(Cet article est tiré de nos archives, avait été publié le 17 juillet dernier)
En raison de ses désaccords avec le chef de l’État, Hariri renonce à former le gouvernement. Nous ne sommes pas en 2021 mais en 1998 et le Hariri dont il est ici question est bien le premier du nom, Rafic. Désigné Premier ministre à la suite des consultations parlementaires, le leader sunnite claque la porte après avoir estimé que le locataire de Baabda, Émile Lahoud, a eu un comportement « inconstitutionnel et inadmissible ». En cause, le fait que 31 députés s’en soient remis au président pour désigner la personnalité idoine, une façon de faire comprendre à Hariri qu’il devait être redevable au président et surtout à son parrain syrien. Un affront que la bête politique qu’est Rafic Hariri transforme en opportunité : basculant dans l’opposition, il prépare les élections législatives de 2000 desquelles il sortira grand vainqueur. Un plan d’action que son fils, Saad, cherche à reproduire 23 ans plus tard. Sa récusation, jeudi, après avoir pris acte de son incapacité à s’entendre avec Michel Aoun, est pensée dans son camp comme la première étape de la course pour préparer les législatives de 2022. Mais l’histoire pourrait se montrer capricieuse. D’une part parce que le contexte n’est plus celui du début des années 2000 et qu’un vent de révolte secoue le pays. D’autre part parce que le fils n’est pas le père. Et c’est là tout le drame du haririsme politique : l’impossible succession.
À chaque étape importante de sa vie politique, le chef du courant du Futur fait référence à son père. « Si Rafic Hariri était ici, il aurait choisi le pays au détriment de l’intérêt politique », dit-il régulièrement. Si bien que la fidélité à l’héritage du Premier ministre assassiné est devenue son seul horizon, sa seule vision, son unique projet. Dans les rangs sunnites, ses détracteurs ne mâchent pas leurs mots au moment de résumer son bilan politique. « Hariri a enfreint la règle d’Ibn Khaldoun selon laquelle chaque projet politique connaît trois phases. La première est celle de la construction, la deuxième celle de l’expansion et la troisième celle de l’effondrement. Avec Saad, la maison Hariri s’est arrêtée à la deuxième phase », commente un homme politique critique de Hariri, sous couvert d’anonymat. La comparaison peut paraître sévère. Mais force est tout de même de constater que la maison Hariri a perdu de sa superbe.
Envergure régionale
Rafic Hariri fait son entrée sur la scène politique libanaise dans un contexte de reconfiguration politique locale et régionale. Il joue les médiateurs lors des conférences de Genève en 1983 et de Lausanne en 1984, qui ont pour objectif de sortir le Liban de la guerre. Mais c’est surtout au moment de l’organisation de la conférence de Taëf (1989) qu’il s’impose sur le devant de la scène. Rafic Hariri profite d’un consensus syro-saoudo-américain, qui prend forme en 1992 au moment du grand effondrement de l’économie, pour faire son entrée dans la vie politique libanaise. À l’époque, il est très proche de Walid Joumblatt, qui le présente aux dirigeants syriens, en particulier à Abdel Halim Khaddam. Ce dernier raconte dans ses Mémoires la première rencontre entre Hafez el-Assad et Hariri. « Assad lui a demandé : “Si vous étiez le chef du gouvernement libanais et que nous n’étions pas d’accord avec le royaume d’Arabie saoudite, comment agiriez-vous ?” Hariri a répondu : “Monsieur le Président, je suis un Libanais qui aime son pays, et je suis saoudien dans ma chair. Je ne peux pas abandonner le royaume d’Arabie saoudite car je ne suis pas ingrat. Mais je suis par ailleurs un nationaliste arabe qui considère que la Syrie parraine les Arabes, et je ne peux être qu’avec la Syrie. Si un conflit éclate entre les deux, et que je n’arrive pas à les réconcilier, cela veut dire que j’ai échoué. Je préférerais dans ce cas me retirer de la scène politique.” Hafez a rétorqué : “Si vous aviez dit le contraire, je ne vous aurais pas cru, et vous auriez perdu ma confiance. Je demanderai à Abou Jamal (Khaddam) d’informer le président libanais que nous soutenons la candidature de Rafic Hariri.” »
Dans les rangs du courant du Futur, on résume le haririsme politique avant tout par une volonté de conclure des accords régionaux et internationaux. Dans les années 1990, Rafic Hariri va s’imposer comme l’un des principaux partisans de la paix dans la région, selon la logique de la « terre contre la paix ». Une grande partie de son pari politique reposait sur le fait que les négociations allaient aboutir et que la dette du Liban, qui avait explosé après la guerre, allait ainsi être effacée. L’échec de cette grande initiative diplomatique a pesé lourd dans son bilan. Mais Hariri a gardé une dimension régionale jusqu’à son assassinat en 2005. Après les attentats du 11 septembre 2001, il est devenu, aux yeux des Occidentaux, le symbole d’un sunnisme modéré, unique en son genre dans tout le Moyen-Orient et capable de jouer les médiateurs dans des dossiers compliqués.
