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Politique - Focus

Entre le royaume saoudien et les chrétiens libanais, un siècle d’alliance objective

En soutenant la souveraineté et l’indépendance du Liban pendant des décennies, Riyad s’est souvent retrouvé de facto dans le camp chrétien.

Entre le royaume saoudien et les chrétiens libanais, un siècle d’alliance objective

L’éditeur et journaliste Naufal Daou, le patriarche Raï, l’ambassadeur Walid Boukhari et le P. Antoine Daou, auteur de l’ouvrage, posant pour la photo à l’issue de la cérémonie. Photo Bkerké

Dans la guerre des axes qui divise le Moyen-Orient depuis des décennies, Bkerké a choisi son camp. Depuis bien longtemps. Il l’a rappelé hier à l’occasion de la célébration du centenaire des relations entre le patriarcat maronite et le royaume saoudien. « Riyad n’a jamais violé la souveraineté du Liban », a estimé Béchara Raï, dans une allusion à peine voilée à l’Iran, entre autres. « Nous espérons que les partis politiques locaux privilégieront l’intérêt libanais », a renchéri, depuis Bkerké, l’ambassadeur saoudien Walid Boukhari qui soutient la démarche du prélat en faveur de l’établissement, au Liban, du principe de neutralité.

Si le royaume a longtemps été considéré comme le parrain des sunnites, ses relations ne se sont jamais limitées à cette communauté au pays du Cèdre. Avant même la proclamation du Grand Liban, une communauté de destin unissait les deux peuples réclamant leur indépendance par rapport à la Sublime Porte. À cette époque, la famille Saoud a entretenu une correspondance avec Bkerké, soutenant l’indépendance du Liban, un épisode relaté dans le livre de l’abbé Antoine Daou, présenté hier à la cérémonie. Les relations officielles entre les deux parties ont commencé en 1921, soit quelques mois après la déclaration de l’État du Grand Liban.

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L’amitié entre Riyad et Beyrouth s’est développée durant les décennies suivantes, notamment en raison de la très bonne entente entre les dirigeants du royaume et les deux têtes de l’exécutif libanais, Béchara el-Khoury et Riad el-Solh. La fille de Solh a épousé le prince Talal ben Abdel Aziz, et de cette union est né le prince al-Walid ben Talal.

Contre la révolution nassériste

Les liens se resserrent un peu plus avec l’accession au trône du roi Saoud en 1953, pendant la présidence de Camille Chamoun. Les deux hommes partagent des orientations communes notamment pour confronter la révolution nassériste en Égypte. Les deux parties convergent aussi dans le cadre du Pacte de Bagdad, une alliance militaire pro-américaine qui fait front à l’Égypte de Nasser. Alors que Le Caire se rapproche de l’Union soviétique après 1956, Beyrouth et Riyad se retrouvent dans l’axe américain. Le panarabisme est dominant dans toute la région et le royaume trouve, à travers le camp chrétien libanais, un allié de poids. Mais les choses se compliquent deux ans plus tard. La révolution de 1958 éclate et divise le Liban, qui menace de tomber dans le camp du panarabisme.

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À son arrivée au pouvoir, Fouad Chéhab recentre le Liban sur le plan géopolitique. Mais il préserve tout de même les relations avec l’Arabie saoudite, qui vont continuer de se développer particulièrement sur les plans économique et financier. Quand les accords du Caire sont signés en 1969, légalisant l’action armée palestinienne à partir du territoire libanais, l’Arabie saoudite s’y oppose, les considérant comme incompatibles avec la souveraineté du Liban.

Riyad ne cherche pas à développer une alliance avec les chrétiens, mais plus généralement avec le Liban. Mais leur positionnement dans l’échiquier politique régional en fait des alliés de choix. Et tandis que la question palestinienne divise le Liban, le royaume choisit le camp du souverainisme, rejoignant ainsi la vision des chrétiens, en refusant de soutenir les revendications des Palestiniens et du Mouvement national libanais dirigé par Kamal Joumblatt.

