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Lifestyle - La Mode

Azzi & Osta, la matière du vent

Durement frappés par la double explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth, les créateurs Azzi & Osta ont décidé de secouer les lourdes poussières de leur local détruit et de reconstruire leur maison ailleurs, n’emportant que leur passion commune pour les belles histoires et leur pouvoir de transformer les rêves en réalité. Leur nouvelle collection haute couture pour l’automne-hiver 2021-2022 est dédiée au parfum. Tout avait commencé par une visite à Grasse.

Azzi & Osta, la matière du vent

Azzi & Osta haute couture automne-hiver 2021-2022. Photos DR

Comment donner corps à la fugacité d’un parfum ? Comment illustrer la convergence de tous les chemins ancestraux, le carrefour des caravanes chargées d’essences venues de tous les confins, portant les innombrables éléments qui en composent une seule goutte ? Comment la décrire, cette goutte presque immatérielle qui, avant de s’évaporer, fait éclore des myriades d’émotions et habite indéfiniment la mémoire ? Comment dire à travers une robe ou un tissu mêlé de vent le chant des racines, des résines et du bois, la fête des fleurs cueillies à l’aube et la rosée irisée par l’air qu’elles embaument ?

Une réalisation chorale

Tout a commencé par un voyage à Grasse, la visite du musée de la parfumerie, la découverte du vaste univers des essences. Sur un mur, une fresque de la mappemonde illustrant la provenance de chaque fleur, chaque extrait végétal – osmanthus du Japon, aiguilles de pin du Canada, santal de l’Inde –, attire l’attention sur les différents territoires, climats, civilisations et cultures qui peuvent se croiser dans la composition d’un parfum. Tant de mains, tant de labeur, tant de communautés, tant de talents dans un seul flacon… Dès lors, Georges Azzi et Assaad Osta voient dans chaque parfum une œuvre-monde, une réalisation chorale. L’idée de cette collaboration à l’échelle du globe pour l’obtention du produit le plus subtil, le plus abstrait qui soit obsède ces deux amoureux de la nature et du vivant. Dans la perspective des changements climatiques, elle les conforte aussi dans la certitude que si l’humanité peut se donner la main pour créer de la beauté, elle peut aussi le faire pour sauver la terre.

Du sillage à la matière

Grands amoureux des arts, passionnés de civilisations et d’histoire, narrateurs par vocation, Azzi et Osta ont longtemps rêvé cette collection dédiée au parfum. D’abord attirés par le défi que représente la matérialisation de l’ineffable, des mois durant, ils se penchent ensemble, avec la belle connivence qui est la leur, sur ce que pourraient être la forme et la matière d’une robe qui évoquerait spontanément un sillage, la légèreté, la volatilité et la prégnance d’une fragrance. À cela s’ajoute l’obsession de contribuer à la protection des espèces qui va se traduire par la création de plumes sans plume, de fourrure sans fourrure. Tout comme la parfumerie recourt à des artifices pour remplacer ou affiner des essences rares, les couturiers vont tuyauter l’organza et l’assembler en épis mouvants sur une étole prête à l’envol.

Azzi & Osta haute couture automne-hiver 2021-2022 Photo DR

Notes de cœur

Un tourbillon de tulle, de gaze et d’organza de soie envahit l’atelier, suivi d’un tissu floral réalisé sur mesure, imprimé en relief de verveine et de patchouli. Un nouveau matériau fait son entrée : le raphia, fibre naturelle et renouvelable dans laquelle va se tresser, à la manière des paniers et chapeaux de paille des cueilleuses, un corset à basques inspiré des années 1950 dont se déversent les fleurs brodées d’une robe fourreau éthérée. Le raphia va s’interpréter ailleurs en broderies ou s’entrelacer en ceintures. Le duo de créateurs, célèbre pour ses structures architecturales et ses solides géométries, se livre ici avec brio à un exercice de transparence qui ne lui est pas habituel.

Pour mémoire

Azzi&Osta, à la fraîcheur des premières fois !

Les ingrédients comme les lieux fétiches de la parfumerie se croisent dans cette collection où la fleur d’oranger, le bourgeon de pêcher, le patchouli, le magnolia, la figue, le néroli ou le myrte foisonnent en broderies d’une infinie poésie, auxquelles s’ajoutent de subtils pétales de tissu moulés et aquarellés à la main. Le tulle, découpé en rubans recousus bord à bord en froufrous, associe le tactile et le volatil avec une irrésistible sensualité. Entre une robe fourreau taillée dans la forme d’un vase ou une incroyable robe mimosa découpée en boule dans un nuage de tulle, on respire avec les yeux, on touche avec les ailes. La palette est douce comme ces notes de cœur qui s’alanguissent sur la peau quand les tonalités plus vives se sont évaporées. Trois robes de mariée culminent en apothéose dans cette collection de 23 pièces complétée par une grande cape en rubans de taffetas. L’une d’elles, dont la jupe est brodée de fleurs de myrte, est composée de rubans de velours serrés au point d’esprit et de tulle moucheté comme un calice. Une autre est brodée de tubéreuses sur chantilly de soie, écloses en transparence sous une couche de dentelle parsemée de fleurs d’organza et pailletée de cristaux qui lui font une rosée. Elle est accompagnée d’un boléro de tulle en rubans également assemblés au point d’esprit. La troisième, enfin, fourreau signature de la maison, illuminée d’un subtil semis de paillettes et agrémentée de plumes d’organza aux épaules, émerge d’un voile entièrement recouvert de fleurs en relief.

De ce mélange de simplicité naturelle et d’extrême sophistication se dégagent une joie tranquille, un réconfort que seule procure l’évidence de la beauté.

Comment donner corps à la fugacité d’un parfum ? Comment illustrer la convergence de tous les chemins ancestraux, le carrefour des caravanes chargées d’essences venues de tous les confins, portant les innombrables éléments qui en composent une seule goutte ? Comment la décrire, cette goutte presque immatérielle qui, avant de s’évaporer, fait éclore des myriades d’émotions et...

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