La comédienne et humoriste Shaden Fakih a été entendue hier à la caserne Joseph Daher à Furn el-Chebbak à Beyrouth par un organisme étatique se faisant appeler « bureau de lutte contre la cybercriminalité ». La jeune femme a été convoquée à cause d’une vidéo publiée sur les réseaux sociaux où elle tourne les décisions des autorités en dérision. Contactée par L’Orient-Le Jour, Shaden Fakih a assuré qu’elle ne retirerait pas la publication en question et qu’elle continuerait à critiquer les autorités.
« Je n’ai pas accepté de signer un engagement (de ne pas s’en prendre à nouveau aux services sécuritaires) et je leur ai dit que je n’effacerai certainement aucune de mes publications. Je suis comédienne, mon travail consiste à critiquer », confie l’humoriste à L’OLJ. Connue pour son franc-parler et son humour acerbe, Shaden Fakih a été convoquée début mars après avoir contacté le 112 (le numéro des Forces de sécurité intérieure, FSI) pour se moquer du couvre-feu mis en place par les autorités pour faire face à la pandémie. Elle avait également demandé aux policiers de l’aider à se procurer des serviettes hygiéniques malgré le confinement. La jeune femme avait filmé la scène avant de la publier sur les réseaux sociaux. Son audience avait été une première fois reportée.
« Ils sont contrariés parce qu’ils pensent que je tourne les services sécuritaires en dérision. Je n’ai fait que critiquer un système que je trouve ridicule. Ils perdent leur temps dans des convocations qui n’ont pas de sens au lieu de poursuivre ceux qui commettent des crimes », lance Shaden Fakih. « Le pays est dans un état lamentable. Ils feraient mieux de se concentrer sur les dossiers prioritaires et laisser les gens rire et critiquer, voire insulter », poursuit-elle.
« Qu’as-tu donc fait, Shaden ? »
À sa sortie de l’interrogatoire, la jeune femme était revenue sur la vidéo qui a déplu aux FSI. « J’ai contacté le 112 pour me moquer du système mis en place par les autorités pour les autorisations de sortie. (...) Cela les a beaucoup dérangés. Vous savez, les hommes sont très sensibles », a-t-elle ironisé devant le groupe de personnes venues la soutenir. « Mais ils ont été doux avec moi », a-t-elle ajouté en évoquant son interrogatoire. Une poignée de manifestants s’étaient rassemblés devant la caserne en signe de solidarité sous le slogan « Non à l’État policier et censeur ». Dans une vidéo publiée la veille de sa convocation, la comédienne se demandait quelles pourraient être les raisons qui justifieraient son interrogatoire, étant donné qu’elle n’avait pas été notifiée du motif. « On m’a demandé : qu’as-tu donc fait, Shaden ? Des tractations avec Israël ? Tu as fait exploser le port (de Beyrouth) ? De la contrebande de Captagon ? », a-t-elle ironisé. « Ah, tu as écrit un post sur Facebook ? » a ajouté l’humoriste qui s’est prononcée en faveur d’une « liberté d’expression absolue ». Plusieurs militants antipouvoir ont été entendus par le bureau de lutte contre la cybercriminalité au cours des derniers mois sans connaître à l’avance la raison de leur convocation.
Le bureau de lutte contre la cybercriminalité est régulièrement épinglé par les associations de défense des droits de l’homme. En janvier 2020, Human Rights Watch (HRW) critiquait dans son rapport annuel ce service « qui convoque des militants pour les interroger sur leurs discours, pourtant pacifiques, les soumettant dans certains cas à des abus, violant leur vie privée, les maintenant en détention provisoire et les obligeant à signer des engagements à observer le silence ».
commentaires (4)
Elle est sympathique
Eleni Caridopoulou
18 h 31, le 09 mai 2021