Les constantes historiques

En 1982, avant son élection à la présidence de la République, Bachir Gemayel reçoit une invitation du ministre saoudien des Affaires étrangères Saoud al-Fayçal et se rend en Arabie saoudite pour une visite organisée par les Américains sur un avion privé saoudien qui l’emmène de Chypre à la ville de Taëf. La rencontre entre Gemayel et le prince Saoud a lieu en présence du ministre d’État koweïtien, Abdelaziz Hussein, et du secrétaire général de la Ligue des États arabes, Chadli Klibi, qui écoutent le leader chrétien plaider la nécessité de retirer toutes les armées et organisations armées non libanaises. La position de Bachir reçoit l’aval saoudien et arabe, avec à l’appui une mise en garde contre le danger israélien et l’assurance que l’Arabie saoudite et plus généralement les Arabes s’emploieront à restaurer la souveraineté libanaise sur tout le territoire.

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L’accord de Taëf en 1989 marque le moment-phare de l’influence saoudienne au Liban. Alors qu’une partie du camp chrétien, l’interprète comme une humiliation qui les prive de leurs prérogatives, le royaume prend le temps de coordonner son action avec Bkerké. « Il n’y a jamais eu de volonté d’affaiblir les chrétiens, affirme un responsable saoudien, sous couvert d’anonymat. Plutôt d’assurer une représentation juste et équilibrée au sein des institutions. » Surtout que cette convention intervenait quelques années après le fameux accord tripartite (1986) conclu sous l’égide de la Syrie entre les chefs des milices chrétienne (Élie Hobeika), druze (Walid Joumblatt) et chiite (Nabih Berry), et qui avait massivement été rejeté, notamment par les principaux chefs de file chrétiens, à commencer par le président Amine Gemayel et le numéro deux des Forces libanaises, Samir Geagea. Or, selon le responsable saoudien cité plus haut, l’opposition chrétienne à l’accord tripartite s’était construite en coordination avec l’Arabie saoudite, qui rejetait à l’époque la politique d’alliance des minorités pratiquée par le régime de Hafez el-Assad.

La cérémonie de Bkerké vient rappeler toutes ces évidences. « L’objectif principal est de réhabiliter les constantes historiques du Liban », souligne un diplomate saoudien. « Riyad n’a aucune intention d’abandonner le Liban, mais ce dernier doit être à la hauteur de cette relation », ajoute-t-il. « Il faut que cette réunion soit une opportunité pour tous les partis libanais afin de rétablir les relations, à travers l’État libanais, avec l’Arabie saoudite et tous les Arabes, ce qui permettra de sauver le Liban et de le garder loin des conflits et axes régionaux », résume un proche de Bkerké.

Dans la guerre des axes qui divise le Moyen-Orient depuis des décennies, Bkerké a choisi son camp. Depuis bien longtemps. Il l’a rappelé hier à l’occasion de la célébration du centenaire des relations entre le patriarcat maronite et le royaume saoudien. « Riyad n’a jamais violé la souveraineté du Liban », a estimé Béchara Raï, dans une allusion à peine voilée à...

commentaires (3)

La différence entre un appui souverainiste et respectueux de l’intérêt mutuel et une vassalisation. Il faut arrêter de cracher dans la soupe et revenir dans l’environnement naturel de notre pays, vers ceux dont l’intérêt n’est pas en contradiction du notre.

Bachir Karim

10 h 18, le 09 juillet 2021

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Commentaires (3)

  • La différence entre un appui souverainiste et respectueux de l’intérêt mutuel et une vassalisation. Il faut arrêter de cracher dans la soupe et revenir dans l’environnement naturel de notre pays, vers ceux dont l’intérêt n’est pas en contradiction du notre.

    Bachir Karim

    10 h 18, le 09 juillet 2021

  • LE LIBAN C,EST L,ENFANT EGARE DE LA PARABOLE DE JESUS QUI LORSQU,IL RETOURNERA A SA FAMILLE ARABE CETTE FAMILLE EGORGERA DES MOUTONS ET SERA EN FETE CAR L,ENFANT EGARE EST ENFIN DE RETOUR. IL N,Y A PAS D,AUTRE ALTERNATIVE. LOIN DE NOUS LES AYATOLLAHS PERSES ET LEURS MERCENAIRES ET CEUX QUI LEUR PROCURENT UNE COUVERTURE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 54, le 09 juillet 2021

  • Bel article mais ça fera pas plaisir à HN et les ayatollahs…

    Eleni Caridopoulou

    00 h 38, le 09 juillet 2021

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