
Les dégâts toujours visibles au port de Beyrouth, près de dix mois après la gigantesque explosion meurtrière du 4 août 2021. Photo AFP / DYLAN COLLINS
Le juge d'instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, en charge de l'enquête sur la gigantesque explosion meurtrière du 4 août 2020 au port de Beyrouth, a affirmé jeudi que le volet technique de l'enquête serait achevé dans les prochaines semaines et qu'il se donnait deux mois pour déterminer les causes du drame, alors que les familles des plus de 200 victimes ne cessent de réclamer justice depuis dix mois. Il a également fait savoir que de nouvelles convocations de suspects sont prévues. Le juge a en outre annoncé que l'une des trois hypothèses qui pourraient expliquer l'explosion a été écartée à hauteur de 70%, sans toutefois spécifier laquelle.
Deux mois
"Le volet technique de l'enquête sera bientôt achevé, et dans les prochaines semaines, la phase de convocations des personnes faisant l'objet de poursuites débutera", a annoncé le juge Bitar jeudi, devant un petit groupe de journalistes qu'il a reçus dans son bureau au palais de Justice de Beyrouth, selon des propos rapportés par l'Agence nationale d'information (Ani, officielle).
Le magistrat s'est dit confiant dans sa capacité à "obtenir la vérité et déterminer les responsabilités de ce drame". Il a ensuite dit qu'il se donnait "deux mois pour déterminer les causes de l'explosion de manière finale et décisive".
La double déflagration au port de Beyrouth a fait plus de 200 victimes et 6.500 blessés, dévastant des quartiers entiers de la capitale. Plusieurs responsables sécuritaires et politiques, notamment le Premier ministre sortant Hassane Diab, et les députés Ali Hassan Khalil, Ghazi Zeaïter et l’ex-ministre Youssef Fenianos, avaient été inculpés pour négligence par le juge Fadi Sawan. Celui-ci, initialement en charge de l’enquête, en avait été dessaisi au début de l’année pour être remplacé par Tarek Bitar.
Après avoir pris la relève de Fadi Sawan, le juge Bitar a interrogé depuis mars les prévenus et de nombreux témoins. Le magistrat s'est par ailleurs penché ces dernières semaines sur l’itinéraire et les pays de contact juridique du navire Rhosus chargé du nitrate d'ammonium. À cette fin, M. Bitar a émis des commissions rogatoires adressées aux pays concernés, directement ou non, par le passage de la cargaison, à savoir la Géorgie, pays d’origine du nitrate d’ammonium, le Mozambique, pays de destination, la Grèce, Chypre et la Turquie.
Trois hypothèses
"L'enquête se concentre actuellement sur trois hypothèses : la première est celle d'une erreur lors de travaux de soudure sur la porte du hangar 12 et qui aurait provoqué l'incendie puis l'explosion. La deuxième est celle d'un acte sécuritaire ou terroriste intentionnel à l'intérieur du port, et la troisième est celle d'une frappe aérienne à l'aide d'un missile", a expliqué jeudi le juge.
"L'une de ces hypothèse a été écartée à 70%, et le travail se concentre sur les deux autres", a précisé Tarek Bitar, sans spécifier clairement l'hypothèse écartée. Mais commentant l'éventualité d'une frappe aérienne, il a dit que "cette hypothèse fait l'objet d'une enquête approfondie en se basant sur les dépositions des témoins (...), les données des radars, et enfin l'analyse du sol pour déterminer la présence ou non de débris de missile ou de poudre, ou toute autre matière explosive".
Le magistrat a dans ce contexte affirmé que c'est le dernier rapport qu'il a reçu des autorités françaises qui l'a poussé à écarter en grande partie l'une des trois hypothèses en question.
Députés et immunités
Enfin, Tarek Bitar a annoncé que sept nouveaux témoins, tous employés au port et qui se trouvaient sur place lors de l'explosion, sont entendus actuellement, ajoutant que leurs témoignages sont considérés comme centraux à l'enquête.
Interrogé sur le fait de savoir si des responsables politiques figurent parmi les suspects qui seront prochainement convoqués, le juge Bitar s'est contenté de dire qu'il prendra "toutes les mesures permises par la loi, dans le cadre des prérogatives" qui lui sont attribuées. "Toute personne qui sera jugée coupable de collusion ou de négligence ne sera pas à l'abri" de poursuites, a promis le magistrat. Il a toutefois rappelé que les députés bénéficient d'une immunité. "La loi est claire : les députés ne peuvent être convoqués en justice, sauf s'ils sont attrapés en flagrant délit, dans un délai de huit jours, ou après la levée de l'immunité de la part du Parlement, en dehors de la session de la Chambre", a précisé M. Bitar.
"… L'une de ces hypothèse a été écartée à 70% …" - waou! c’est drôlement précis. Mais ça ne veut rien dire. C’est comme si on disait qu’une femme est enceinte à 70%. Soit elle est enceinte, soit elle ne l’est pas. De même, soit l’hypothèse est écartée, soit elle ne l’est pas… à moins que… ok, j’ai compris. L’hypothèse est rejetée, mais on attend que le sayyed donne son opinion entre deux quintes de toux, avant d’officialiser…
22 h 33, le 04 juin 2021