placer sur un même pied d’égalité avec lui et le rencontrer.Avant la tenue des consultations, Nawaf Salam avait le vent en poupe dans les rangs aounistes qui avaient laissé entendre, la semaine dernière, qu’il serait leur favori. Il n’en fut rien. Ce qui laisse penser que le CPL a utilisé cette manœuvre comme une carte de marchandage en vue des négociations pour la formation du cabinet. D’autant que les milieux du CPL avaient avancé que le bloc aouniste n’accorderait pas non plus sa confiance à Nagib Mikati. Cette manœuvre, déjà utilisée par le passé avec Saad Hariri, a été justifiée hier par M. Bassil qui a évoqué l’absence d’une feuille de route ou d’une vision chez le Premier ministre désigné pour gérer la période à venir.

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En se plaçant théoriquement dans l’opposition, le CPL pourra ainsi renoncer à réclamer sa « part » au gouvernement, ce qui laisserait ainsi une marge de flexibilité au président Aoun dans la négociation des équilibres au sein du prochain cabinet. Une manœuvre permettant d’être dans le gouvernement et de se réclamer pourtant de l’opposition.

Le jeu de rôle entre Baabda et le courant aouniste pourrait être d’autant plus facilité que Gebran Bassil garde un œil sur les prochaines législatives et œuvre à se positionner dès à présent pour faire face à son concurrent direct, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, qui a déjà une longueur d’avance et flirte avec le mouvement de la contestation et les partis de l’opposition depuis plusieurs mois déjà.

Le député de Tripoli désigné avec une majorité de 72 voix

À l’issue des consultations parlementaires contraignantes tenues hier au palais présidentiel de Baabda, le député et ancien chef du gouvernement Nagib Mikati a été désigné Premier ministre. Il doit désormais s’atteler à former le nouveau cabinet, attendu depuis près d’un an dans un pays en plein effondrement politico-socio-économique. M. Mikati a obtenu 72 voix des députés consultés tout au long de la journée par le président Michel Aoun (contre une voix pour Nawaf Salam, 42 abstentions et trois absences, celles de Nohad Machnouk, de Talal Arslane et de Moustapha Husseini).

Vétéran de la politique âgé de 65 ans, Nagib Mikati a obtenu le soutien de la majorité des blocs parlementaires, notamment du Hezbollah et du courant du Futur dirigé par l’ex-Premier ministre Saad Hariri, mais pas celui des deux plus importants groupes chrétiens, à savoir le bloc de la République forte (Forces libanaises) et le bloc du Liban fort (Courant patriotique libre).

Il succède ainsi à Saad Hariri qui avait été désigné Premier ministre en octobre 2020 et avait finalement renoncé mi-juillet à former un gouvernement en raison de désaccords, insurmontables à ses yeux, avec le président Aoun. Le leader du courant du Futur a déclaré à la presse qu’il espérait que Nagib Mikati serait choisi et qu’il parviendrait à former un gouvernement. Quant au Hezbollah, il a accordé les voix de ses députés au milliardaire de Tripoli, alors que lors des précédentes consultations parlementaires, il n’avait pas officiellement nommé Saad Hariri, tout en disant le soutenir. « Aujourd’hui (hier lundi, NDLR), alors que des indices convergent vers la possibilité de la formation d’un gouvernement (...) nous avons choisi de soutenir Mikati afin de donner un élan supplémentaire pour faciliter la formation d’un gouvernement », a déclaré à la presse Mohammad Raad, le chef de file du groupe parlementaire du Hezbollah.

Premier ministre à deux reprises en 2005 et 2011, Nagib Mikati entamera les concertations parlementaires pour la formation de son équipe dès aujourd’hui dans les locaux du Parlement, place de l’Étoile.

