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Économie - Focus

Les contours de la décision de Hassan concernant les importations d’implants

Le ministère de la Santé interdit désormais aux importateurs d’adresser des factures provisoires aux hôpitaux.

Les contours de la décision de Hassan concernant les importations d’implants

Dialyse rénale à l’hôpital Saint-Georges. Photo Marc Fayad

Le ministre sortant de la Santé, Hamad Hassan, a pris l’opinion publique de court lundi en annonçant une décision qui risque d’impacter durablement le quotidien des importateurs de matériel médical – et plus précisément d’implants et de produits assimilés. La mesure s’articule en deux temps, avec un premier volet qui vise à réduire les profits des sociétés importatrices via un mécanisme qui permet de plafonner leurs marges en fonction des catégories de produits, et un second qui vise à limiter les abus de facturation.

Les marges devraient ainsi être comprises entre 20 % et 100 % du prix d’achat dans le pays d’origine (hors taxes et sans compter les différents coûts opérationnels), alors qu’elles pouvaient être plus élevées jusqu’à présent – jusqu’à 500 % selon le ministre qui avait évoqué, lundi, une décision « historique et exceptionnelle ». Contactée par L’Orient-Le Jour, la présidente du syndicat des importateurs de matériel médical, Salma Assi, a, pour sa part, jugé la mesure utile pour limiter les abus, mais a ajouté que, selon elle, elle comporte des lacunes. Une critique qu’elle prévoit de développer dans un courrier qui sera en principe adressé aujourd’hui au ministère.

Marges et pro forma

La décision dans son ensemble a été élaborée avec l’aide du ministre sortant de l’Économie et du Commerce, Raoul Nehmé, avec l’apport du Conseil d’État consulté pour l’occasion, et en coordination avec les caisses d’assurance officielles dont : la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS), la coopérative des fonctionnaires, celles qui couvrent les cultivateurs de tabac et de tombac, les membres de la Sûreté de l’État, les militaires et enfin la coopérative rattachée au ministère de la Santé et qui couvre les personnes n’ayant ni assurance privée ni assurance publique.

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Selon Salma Assi, le syndicat des importateurs de matériel médical a également été inclus dans les discussions, même si ce dernier a déploré que ses revendications n’aient pas toutes été prises en compte. Les produits concernés sont les plaques osseuses (utilisées pour soigner les fractures), les vis, les prothèses, les batteries pour dispositifs médicaux ou encore les appareils de type stimulateur cardiaque. La mesure engloberait ainsi 35 000 références, selon les propos du ministre.

Dans le détail, le premier volet du mécanisme fixe les marges en fonction du prix du produit dans le pays où il a été acheté et de la catégorie à laquelle la référence appartient. Ce prix n’inclut pas les taxes imposées, les frais de transport ainsi que les autres divers frais d’exploitation. Or ce qui se produisait jusqu’à maintenant dans certains cas, c’était que certains produits de même catégorie que d’autres mais de qualité moindre et qui étaient vendus moins cher dans leurs pays d’origine pouvaient être facturés au même prix aux patients libanais, le bénéfice illicitement réalisé pouvant alors être partagé entre l’importateur, l’hôpital et les éventuels intermédiaires.

Le second volet cible plus particulièrement le processus de facturation à l’hôpital et plus précisément les « pro forma » – les factures provisoires pour les implants et produits assimilés établies par les importateurs à destination des hôpitaux, généralement avant les interventions. Selon Salma Assi, la faiblesse des mécanismes de contrôle à ce niveau avait effectivement encouragé certains abus. Un importateur sous couvert d’anonymat fait lui remarquer que les pro forma incluent également les commissions demandées par les médecins qui peuvent atteindre jusqu’à 20 à 30 % du montant total facturé – que ce soit dans les hôpitaux publics ou privés. Une proportion qu’il juge « énorme » et « illégale », mais que les médecins justifient en coulisses « en invoquant le fait qu’ils doivent généralement attendre deux ans avant d’être payés pour leur intervention par les caisses officielles d’assurance ».

Pour y remédier, le ministère de la Santé a désormais interdit aux importateurs d’adresser des pro forma aux hôpitaux. La facture finale sera la seule émise et devra inclure le prix d’achat du produit dans le pays d’origine, plus les frais de transport et autres coûts opérationnels, ainsi que la marge qui est désormais fixée par le ministère. Ce sera ensuite à l’hôpital d’ajouter sa marge, qui se situe actuellement entre 10 et 20 %, à la facture définitive qui est donnée soit au patient, soit au tiers payant après l’opération.

Si elle salue la mesure concernant les pro forma, Salma Assi est toutefois beaucoup plus critique sur le premier volet de la décision, dans la mesure où le ministère de la Santé décide de modifier les marges sans tenir compte des difficultés que rencontrent les importateurs dans le contexte de crise actuel.

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Avec le carburant, les médicaments ou encore le blé, le matériel médical fait partie des produits importés qui bénéficiaient, depuis l’automne 2019, des mécanismes de subvention mis en place par la Banque du Liban, officiellement pour tenter de limiter l’inflation de ces produits en livres sur le marché local en raison de la dépréciation de la livre. Or, si cette dernière s’est effondrée à l’issue de près de deux ans de crise (le taux sur le marché parallèle était à 19 500 livres environ hier, soit environ 13 fois la parité officielle), les autorités et la BDL amorcent depuis plusieurs mois une rationalisation forcée détournée de l’ensemble des mécanismes de subvention, perturbant au passage les chaînes d’approvisionnement des produits concernés et provoquant une inflation à trois chiffres. La situation est régulièrement dénoncée par l’ensemble des filières concernées, qui subissent également les restrictions sur l’accès à leurs comptes en devises imposées illégalement par les banques depuis fin 2019.

L’importateur anonyme contacté juge pour sa part que toute tentative de renforcer le contrôle sur les marges et la facturation du matériel médical sera vaine tant que le ministère n’aura pas réglé la question des rémunérations des médecins dans le milieu hospitalier par les caisses dédiées. Ces dernières, payées en livres libanaises, étant désormais dérisoires.

Le ministre sortant de la Santé, Hamad Hassan, a pris l’opinion publique de court lundi en annonçant une décision qui risque d’impacter durablement le quotidien des importateurs de matériel médical – et plus précisément d’implants et de produits assimilés. La mesure s’articule en deux temps, avec un premier volet qui vise à réduire les profits des sociétés importatrices via...

commentaires (1)

J’espère qu’un jour lui ou un de ses proches aura besoin d’un implant de toute urgence et qu’il ne pourra pas en trouver avec pour conséquence l’amputation inévitable. Bon je serai censuré mais écrire ces lignes m’a permis de me défouler gratuitement

Lecteur excédé par la censure

13 h 40, le 14 juillet 2021

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Commentaires (1)

  • J’espère qu’un jour lui ou un de ses proches aura besoin d’un implant de toute urgence et qu’il ne pourra pas en trouver avec pour conséquence l’amputation inévitable. Bon je serai censuré mais écrire ces lignes m’a permis de me défouler gratuitement

    Lecteur excédé par la censure

    13 h 40, le 14 juillet 2021

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