Saad Hariri n’a jamais eu cette envergure. Selon des personnalités politiques ayant côtoyé les deux hommes, il est difficile de les comparer. « Rafic était un bourreau de travail, il était proche des gens et accessible, s’entourait des meilleurs et portait une attention particulière aux détails. Saad n’a rien de tout cela », résume un bon connaisseur de la maison Hariri. Le père se laissait rarement gagner par ses émotions. Même quand des conflits politiques l’opposaient à d’autres partis, il savait utiliser son art de la séduction. Le fils est beaucoup plus colérique et peut changer d’avis dix fois en quelques minutes. Mais pour sa défense, les conditions dans lesquelles il s’est retrouvé sur le devant de la scène rendaient sa mission quasi impossible dès le départ.
L’homme du compromis
À l’aube des années 2000, alors que Bachar el-Assad arrive au pouvoir en Syrie et se rapproche de l’Iran, le consensus syro-saoudien ne tient plus. L’assassinat de Rafic Hariri le 14 février 2005 est la résultante de cette évolution. La même année, Saad Hariri entre dans la vie politique par la grande porte. Aux législatives, il remporte pour la première fois la totalité des sièges parlementaires dans le Nord. « Tu es allé dans le Nord en tant que représentant et tu es revenu en leader », lui dit à l’époque Walid Joumblatt. Mais cette victoire politique ne dure pas longtemps, et est suivie d’une période de concessions et d’échecs, notamment entre les années 2006 et 2008, jusqu’à l’accord de Doha qui rend quelque part caduc celui de Taëf, l’œuvre originelle de son père qui avait signé le début de l’ère sunnite au Liban.
« Saad a fait de nombreuses erreurs. Mais tout cela peut être corrigé et il peut encore assurer la succession de son père », assure le bon connaisseur de la maison Hariri. Après tout, malgré tous ses déboires, Saad Hariri reste pour l’instant le plus fort au sein de la communauté sunnite. Au moins jusqu’aux prochaines élections…
commentaires (8)
SAAD HARIRI N,A PAS ECHOUE. I; A ETE BOYCOTTE DES LE DEBUT ET DURANT DIX MOIS POUR TOUTES LES MOUTURES DE GOUVERNEMENT PRESENTEES ET RESPECTANT TOUT CE QUI A ETE CONVENU PAR TOUS - LES TRAITRES - AVEC LE PRESIDENT FRANCAIS MACRON, TOUTES CES MOUTURES ONT ETE REFUSEES PAR AOUN QUI VOULAIT DONNER A SON VAURIEN DE GENDRE LE MEME GRADE QUE LE P.M. SUNNITE. AOUN ET BASSIL SONT CEUX QUI ONT BOYCOTTE HARIRI DONC LE PAYS POUR 10 MOIS. CES DEUX BOYCOTTEURS ONT UNE LONGUE HISTOIRE DE BOYCOTTAGES ET DE BLOCAGES LESQUELS CALCULES RESULTENT EN 9 ANNEES QUI ONT CONDUIT, AVEC LEURS ALLIES LES MERCENAIRES IRANIENS, A QUI ILS SERVENT ENCORE DE PARAVENTS AU DETRIMENT DU PAYS ET SURTOUT DES CHRETIENS, LE PAYS ET SES CITOYENS A L,ENFER QUE AOUN LEUR AVAIT PROMIS DANS SON DISCOURS. VOILA LES FOSSOYEURS DU PAYS ET SURTOUT DE SES CHRETIENS.
LA LIBRE EXPRESSION
15 h 08, le 25 janvier 2022