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Société - Reportage

À Tariq Jdidé, la récusation de Saad Hariri ne passe pas

Des habitants du quartier beyrouthin, partisans du Futur, sont descendus crier leur colère au lendemain de la récusation du leader sunnite.

À Tariq Jdidé, la récusation de Saad Hariri ne passe pas

Des routes bloquées, hier, à Tariq Jdidé. Photo Lyana Alameddine

C’est une scène qui ne cesse de se répéter depuis des mois. Mais cette fois-ci, c’est à Tariq Jdidé qu’elle se déroule, au lendemain de la récusation du Premier ministre désigné, Saad Hariri. Sous le soleil frappant, au niveau du rond-point principal du quartier, la fumée commence à sortir des bennes. Poubelles et pneus sont utilisés pour bloquer les routes. Les partisans de Saad Hariri arrivent à coups de klaxon sur mobylettes et se rassemblent.

En face, l’armée est sur le qui-vive. « Je t’avais dit que ça allait dégénérer », lance un passant à un employé d’un café de rue. « Ne l’écoute pas, il n’a pas toute sa tête », rétorque le travailleur à un client qui avoue ne soutenir aucun politicien. Dans le quartier, les proches du courant du Futur n’acceptent pas ce qu’ils considèrent comme une défaite.Saadallah, 60 ans, venu crier sa colère, discute avec de jeunes manifestants. « C’est une thaoura, nous n’avons pas de médicaments, pas d’électricité, plus rien... lance-t-il. Personne ne travaille pour le pays, seul Saad est efficace. » Pendant neuf mois, ses partisans ont vu leur leader faire des allers-retours à Baabda pour repartir, finalement, les mains vides. « Il aurait pu changer les choses. Lui et son père ont aidé le Liban, regarde maintenant où nous en sommes », déplore Saadallah. Pour les partisans du Futur, Saad Hariri allait les sortir de ce trou noir dans lequel s’enfonce le pays depuis deux ans. La crise économique a mis plus de la moitié de la population sous le seuil de pauvreté. La cherté de la vie devient insoutenable avec le dollar qui a dépassé hier la barre des 22 000 livres. « Même si je meurs de faim, je serai avec lui », s’emporte pourtant Omar, 31 ans. Ce dernier est content de la récusation de Saad Hariri. « Au moins, il ne sera plus la cible des critiques de la population alors que la situation se dégrade, contrairement à la Belle au bois dormant », ricane-t-il en allusion à Michel Aoun.

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M. Hariri devait mettre en place un cabinet censé lancer des réformes indispensables pour débloquer notamment des aides internationales cruciales. Son échec a suscité des critiques de l’ONU et de la France, qui fait pression sur les dirigeants libanais face à l’effondrement du pays depuis l’explosion au port de Beyrouth. Depuis plusieurs mois, il reproche au président d’entraver la formation du gouvernement en insistant sur une « minorité de blocage » au sein de la prochaine équipe et en cherchant à imposer une répartition « confessionnelle et partisane » des portefeuilles.

« Je pourrais tuer mes enfants pour Saad »

Aux yeux des partisans du leader sunnite, le président est responsable de la chute politique de leur zaïm. « Michel Aoun a empêché la formation du gouvernement pour son gendre (Gebran Bassil, chef du CPL). Saad a présenté plusieurs moutures, mais ils n’ont jamais voulu de lui », fustige quant à lui Kassem, 29 ans. Omar, lui, lance sur un ton théâtral : « Je pourrais tuer mes enfants pour Saad. » L’échec de leur leader est analysé comme un complot entre les pays arabes et occidentaux qui veulent faire chuter la communauté sunnite en ne permettant pas à leur chef de poser ses valises au Sérail. « Tous les pays veulent la fin de notre communauté : la Russie, les États-Unis, la France, l’Iran et les pays arabes », affirme Hassan*, 29 ans, dans un boui-boui du coin. Il affirme tout de même ne pas soutenir Saad Hariri. Pourtant, lors des neuf mois de désignation, Saad Hariri bénéficiait du soutien français, russe, égyptien et émirati pour former le cabinet conformément à la feuille de route de Paris.