« Garanties extérieures »

« J’ai remercié le chef de l’État et je remercie tous les députés qui m’ont nommé. J’espère pouvoir coopérer avec ceux qui ne m’ont pas nommé », a déclaré M. Mikati à l’issue d’un bref entretien avec le président de la République Michel Aoun après sa désignation. « Il est naturel que je demande la confiance des députés, mais ce que je veux, c’est la confiance du peuple », a-t-il ajouté. « Nous sommes dans une situation très difficile, ma mission est très difficile, mais si nous coopérons tous et nous montrons solidaires, nous nous en sortirons. L’heure n’est pas aux disputes? mais à la coopération de tous », a-t-il lancé. Il a encore affirmé qu’en « coopérant avec le président », il pourra former un cabinet « qui soit conforme à l’initiative française » présentée le 1er septembre 2020 à Beyrouth par le président Emmanuel Macron, soulignant qu’il disposait des « garanties extérieures requises » pour sortir de la crise? à défaut desquelles il n’aurait pas accepté cette mission.

Peu après, le mufti de la République, cheikh Abdellatif Deriane, plus haute instance sunnite au Liban, a félicité le nouveau Premier ministre désigné, l’assurant de son soutien. « Nous plaçons nos espoirs dans M. Mikati et espérons qu’il pourra mettre un terme à l’effondrement », a déclaré le dignitaire, qualifiant le député de Tripoli d’« homme d’État par excellence ». Le mufti a encore appelé toutes les formations politiques à coopérer avec le Premier ministre désigné et à faciliter sa mission de formation d’un gouvernement qui respecte le pacte national.En fin d’après-midi, M. Mikati a été reçu par Saad Hariri à la Maison du Centre.

Blanc bonnet ou bonnet blanc. Pour une large frange de la population, la désignation de Nagib Mikati hier au poste de Premier ministre a ressemblé en tout point à celle de Saad Hariri à la même fonction il y a neuf mois. Comme à l’accoutumée, la mise en scène du processus démocratique était presque parfaite. Sauf qu’il s’agissait tout simplement d’entériner un accord déjà...

commentaires (8)

Vu madame Jalkh est friande de toutes sortes de métaphores et d'adages ,je lui demande de ne plus "se mettre martel en tête" au sujet de G .Bassil . Tous les lecteurs savent que le CPL et le président ne sont pas vos tasses de thé. Inutiles de nous le rappeler tous les matins . Merci de votre compréhension.

Hitti arlette

13 h 25, le 28 juillet 2021

Tous les commentaires

Commentaires (8)

  • Vu madame Jalkh est friande de toutes sortes de métaphores et d'adages ,je lui demande de ne plus "se mettre martel en tête" au sujet de G .Bassil . Tous les lecteurs savent que le CPL et le président ne sont pas vos tasses de thé. Inutiles de nous le rappeler tous les matins . Merci de votre compréhension.

    Hitti arlette

    13 h 25, le 28 juillet 2021

  • Le coq, roi du poulailler, est par terre mort de faim, et déjà les renards se disputent sa dépouille...

    Un Libanais

    20 h 06, le 27 juillet 2021

  • Bla bla bla ….

    Eleni Caridopoulou

    18 h 29, le 27 juillet 2021

  • "...la mise en scène du processus démocratique était presque parfaite..."...c'est dans ce domaine que le Libanais "officiel" est le plus performant ! Quant au vrai travail, l'état actuel de notre malheureux pays prouve que nos "responsables" de tous bords ne savent pas ce que cela signifie. - Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 05, le 27 juillet 2021

  • Garanties extérieurs … lol on verra !!

    Bery tus

    07 h 02, le 27 juillet 2021

  • Quelle honte !

    Robert Moumdjian

    03 h 08, le 27 juillet 2021

  • "... Michel Aoun aurait dit à Nagib Mikati lors de leur rencontre qu’il souhaitait «sauver son mandat» ..." - c’est sans doute plus important à ses yeux que de sauver le Liban...

    Gros Gnon

    02 h 34, le 27 juillet 2021

  • Espérons que mikati sera suffisant...car on ne peut plus se payer un kati complet... même une demi kaaki...

    Wlek Sanferlou

    01 h 36, le 27 juillet 2021

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