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Un peu plus loin, une femme accompagne sa sœur chez le médecin. « Aoun avait dit que nous allions en enfer, c’est ce qu’il est en train de faire. Tout est de sa faute et celle de Bassil. On n’arrête pas de nous viser, mais ce ne sont pas eux qui vont nous gouverner. Dar el-Fatwa (plus haute instance sunnite) va bouger », affirme-t-elle.

De retour au carrefour, Omar continue ses analyses politiques qui vont dans le même sens. « Ils veulent la fin de notre communauté, mais nous resterons dans la rue, ça ne va pas fonctionner », dit-il d’un ton guerrier. Même son de cloche chez Saadallah : « Ils ont brûlé les sunnites, nous n’avons plus rien. Les druzes ont leur place, les chrétiens et chiites aussi, mais nous, où sommes-nous ? Mais la priorité reste le pays », dit-il, insinuant à demi-mot que les sunnites doivent reprendre leur place dans l’arène. Mais quelques mètres plus loin, le jeu de dupes des responsables politiques ne passe plus. Des hommes discutent devant un magasin et sirotent leur café. « C’est pas parce que je viens de Tariq Jdidé que je vais soutenir Saad. J’ai tout perdu », lance l’un d’eux. « Je vais te dire une chose, le Liban s’en sortira quand ils mourront tous, même Saad », réplique son ami d’un ton solennel. « Ce n’est pas lui qui va nous sortir de la situation. Et l’autre (Bassil) qui parle du droit des chrétiens quand nous avons tous faim. Plus de 200 personnes ont été tuées (en référence au drame du port) et aucun responsable n’a bougé un doigt. Ils se fichent de nous. Que Dieu vienne en aide au Liban », résume-t-il, en citant, peut-être inconsciemment, les derniers mots du discours de récusation de Saad Hariri.

L'édito de Issa Goraieb

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C’est une scène qui ne cesse de se répéter depuis des mois. Mais cette fois-ci, c’est à Tariq Jdidé qu’elle se déroule, au lendemain de la récusation du Premier ministre désigné, Saad Hariri. Sous le soleil frappant, au niveau du rond-point principal du quartier, la fumée commence à sortir des bennes. Poubelles et pneus sont utilisés pour bloquer les routes. Les partisans de...

commentaires (7)

A Tarik el jdidé ils peinent à délaisser leurs Torok el adimés...

Wlek Sanferlou

21 h 21, le 18 juillet 2021

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Commentaires (7)

  • A Tarik el jdidé ils peinent à délaisser leurs Torok el adimés...

    Wlek Sanferlou

    21 h 21, le 18 juillet 2021

  • Tuer ses ENFANTS pour un zaim il faut etre un mouton pour y avoir penser et croyez moi y'en a beaucoup au liban malheureusement

    Derwiche Ghaleb

    23 h 24, le 17 juillet 2021

  • Le Liban a toujours eu la communite religieuse mains nous avons jamais eu de problèmes , mes meilleurs amis étaient et sont les sunnites

    Eleni Caridopoulou

    20 h 17, le 17 juillet 2021

  • Tuer ses enfants pour Saad! Il vaut mieux lire cela que d'être analpha-BETE, mais quand même!

    Politiquement incorrect(e)

    16 h 34, le 17 juillet 2021

  • Ayant eu le contrôle de la BDL et du ministère des Finances et de la politique économique et financière en général durant les 30 dernières années, ils sont les principaux responsables de cette situation. Ils ne travaillaient que par clientelisme.... Celui qui tuerais ses enfants pour lui était sûrement le premier bénéficiaire de cette corruption. On aura besoin de plusieurs générations pour refaire une Nation.....

    Eid Nasser

    16 h 34, le 17 juillet 2021

  • « Je pourrais tuer mes enfants pour Saad » quel imbecile

    barada youssef

    00 h 48, le 17 juillet 2021

  • . Que Dieu vienne en aide au Liban », résume-t-il, en citant, peut-être inconsciemment, les derniers mots du discours de récusation de Saad Hariri. à écouter les et les autres on voit que les libanais ont beaucoup de chemains à parcourir pour devenir patriotes ils se refèrent tous à leurs communautés religieuses avant de se dire libanais

    barada youssef

    00 h 46, le 17 juillet 2021

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